Le coup de pied de l'âne

France-Québec : fin du "ni-ni"?

Nicolas Sarkozy s'intéressait déjà peu à la question québécoise. On peut maintenant être sûr qu'il ne voudra plus en entendre parler. Il y a longtemps que Paul Desmarais l'a convaincu que le projet souverainiste est dépassé. À entendre les explications du secrétaire d'État responsable de la francophonie, Alain Joyandet, il semble que nous ayons également l'esprit trop lent pour saisir toutes les subtilités de la pensée présidentielle. Après le «chipotage», nous voilà victimes d'«animation journalistique».
Toute la classe politique, fédéraliste aussi bien que souverainiste, serait tombée dans le panneau, que ce soit en «triomphant» avec la grâce d'un éléphant, comme Lawrence Cannon, ou en déchirant sa chemise comme Jacques Parizeau. Quoi qu'elle en dise, Pauline Marois avait fait la même interprétation des propos de M. Sarkozy, puisqu'elle supposait qu'il comprenait encore mal le projet souverainiste.
Quand le président français a déclaré, dans son point de presse à la Citadelle, que le monde n'avait pas besoin d'une division supplémentaire, comment avons-nous pu croire qu'il pensait au Québec, plutôt qu'à l'Abkhazie ou au Kurdistan turc? Certes, la question qui lui était adressée portait spécifiquement sur sa vision de la relation entre la France et le Québec, mais n'était-il pas évident que cet homme pourtant réputé pour dire les choses sans détour parlait dans l'abstrait?
Heureusement, tout est maintenant clair. Quand, dans son discours à l'Assemblée nationale, le président a évoqué cette «nation québécoise au sein du grand peuple canadien», il nous «accompagnait» a posteriori dans la voie que nous avons choisie le 30 octobre 1995. Et quand il a loué notre «refus du repliement sur soi», il faisait sans doute référence au rayonnement international de Céline et du Cirque du Soleil. Bref, les cousins nous tiennent pour des ploucs.
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Les choses allaient déjà suffisamment mal pour les souverainistes sans ce coup de pied de l'âne. Le premier ministre Charest devait se mordre les lèvres pour ne pas éclater de rire. Contrairement à sa ministre des Relations internationales, Monique Gagnon-Tremblay, il a cependant compris qu'il ne servait à rien de se péter les bretelles. Tout fédéraliste qu'il soit, M. Charest sait bien qu'un mouvement souverainiste trop moribond affaiblirait son rapport de force avec Ottawa.
Samedi après-midi, à Québec, il fallait voir les souverainistes s'activer pour convaincre le gouvernement français de rectifier le tir. Au téléjournal, on pouvait voir Louise Beaudoin manifester sa grande satisfaction d'entendre les explications de M. Joyandet.
Il est vrai que peu importe ce qu'ils pensent réellement de M. Sarkozy, les souverainistes n'ont rien à gagner à lui chercher querelle, sous peine de voir se fermer les rares portes qui leur demeurent encore ouvertes à Paris. Il faut mieux faire le dos rond en attendant qu'un président mieux disposé s'installe à l'Élysée.
On peut facilement comprendre la réaction de M. Parizeau, qui est particulièrement bien placé pour apprécier l'importance du rôle que jouerait la France dans la reconnaissance internationale d'un Québec souverain. À voir M. Sarkozy faire copain-copain avec Stephen Harper, on l'imagine mal entrer dans le «grand jeu» que l'ancien ministre avait imaginé avant le référendum du 30 octobre 1995.
Plusieurs ont dû rager de voir Pauline Marois avaler aussi sereinement cette énorme couleuvre. Déjà qu'on la trouve bien peu pugnace. On peut comprendre son souci de ne pas aggraver les choses, mais de là à dire que les propos de M. Sarkozy avaient été musique à ses oreilles... Il y a des limites à faire l'autruche.
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Hier, Mme Marois retenait toujours que le président français avait insisté sur la «relation privilégiée» qui unit la France et le Québec. À la réflexion, elle disait néanmoins comprendre les craintes de M. Parizeau.
Malgré tout, elle se dit persuadée que «quand le peuple québécois aura décidé de son avenir, la France sera à nos côtés». Elle sait sans doute mieux que personne qu'il n'y aura pas de référendum avant que M. Sarkozy ait pris sa retraite.
La réaction de Gilles Duceppe avait été nettement mieux calibrée. Sans faire d'esclandre, le chef du Bloc québécois a poliment suggéré au président français de se mêler de ses affaires, en déclarant qu'il n'appartenait pas aux Français de décider pour les Québécois.
Depuis la visite du général de Gaulle, en 1967, aucun dirigeant français n'était intervenu aussi directement dans le débat constitutionnel canadien. Jacques Chirac avait promis d'accompagner le Québec, peu importe la voie qu'il choisirait, mais il n'avait pas indiqué aussi ouvertement sa préférence.
La sortie du président Sarkozy est d'autant plus étonnante qu'elle survient à un moment où, même au Québec, la question n'est plus d'une grande actualité. «L'idée que je me fais de la France, c'est un pays qui rassemble et non pas qui divise», a-t-il déclaré. À cet égard, on ne peut pas dire que son passage au Québec ait été très réussi. Quelque chose me dit qu'on ne le reverra pas de sitôt. En revanche, il s'est promis de revenir visiter d'autres régions du Canada. Il adorera certainement les Rocheuses.


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