Le colonial

Ottawa — tendance fascisante



Deux tableaux du peintre québécois Alfred Pellan ont été retirés du mur du hall d'entrée de l'édifice du ministère à Ottawa, où ils étaient accrochés depuis des décennies, pour être remplacés par un portrait de la reine.
Photo: PC



À la demande du ministre John Baird, deux tableaux d'Alfred Pellan qui ornaient le hall de l'édifice du ministère des Affaires étrangères ont été remplacés par une grande photo de la reine Élisabeth II. En donnant cet ordre, M. Baird a commis une gaffe de premier ordre.
Au bureau du ministre, on explique qu'il voulait rendre hommage à la reine qui célébrera l'an prochain le 60e anniversaire de son règne. Il souhaitait aussi faire plaisir au duc et à la duchesse de Cambridge, qui sont passés par l'édifice Pearson lors de leur récente visite au Canada.
Ces raisons ne sont pas convaincantes. D'abord, il est à la fois étonnant et inquiétant que le ministre des Affaires étrangères perde son temps à se préoccuper de la décoration de l'édifice où loge sa bureaucratie.
En second lieu, décrocher des tableaux peints par un des plus grands artistes du pays pour mettre à la place une photo officielle constitue une sorte de sacrilège. Si le ministère des Affaires étrangères ne sait pas quoi faire de ses deux Pellan, on pourra les transporter au Musée des beaux-arts du Canada, qui se trouve à deux pas. La collection du musée compte déjà une quarantaine de Pellan, ce qui témoigne de l'importance du peintre dans l'histoire de l'art canadien.
Troisièmement, il n'y a nul besoin d'ajouter un portrait d'Élisabeth II à Ottawa. À Rideau Hall, on trouve une peinture de Sa Majesté signée Jean-Paul Lemieux. Sur la colline parlementaire, une statue équestre lui est consacrée. Le royal visage est sur nos timbres et sur nos billets de 20$. Enfin, on trouve nombre d'écoles et de rues portant son nom. Si Élisabeth trouve que ses sujets canadiens n'en font pas assez, c'est qu'elle est vraiment difficile à contenter.
Quatrièmement, et c'est le plus important: la politique étrangère est le dernier domaine dans lequel le Canada s'est libéré de la tutelle du Royaume-Uni. Il a fallu aux Canadiens plus de 60 ans entre la mise en place de la Confédération en 1867 et l'adoption du Statut de Westminster en 1931, en passant par la création du secrétariat des Affaires extérieures en 1909, pour obtenir le droit de négocier et de signer des accords internationaux sans obtenir l'imprimatur de Londres. Le hall de l'édifice des Affaires étrangères est donc le pire endroit possible pour accrocher un portrait de la reine. Cette photo transmet à ceux qui entrent dans l'édifice Pearson le message que la politique internationale du Canada est encore décidée à Londres.
Son porte-parole dit que John Baird est un «grand amateur d'art canadien». Dans ce cas-ci, il fait plutôt figure de colonial portant une vénération excessive pour tout ce qui vient de la métropole.
apratte@lapresse.ca

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André Pratte878 articles

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[une chronique intitulée « Tout est pourri » (critique de Anne-Marie Gingras) ->http://books.google.fr/books?id=EZWguAMXAtsC&pg=PA27-IA27&lpg=PA27-IA27&dq=pratte+Tout+est+pourri&source=bl&ots=MUti9NTQuH&sig=h2zgJlLgOg844j5ejxnUl4zH2_s&hl=fr&sa=X&ei=73RrT8aQEqnh0QHuh4GyBg&ved=0CEEQ6AEwBQ#v=onepage&q=pratte%20Tout%20est%20pourri&f=false]

[Semaine après semaine, ce petit monsieur nous convie à la petitesse->http://www.pierrefalardeau.com/index.php?option=com_content&task=view&id=30&Itemid=2]. Notre statut de minoritaires braillards, il le célèbre, en fait la promotion, le porte comme un étendard avec des trémolos orwelliens : « La dépendance, c’est l’indépendance ». « La soumission, c’est la liberté ». « La provincialisation, c’est la vraie souveraineté ». « La petitesse, c’est la grandeur ». Pour lui, un demi-strapontin à l’Unesco est une immense victoire pour notre peuple. C’est la seule politique étrangère qu’il arrive à imaginer pour le peuple québécois. Mais cet intellectuel colonisé type n’est pas seul. Power Corp. et Radio-Cadenas en engagent à la poche.





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