Le cloaque

Dans le cas de M. Charest, c'est maintenant un cloaque puant qui est au centre du triangle. Et l'odeur nauséabonde se répand partout.

JJC - chronique d'une chute annoncée


Au printemps dernier, une série de malchances et de maladresses de la part du PQ avait permis au gouvernement Charest de conclure sur une note heureuse une session parlementaire qui avait été désastreuse.
Dès le lendemain des élections de décembre 2008, il était apparu que les libéraux avaient sciemment minimisé l'impact de la crise financière de l'automne sur les finances publiques et le rendement de la Caisse de dépôt.
Par la suite, les pratiques contestables des administrateurs des FIER, les contrats accordés à la compagnie d'asphaltage dont le ministre David Whissell était actionnaire, et les activités de lobbyisme du président du PLQ, Jean D'Amours, avaient eu pour effet de placer le gouvernement dans les câbles.
Tout à coup, patatras, les réflexions à voix haute de Jacques Parizeau sur l'opportunité de provoquer des crises pour promouvoir la souveraineté, la défaite crève-coeur à l'élection partielle de Rivière-du-Loup et, pour couronner le tout, le départ de François Legault avaient complètement renversé la situation.
À leur grande surprise, les libéraux étaient partis en vacances dans l'allégresse, avec cinq points d'avance dans les sondages, alors que les péquistes hébétés se demandaient comment ils avaient pu laisser échapper le ballon devant les buts.
Cette fois-ci, il n'y a pas eu de retournement. Du début à la fin, la session a été cauchemardesque pour le gouvernement Charest. Alors qu'il espérait la placer sous le signe de l'économie, il s'est embourbé dans les questions d'éthique et les allégations de collusion et de favoritisme dans l'octroi des contrats publics.
Même le PQ ne s'attendait pas à ce que ces questions monopolisent l'attention à ce point. Dans son plan, l'éthique devait partager la vedette avec l'identité québécoise et les finances publiques, mais elle les a complètement éclipsées. Seule la grippe A(H1N1) lui a fait une certaine concurrence. De façon inattendue, la campagne municipale à Montréal a eu l'effet d'un catalyseur. Alors que la réélection de Gérald Tremblay aurait pu clore le débat, elle a plutôt eu pour effet de le relancer.
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Le refus systématique de tenir une enquête publique sur la corruption dans l'industrie de la construction que réclament trois Québécois sur quatre et la multiplication des manoeuvres dilatoires ressemblent de plus en plus à un aveu de culpabilité aux yeux de la population. Pour la première fois en deux ans, le PQ arrive en tête dans les intentions de vote, quatre points devant les libéraux.
Hier, le leader parlementaire du gouvernement qui accompagne obligatoirement le premier ministre au moment de faire le bilan de la session brillait pas son absence. Devenu le symbole de la mauvaise foi gouvernementale dans toute sa splendeur, Jacques Dupuis n'était tout simplement pas montrable.
L'opinion publique a beau être volage, certaines choses collent à la peau. Le dernier coup porté par le député péquiste de Gouin, Nicolas Girard, a fait mal. La possibilité qu'on ait favorisé les contributeurs à la caisse du PLQ dans la distribution de nouvelles places en garderie a de quoi indigner. Qu'on laisse au moins les enfants en dehors de cette sale histoire, ils découvriront le côté obscur bien assez tôt.
Il est un peu prématuré de parler d'odeur de fin de régime, comme celle qui flottait dans l'air au milieu des années 1970, quand le gouvernement Bourassa s'était empêtré lui aussi dans les questions d'intégrité. Après tout, il n'y aura pas d'élections générales avant trois ans. Aussi bien dire une éternité.
M. Charest n'en semble pas moins avoir oublié la leçon que M. Bourassa avait tirée de son premier règne. À son retour au pouvoir en 1985, il avait adopté la théorie du triangle, dont les pointes représentaient les trois axes de son credo politique: le développement économique, la paix sociale et la défense des intérêts du Québec.
Au centre du triangle bourassien se trouvait l'intégrité, sans laquelle tout l'édifice risquait de s'écrouler. Dans le cas de M. Charest, c'est maintenant un cloaque puant qui est au centre du triangle. Et l'odeur nauséabonde se répand partout.
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Hier, le premier ministre a tout fait pour recentrer le débat public sur les questions économiques. Son point de presse a commencé par un interminable laïus sur la nécessité de stimuler la relance et de préserver les emplois. Il n'a évoqué la corruption dans l'industrie de la construction que pour mieux rappeler les mesures ponctuelles prises pour l'éradiquer.
De toute évidence, il espère qu'avec la fin de la session parlementaire et les distractions de la période des Fêtes, l'opinion publique finira pas se lasser. Au début de 2010, la grande consultation sur les orientations budgétaires et les négociations avec les syndicats du secteur public offriront d'autres distractions.
Pauline Marois est la première à être consciente du risque d'essoufflement. L'Assemblée nationale ne reprendra ses travaux qu'au début de février. Deux longs mois pendant lesquels le PQ devra imaginer de nouvelles façons d'attiser la braise. Il faudra certainement trouver mieux que la pétition qui a été mise en ligne sur le site de l'Assemblée nationale. Même les cloaques gèlent en hiver.


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