Le brouillard

Élection Québec 2012


Si cela peut le consoler, François Legault n’est pas le seul à se retrouver dans le « brouillard politique ». En réalité, c’est le Québec tout entier qui cherche son chemin.
Les résultats du dernier sondage Léger Marketing-Le Devoir le confirment : des élections générales déclenchées en août prochain — ce que souhaitent une majorité de Québécois — seraient une véritable boîte à surprise.
Malgré l’étonnante défaite libérale de lundi dernier dans Argenteuil, le premier ministre Charest pourrait néanmoins trouver ces chiffres suffisamment encourageants pour tenter le coup. Personne ne l’a cru hier quand il a déclaré que l’Assemblée nationale reprendrait normalement ses travaux en septembre. Le climat demeurerait empoisonné par le conflit étudiant et la commission Charbonneau ne pourra que renforcer l’impression qu’un ménage est nécessaire.
La victoire est loin d’être assurée, mais la tendance des principaux indicateurs est nettement favorable aux libéraux. Depuis deux mois, les intentions de vote du PLQ ont progressé de 5 points, tandis que le PQ fait du surplace. La popularité personnelle de M. Charest a fait un bond de 8 points en un mois, alors que celle des trois autres chefs est en baisse. Pour la première fois depuis des lustres, le taux d’insatisfaction est passé sous la barre des 70 %, en baisse de 7 points.
Le sondage est clair : le PLQ continue de profiter du conflit étudiant, tandis que le carré rouge demeure un handicap pour le PQ. Hier, M. Charest s’est encore indigné qu’on puisse le soupçonner de laisser les choses aller afin de faire campagne sur la peur du désordre, mais il n’entend surtout rien tenter pour régler la crise d’ici la rentrée de la mi-août. Selon Amir Khadir, « toute solution serait un gain pour le gouvernement ». Manifestement, le premier ministre ne l’entend pas ainsi.

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Le premier ministre a déclaré sans rire que « l’extrême gauche » a pris le contrôle du PQ et que Pauline Marois « prend l’engagement de tenir un référendum le plus rapidement possible ». Pourtant, durant sa propre conférence de presse, la chef péquiste n’a pas prononcé le mot « souveraineté » une seule fois.
Si elle veut réellement « opposer l’unité à la division », la souveraineté n’est certainement pas le meilleur thème à exploiter. Même parmi les électeurs péquistes, seulement 7 % des personnes interrogées par Léger Marketing la considèrent comme le principal enjeu de la prochaine élection. Dans l’électorat francophone, que vise essentiellement le PQ, la question de la langue serait sans doute moins divisive, mais seulement 2 % en font leur priorité.
Le PQ a trouvé une parade efficace au Plan Nord en orientant le débat sur la propriété des ressources naturelles, mais le sondage identifie clairement la corruption comme le seul enjeu auquel la population est aussi sensible qu’à la paix sociale.
Certains craignent une campagne « sale », mais les stratèges libéraux devraient y réfléchir à deux fois avant d’envisager un recours à une campagne de publicité négative sur l’air « Pauline Marois, c’est la rue », qui entraînerait inévitablement une riposte.
Il est vrai qu’à frapper sur sa casserole dans les rues de Lachute, Mme Marois ne faisait pas très première ministre, mais il est certainement aussi troublant de penser que M. Charest a touché pendant des années une prime secrète financée par une caisse à laquelle contribuent généreusement des bénéficiaires de contrats gouvernementaux. Mieux vaut ne pas s’aventurer sur ce terrain-là.
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Comme dans Argenteuil, la CAQ apparaît comme la grande perdante du sondage. Se voulant positif, François Legault a dit voir dans les 21 % obtenus lundi par Mario Laframboise la preuve que son parti peut s’appuyer sur une « base solide de 20 % à 25 % ». Malheureusement, la baisse amorcée en début d’année semble se poursuivre. Le dernier sondage situe maintenant la CAQ à 19 %, soit 2 points de moins que le mois dernier.
Selon le modèle de projections disponible sur le site Too Close to Call, les chiffres de Léger Marketing se traduiraient de la façon suivante : 58 sièges au PQ, 56 au PLQ, 10 à la CAQ et 1 à Québec solidaire. Même s’il devait se contenter du poste de chef du deuxième groupe d’opposition à l’Assemblée nationale, M. Legault assure qu’il va continuer à se battre pendant dix ans. Ce calvaire lui sera peut-être épargné. Dans l’Assomption, Too Close to Call accorde une avance de 16 points au PQ.
Il est vrai que la CAQ a été victime de la polarisation provoquée par la crise étudiante. Malgré les amendements à la loi 78 qu’elle a réussi à faire adopter, sa position a été perçue comme identique à celle du gouvernement. « En politique, il n’y a pas de place pour la nuance », a déploré M. Legault. Le problème est qu’il y en a encore moins dans une campagne électorale de 35 jours, où tout doit être noir ou blanc.


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