Au cours de la dernière décennie, Stéphane Dion s'est qualifié de « bon soldat » plusieurs fois en entrevue. Maintenant il dit de sa relation avec les Québécois qu'il s'agit de « respect mutuel ». On comprendra que le bon soldat nous tient en respect.
Stéphane Dion est un préfet de discipline. À vos ordres. Quand il est arrivé en politique, il s'est demandé si un code existait pour imposer une discipline au Québec par rapport au droit à l'autodétermination. Pour Stéphane Dion, la discipline est le capital le plus précieux d'un système qui marche.
À la question du Québec, il a souvent répondu : « Nous construisons ce pays tous ensemble. Vive le Canada. » Très scolaire, il se référait aux solutions que possédait traditionnellement le système canadien. Ce que ce système a prévu est une « solution ». Pour ce qui est, par exemple, du partage des compétences, il tend à se ranger dans chaque dossier sur la sectorisation des juridictions prévue initialement. Cela l'incite parfois à donner raison aux provinces, notamment sur les congés parentaux.
Si vous lui parlez de la réalité de la cause québécoise, il vous répondra : « De quels types sont ces problèmes? Identifiez-moi les sphères de la vie sociale touchées et nous verrons les efforts à assigner aux paliers gouvernementaux. » Avec un tel tour d'esprit, Stéphane Dion n'a jamais pu trouver une « seule bonne raison » au souverainisme. En effet, les souverainistes ne lui ont jamais apporté un problème qui échappe aux planificateurs et aux organismes dirigeants.
La pensée de Dion, si on emploie un langage de programmation, se présente comme « un nœud de liens bouclés ». Quelle que soit la situation qui se présente, les mêmes associations d'idées servent à toutes les fois. Sans la collaboration de tous au sein de normes valables pour tous, on est capable de rien du tout, pense Dion en substance. Le fédéralisme canadien s'apparente à un principe vital dans la lorgnette de ce bon soldat.
Il est normal, pour ce bon soldat, que le Québec ne soit pas utile que pour lui-même et que des normes existent pour en faire un collaborateur efficace. Le Canada pour Dion permet au Québec de collaborer efficacement à la résolution des défis globaux. Les défis globaux étant plus importants que les défis partiels, cela va de soi que les places provinciales correspondent à certaines fonctions. En somme, il y a un tout et des parties. Pour Dion, l'ordre canadien correspond à ce qui lui semble être le critère fondamental, une hiérarchisation sans laquelle on ne range rien et ne pense rien.
Stéphane Dion préfère diviser la cause québécoise en enjeux multiples susceptibles d'appartenir à tous les Canadiens. Le Fédéral représentant une masse plus importante, on est plus près du fond des grandes questions. Si Dion aime tant l'environnement tout à coup alors qu'il passait pour un émissaire des intérêts privés du temps où il en occupait le fauteuil ministériel, c'est essentiellement parce qu'il se sent conforté dans sa croyance que les lois sont les mêmes pour tous et que les grands défis sont nécessairement partagés par tous.
Pour un préfet de discipline, il est juste normal que les choses se passent d'une façon et non d'une autre. Si vous dites à Dion que les nations de quelques millions d'habitants n'ont pas nécessairement comme perspective favorite d'être inféodées comme province, il répond que la province appartient à ce pays. Le Canada n'a nul besoin d'explications pour Dion. Le Canada, son pays, est là avec son modèle générateur, ses mécanismes finaux, ses individus prospères.
Quand Dion reprochait au gouvernement Landry de se comporter comme un république, il prenait ce ton sans appel qui lui est si coutumier. Comme ministre des affaires intergouvernementales, Dion honnissait le gouvernement Landry qui officiait selon lui en l'absence des limites canadiennes. Dans l'esprit de Dion, le gouvernement Landry ne se pliait aucunement à la gouverne provincialiste. Et pour Dion, il s'agissait d'une tare sans appel. Il y a des pouvoirs centraux et des pouvoirs subordonnés. Par définition, les pouvoirs subordonnés ne peuvent ne se rapporter qu'à eux-mêmes. L'évidence logique de tout ceci est telle pour Dion que le souverainisme lui semble totalement irrationnel.
Si un problème comporte la participation de dix provinces, il n'y a rien d'étonnant. C'est qu'un mécanisme profond existe pour le résoudre dans la condition décrite. Une telle disposition prouve bien que l'ordre existe et où irait-on sans ordre?, pense Dion encore une fois. L'ordre a pour raison d'être de relier et non d'exclure. Dion se repasse la réflexion que l'ordre est impensable sans les critères du groupe. Les associations d'idées vont en boucle dans sa tête, toujours, toujours...
L'ordre a pour but de régler les contacts. Entrer dans un ordre étant nécessairement bon pour Dion. Conséquemment, il ne peut imaginer que l'on puisse reprocher au Canada de remettre le Québec à l'ordre.
Se plier à la discipline canadienne est quelque chose d'important, de vrai, pour Dion. Amoureux de la logique ou de ce qui paraît en être une formule, il a souvent répété : « Le Québec ne peut pas y être et ne pas y être en même temps ». Sans l'ordre, sans la discipline, sans l'insertion dans le rang, il n'y a qu'un lieu suspendu. Pour Stéphane Dion, le Canada est un ouvrage d'une parfaite minutie. La situation québécoise y figure parmi les points intéressants de la courbe démographique ou économique. Le plus merveilleux, comme Dion l'a déjà confié en entrevue, c'est que le système prévoit un formidable degré d'indépendance. Dion a souvent dit que le Canada est le système fédéral le mieux régulé et le plus décentralisé.
Les règles de collaboration au Canada, constate Dion, sont édictées, mieux encore, les règles se divisent en groupes, les régulières, les sporadiques. Le Québec n'a pas à exécuter certaines instructions, ou à certaines occasions seulement si, bien entendu, des clauses sont contresignées par les instances responsables. Voyant cela, ébahi, Dion est celui qui a le plus ergoté à propos de la souplesse de la discipline canadienne.
L'esprit de Dion est tourné de telle façon qu'il s'allume sur les nécessités d'un ordre global. À partir de là, il sait quoi inférer, distribuer les positions, charger les commandos punitifs, s'il y a des manquements. Il n'est pas surprenant que Jean Chrétien l'ait attiré en politique avec un grand défi, celui d'élaborer une loi pour sévir contre une province insoumise par rapport à la contrainte de l'ordre existant.
André Savard
Le bon soldat
L'évidence logique de tout ceci est telle pour Dion que le souverainisme lui semble totalement irrationnel.
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