Entrevue avec le président de Droits et Démocratie

Latulippe nie tout virage idéologique

Droits et Démocratie - KAIROS - Développement et Paix


Alec Castonguay Le nouveau président de l'organisme fédéral Droits et Démocratie, Gérard Latulippe, affirme que le conseil d'administration n'a jamais lancé de chasse aux sorcières pour discréditer les anciens dirigeants. Il n'y a pas non plus de virage idéologique en faveur d'Israël, a-t-il soutenu lors d'une entrevue avec Le Devoir. M. Latulippe veut maintenant que Droits et Démocratie sorte de la crise qui secoue l'organisme depuis bientôt un an et se remette au travail.
Depuis sa nomination par le gouvernement Harper, à la fin du mois de février, Gérard Latulippe n'avait pas parlé aux médias. Hier, il a tenté de tourner la page sur cette crise avec sa première série d'entrevues. «Il faut aller de l'avant», dit-il.
Un rapport commandé à la firme Deloitte et Touche par le conseil d'administration de l'organisme afin d'éclaircir des allégations de malversations financières commises par l'ancien régime, à couteau tiré avec le C.A., a été coulé aux médias jeudi. Résultat: l'ancien président, Rémy Beauregard, et son équipe ont peu de choses à se reprocher, selon Deloitte.
Les problèmes de gestion découverts étaient en voie d'être réglés par M. Beauregard lorsque celui-ci est décédé dramatiquement d'une crise cardiaque en janvier dernier, à la suite d'une réunion du conseil d'administration particulièrement houleuse.
Gérard Latulippe explique que l'objectif de la vérification, qui a coûté presque 500 000 $, n'était pas de trouver des fraudes à mettre sur le dos de M. Beauregard et son équipe. «Il y avait des problèmes de gouvernance et il fallait bien les identifier pour pouvoir les régler. C'est ce que le rapport fait, et je suis content.» Malgré les conclusions de Deloitte, il estime qu'il y a eu certains problèmes «significatifs» de gestion dans le passé. «On versait de l'argent à des organismes sans exiger de résultats et sans pouvoir justifier les sommes. Quand on utilise l'argent des contribuables, c'est inacceptable.»
Droits et Démocratie, créé en 1988, relève du Parlement fédéral, mais c'est le gouvernement qui nomme les membres du conseil d'administration et le président de l'organisme. Il s'occupe des droits de la personne et de démocratie sur la scène internationale. Son budget annuel est de 11 millions de dollars.
Les problèmes à l'interne ont débuté lorsqu'un nouveau président du conseil d'administration, Aurel Braun, a été nommé. Réputé défenseur indéfectible de l'État d'Israël, M. Braun était à couteau tiré avec le défunt président, Rémy Beauregard.
En janvier, deux membres du conseil d'administration ont démissionné pour protester contre le virage pro-Israël imposé à l'organisme par le conseil d'administration. Ce dernier a forcé l'organisme à supprimer les subventions accordées à des groupes au Proche-Orient qui ont critiqué Israël dans le passé.
M. Braun a réussi à se maintenir parce que le gouvernement a nommé de nouveaux administrateurs lui étant favorables. Lorsque les problèmes de Droits et Démocratie ont été rendus publics, M. Braun et ses alliés ont nié que leur philosophie pro-Israël soit à l'origine du conflit. Ils ont soutenu que c'était plutôt leur désir de faire le ménage dans la gestion de l'organisme qui braquait les employés.
Puis, 46 des 47 employés de l'organisme ont demandé la démission d'Aurel Braun et des deux vice-présidents du conseil: Jacques Gauthier et Elliot Tepper. Les employés soutiennent qu'ils ont fait du profilage ethnique, exigeant de savoir qui était arabe et pourquoi il n'y avait pas d'employés juifs dans l'organisme.
Gérard Latulippe affirme n'avoir jamais subi de pression de la part du conseil depuis qu'il est en poste, que ce soit dans les dossiers du Proche-Orient ou ailleurs. «S'il y avait des pressions ou un virage idéologique, je démissionnerais», dit-il.
Plus de 800 000 $ ont été dépensés par le conseil d'administration depuis le début de la crise pour embaucher des consultants privés, des firmes de sécurité, des avocats et des juricomptables, le tout sans appel d'offres. M. Latulippe affirme que c'est chose du passé et que dorénavant, il y aura des appels d'offres pour tous les contrats dépassant 25 000 $.
La méfiance entre la nouvelle direction et les employés demeure, avoue Gérard Latulippe. Depuis la crise de l'hiver dernier, près du tiers des employés ont quitté le navire. «Il faut laisser du temps au temps. Tout n'est pas réglé, mais ça s'améliore.»
Le président souhaite tourner la page et donner un nouveau souffle à Droits et Démocratie. Il apportera deux modifications importantes dans les mois à venir. D'abord, l'organisme fera davantage de mandats touchant le développement démocratique dans les pays instables. «On a fait beaucoup de travail du côté des droits humains dans les dernières années, alors il faut rééquilibrer. On va plus travailler avec les parlementaires et les partis politiques sur le terrain, pas seulement avec la société civile.»
Gérard Latulippe veut également développer l'approche par projets, qui permet des investissements plus importants. «Notre budget de fonctionnement n'est pas énorme, mais on peut aller chercher des subventions plus importantes par projet, notamment avec l'ACDI. On va aussi tenter d'aller chercher de l'argent d'autres pays et de fondations privées, comme la Fondation Clinton. Ça permet des investissements ciblés et massifs.»
Le Devoir


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