Hélène Buzzetti Ottawa — Pourquoi au juste le nouveau conseil d'administration de Droits et Démocratie a-t-il fait la guerre à son président, feu Rémy Beauregard, et congédié plusieurs employés? Les hommes du gouvernement Harper assuraient que cela n'avait rien à voir avec leur désir d'implanter une philosophie plus favorable à Israël au sein de l'organisme. Ils faisaient plutôt, disaient-ils, la guerre à la mauvaise gestion. Un rapport de vérification externe éventé hier démontre que de scandale, il n'y avait point.
La nouvelle direction de Droits et Démocratie, alléguant qu'il y avait peut-être eu des malversations financières sous l'ancien régime, avait en février commandé à la firme Deloitte et Touche une vérification des livres de l'organisme. Promis pour trois semaines plus tard, le rapport se faisait toujours attendre. Hier, le Globe and Mail en a obtenu et diffusé une copie et la conclusion est dévastatrice pour ses commanditaires: aucune malversation n'a été mise au jour.
Le nouveau conseil d'administration soupçonnait par exemple que des sommes de 30 000 $ par mois étaient transférées au bureau de Droits et Démocratie de Genève sans qu'il sache pourquoi. Conclusion des vérificateurs: ces transferts n'ont jamais existé. Le nouveau C.A. criait à la mutinerie parce les employés refusaient de lui fournir certaines informations concernant des programmes financés à l'étranger. Conclusion: ces informations n'existaient pas! La précédente administration, reconnaissant que les projets devaient être mieux documentés, avait commencé à modifier les pratiques.
Les problèmes de gestion découverts dans de précédentes évaluations internes étaient quant à eux en voie d'être réglés par M. Beauregard lorsque celui-ci est décédé dramatiquement d'une crise cardiaque en début d'année. Tout au plus les vérificateurs externes enjoignent-ils au nouveau conseil d'administration de mieux dialoguer avec les employés de Droits et Démocratie.
Le conseil devrait «revoir, redéfinir et établir les orientations stratégiques de Droits et Démocratie et les communiquer au personnel de gestion», est-il écrit dans ce volumineux document plutôt aride. Les vérificateurs notent que ces orientations «semblent avoir changé entre 2005 et 2010, particulièrement depuis l'arrivée de nouveaux membres du conseil d'administration. Ces changements semblent être à la source de plusieurs conflits entre certains membres du conseil d'administration et certains employés de gestion».
Les députés fédéraux ont été frappés par le caractère anodin de ce rapport, qui du coup n'explique pas les motivations véritables des nouveaux administrateurs nommés par le gouvernement de Stephen Harper.
«Soudain arrivent des personnes nommées par les conservateurs qui chamboulent l'organisme et ternissent la solide réputation qu'il avait sur la scène internationale, fait remarquer le néodémocrate Paul Dewar. Ils trouvent le moyen de dépenser près d'un demi-million de dollars pour partir à la recherche de quelque chose qui n'existe pas. En d'autres mots, ils ont lancé une chasse aux sorcières et n'ont rien trouvé.»
Pour le chef bloquiste, Gilles Duceppe, ce rapport prouve que le noeud du problème à Droits et Démocratie «relève d'un débat idéologique entre le conseil d'administration et les employés».
Droits et Démocratie est un organisme oeuvrant sur la scène internationale. Il reçoit un financement de 11 millions de dollars par année du gouvernement canadien. Les problèmes à l'interne ont débuté lorsqu'un nouveau président du conseil d'administration, Aurel Braun, a été nommé. Réputé faucon et défenseur indéfectible de l'État d'Israël, M. Braun était à couteau tiré avec le président Rémy Beauregard. Ce dernier est décédé un soir de janvier après une rencontre particulièrement houleuse du conseil d'administration. M. Braun lui reprochait l'octroi de trois contributions à des organismes palestiniens actifs au Moyen-Orient.
Éventuellement, tous les employés de Droits et Démocratie ont signé une lettre demandant la démission de M. Braun. Il a réussi à se maintenir parce que le gouvernement a nommé de nouveaux administrateurs lui étant favorables. Lorsque les problèmes de Droits et Démocratie ont été étalés sur la place publique, M. Braun et ses alliés ont nié qu'une volonté d'implanter une philosophie pro-Israël était à l'origine du conflit. Ils ont soutenu que c'était plutôt leur désir de faire le ménage dans la gestion de l'organisme qui braquait les employés.
La direction de Droits et Démocratie devait comparaître en comité parlementaire hier après-midi, à huis clos, pour présenter le rapport de Deloitte et Touche aux députés. Les travaux parlementaires ont plutôt été ajournés. Le président, Gérald Latulippe, a annulé ses entrevues médiatiques. Droits et Démocratie ne voulait pas rendre public le rapport tant que certains passages ne seraient pas caviardés.
Pétard mouillé à Droits et Démocratie
La vérification externe commandée par la nouvelle administration ne révèle aucune malversation ayant justifié le grand ménage imposé
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