Le proverbe du chien qu'on accuse d'avoir la rage ne donne pas la pleine mesure de la barbarie avec laquelle le gouvernement Harper s'est employé à détruire l'organisme Droits et Démocratie.
En parachutant un groupe de militants sionistes dans son conseil d'administration, il a littéralement inoculé le virus de la rage à ce centre de coopération internationale que le gouvernement Mulroney avait voulu indépendant du gouvernement et qui illustrait parfaitement les valeurs démocratiques traditionnellement associées au Canada.
Quand une véritable chasse aux sorcières avait été lancée pour débusquer d'éventuels sympathisants de la cause palestinienne, la totalité des employés avaient signé une lettre réclamant la démission du président du conseil d'administration, Aurel Braun, et de ses acolytes.
En février 2011, la veuve de l'ancien président du centre, Rémy Beauregard, victime d'une crise cardiaque après une réunion particulièrement houleuse avec le conseil d'administration, avait expliqué en larmes à un comité de la Chambre des communes que ce harcèlement systématique avait précipité sa mort.
Un rapport de la firme Deloitte et Touche a réfuté toutes les allégations de mauvaise administration à l'endroit de M. Beauregard. Après le sabotage autorisé par le gouvernement, invoquer les «nombreux problèmes» survenus à Droits et Démocratie pour justifier sa fermeture, comme l'a fait le ministre des Affaires étrangères, John Baird, était le comble du cynisme. L'intégrer aux activités du ministère constitue un musellement.
Annoncée dans la foulée du budget Flaherty, cette liquidation symbolise parfaitement le parti pris idéologique auquel le premier ministre Harper peut laisser libre cours depuis la victoire conservatrice du 2 mai dernier.
Le mandat du centre était d'«encourager et appuyer les valeurs universelles des droits humains et [...] promouvoir les institutions et les pratiques démocratiques partout dans le monde». Pourquoi le gouvernement Harper encouragerait-il à l'extérieur du pays ce qu'il bafoue systématiquement à l'intérieur?
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La destruction du registre des armes à feu est aussi un acte de barbarie. En voulant effacer les données, les conservateurs se comportent comme des Vandales qui préfèrent tout raser plutôt que de laisser derrière eux les vestiges d'une société plus avancée.
Le ministre de la Justice, Jean-Marc Fournier, qui n'en finit plus de se heurter à l'intransigeance d'Ottawa, semblait réellement exaspéré quand il a annoncé qu'en désespoir de cause, le Québec s'adresserait aux tribunaux pour empêcher le gouvernement Harper de commettre l'irréparable.
M. Fournier a de quoi être déboussolé. Le PLQ a toujours préconisé un fédéralisme reposant sur ce que l'ancien ministre des Affaires intergouvernementales, Benoît Pelletier, appelait dans son rapport le principe de «courtoisie», de «loyauté» ou encore de «convivialité».
En vertu de ce principe, les relations fédérales-provinciales doivent être placées sous le signe de «l'ouverture à l'opinion des autres partenaires fédératifs» et d'une «obligation de bonne foi dans les pourparlers».
À l'époque, M. Pelletier souhaitait que ce principe soit enchâssé dans la Constitution canadienne, comme c'est le cas en Suisse ou en Belgique. Sans que toute possibilité de conflit soit éliminée pour autant, il y voyait une dimension symbolique considérable.
Le problème est que les barbares ne sont généralement pas très portés sur la courtoisie, ni sur la convivialité. M. Fournier a pu constater personnellement dans le dossier de la justice criminelle et du projet de loi C-10 que le gouvernement Harper n'avait ni «ouverture à l'opinion des autres partenaires», ni «bonne foi dans les pourparlers».
Il est normal que les tribunaux aient occasionnellement à trancher un litige entre les membres d'une fédération qui ne s'entendent pas sur le partage des pouvoirs. Le cas du registre des armes à feu est très différent. Ottawa ne veut pas exercer sa compétence, mais plutôt empêcher le Québec d'exercer la sienne. Le débat n'est plus d'ordre juridique, mais idéologique.
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L'enjeu politique demeure cependant bien réel. Le fédéralisme de courtoisie n'était peut-être qu'un mirage, mais on pouvait toujours l'opposer à la souveraineté. Si le registre devait disparaître, comment expliquerait-on aux Québécois que les tragédies de Polytechnique et de Dawson sont peu de chose par rapport au bonheur de vivre dans ce merveilleux pays?
Il est vrai qu'il ne faut pas confondre le Canada anglais avec le gouvernement Harper, mais le Québec semble bien seul dans sa bataille pour le maintien du registre des armes à feu. La première ministre de l'Alberta, Alison Redford, a indiqué qu'elle ne s'opposerait pas au transfert des données vers des registres provinciaux, mais on ne peut certainement pas parler d'une levée de boucliers.
Les valeurs progressistes dont le Québec se réclame sont sans doute partagées par bon nombre de Canadiens d'un océan à l'autre, mais le collègue Jeffrey Simpson, du Globe and Mail, soulignait hier qu'après avoir longtemps été le pôle politique et intellectuel dominant, Montréal avait cédé ce rôle à Calgary. Et que c'est maintenant l'Ouest canadien qui impose sa vision du pays.
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