La victoire de Mario Dumont

Québec 2007 - ADQ



À quatre jours du scrutin, on ne sait absolument pas qui remportera les élections. Mais on peut déjà, indépendamment des résultats de lundi prochain, faire un bilan des campagnes électorales menées par les chefs des trois principaux partis.
Cette campagne, c'est d'abord une grande victoire, celle de Mario Dumont, indépendamment des résultats qu'il obtiendra lundi. C'est ensuite une défaite, celle d'André Boisclair, qui n'a pas été capable d'atteindre les objectifs qu'il s'était fixés. Et c'est une partie nulle, celle de Jean Charest, dont la campagne a été à l'image du gouvernement qu'il a dirigé. Commençons par le chef de l'Action démocratique.
Mario Dumont est certainement la figure marquante de la campagne. Par sa remontée dans les intentions de vote, qui a brouillé les cartes, qui a mené à une lutte à trois, qui a rendu possible un gouvernement minoritaire. Il a réussi à faire mentir ceux qui prévoyaient sa disparition pour devenir un incontournable de la vie politique québécoise. C'est également lui qui a donné un rythme à la campagne, en imposant le débat sur ses idées et en forçant ses adversaires à concentrer le tir sur l'ADQ.
Ce succès remarquable, que confirmait hier notre sondage CROP révélant sa domination dans la région de Québec, a pris bien des gens par surprise. Il s'explique en bonne partie par quatre tendances lourdes de la société québécoise que l'ADQ a réussi à canaliser et à incarner.
La première, c'est la crise de confiance d'un nombre croissant de Québécois envers les institutions, particulièrement politiques. Cette méfiance du pouvoir, des élites, du gouvernement, pénalise en premier lieu les deux partis qui se sont succédés à la direction du Québec. Elle s'exprime par un désir de changement, et même de changement à tout prix. Elle nourrit également un courant populiste fort proche du "grassroots" de l'ouest canadien qui a donné le Reform et mené son aboutissement dans la victoire de Stephen Harper. Un populisme qui porte les citoyens à choisir des politiciens à leur image, qui ne font pas de théorie et qui parlent des problèmes qui les touchent directement.
Le second courant, lié au premier, et c'est la colère des régions, souvent malmenées par des problèmes économiques et l'exode de la jeunesse, et qui réagissent de plus en plus à ce qu'ils perçoivent comme la domination des grandes villes, surtout Montréal. Une révolte contre la ville, ses idées, ses élites, qui a trouvé son expression ultime dans le coup de force de Hérouxville.
Le troisième élément, c'est l'écoeurement constitutionnel de tous ceux qui ne se reconnaissent plus dans les deux options qui définissent encore les deux vieux partis. Des gens tannés, qui veulent passer à autre chose et qui refusent les étiquettes traditionnelles, tout en étant nationalistes. La prise de position autonomiste de l'ADQ, ni fédéraliste, ni souverainiste, incarne encore là le changement.
Le quatrième courant, c'est le fait que le Québec n'est pas, et n'a jamais été une société particulièrement progressiste. L'attachement des Québécois pour l'État-providence décrit bien plus un désir de sécurité que des élans de solidarité. L'existence de cette droite a sans doute été masquée dans les coalitions constitutionnelles que sont le PQ et le PLQ. Elle a trouvé un véhicule qui lui permet de s'affirmer au grand jour.
Le succès de Mario Dumont, c'est d'abord son remarquable sens politique et sa capacité de bien lire ces mouvements de société, de les comprendre et de trouver les mots et les idées pour leur offrir un projet. C'est aussi un phénomène de convergence, lié aux talents de M. Dumont, à ses origines, mais sans doute aussi au hasard, qui a permis à l'ADQ de fédérer toutes des tendances disparates et créer un mouvement où s'expriment toutes les colères et toutes les lassitudes: les contribuables excédés, les régions oubliées, les insatisfaits du gouvernement Charest, les naufragés du débat constitutionnel, les jeunes en colère et les vieux nationalistes de droite.
Par contre, ce succès, c'est aussi la démagogie qui a permis à M. Dumont de récupérer des colères, comme celles d'Hérouxville ou des amis de CHOI-FM à Québec. Et de faire miroiter des solutions simples, sinon simplistes, qui préparent des lendemains difficiles.
La cadre financier de dernière minute de l'ADQ, parfaitement irréalisable, en fournit un bel exemple. Promettre de récupérer 325 millions en éliminant les commissions scolaires et en remettant au travail 25000 assistés sociaux, le tout en neuf mois, relève de la fumisterie.
Voilà les limites de la victoire de M. Dumont. Son succès est si rapide qu'il pourrait ne pas être à la hauteur des grandes attentes qu'il a suscitées.


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