La situation s’enlise en Belgique

Chronique de José Fontaine

Vivant à la campagne, je sais ce qu’est une voiture qui s’enlise. C’est la meilleure image pour définir ce qui se passe en Belgique. Les initiatives des leaders politiques ressemblent à ces coups d’accélérateur qu’on donne pour sortir d’un terrain embourbé mais qui sont inutiles.
Analyse
Pour ne pas blablater, faisons une petite analyse. En Belgique, on a trois partis traditionnels francophones et wallons et les verts + un peu la même chose côté flamand. Ces partis ne sont plus nationaux depuis longtemps. La situation est tellement bloquée, que le roi a pris l’initiative de demander au gouvernement de Guy Verhofstadt d’avant les élections de juin 2007 (et qui expédie les affaires courantes, en attendant qu’un autre gouvernement soit formé) de proposer aux partis politiques qu’il élargisse ses compétences pour traiter des affaires urgentes (mettons, diminuer la facture sur le mazout de chauffage en diminuant les impôts sur ce carburant).
L’initiative ne plaît pas au principal parti flamand, le CD&V, les démocrates-chrétiens flamands alliés à la NVA (Nouvelle alliance flamande: très autonomiste). Dans notre mode de votation qui est à la proportionnelle et compte tenu de la situation très ancienne du pays à cet égard, on considère qu’un gouvernement doit être soutenu par une majorité de parlementaires tant en Flandre qu’en Wallonie. Or en Flandre, les démo-chrétiens du CD&V + la NVA ont 30 sièges sur les 88 députés flamands à la Chambre. Mais dans ces 88 sièges, il y a 17 sièges qui échoient à un parti fascisant (le Vlaams Belang: intérêt flamand), avec qui personne ne veut faire alliance. Ce qui veut dire que pour avoir une majorité de partis démocratiques côté flamand il faut nécessairement les démo-chrétiens flamands. C’est incontournable. Hier à la télé un journaliste francophone, relatant la colère des gens du CD&V a cru bon de dire que le CD&V ne pouvait qu’être en colère contre l’initiative du roi puisqu’elle se ferait sans lui, démontrant ainsi qu’il n’est pas incontournable. Or si le CD&V n’est pas incontournable pour un gouvernement d’urgence à l’existence prévisiblement éphémère, il l’est pour tout gouvernement fédéral. Cette erreur des médias francophones donne la mesure du désarroi.
Le roi désorienté, malade?
On dit le roi complètement désorienté, en mauvaise santé. On le serait pour moins. Ce vendredi l’hebdomadaire “Le Vif” estimait la Belgique “condamnée”. Le roi aura 74 ans l’an prochain. De l’avis général, son fils ne semble pas avoir le profil de l’emploi. Et on est en pleine crise: il a même menacé récemment de se mettre en travers de leur chemin en cas de séparatisme. C’est dire à quel point l’opinion flamande l’estime, séparatistes ou non.
Ce qui est moins agréable c’est de voir que le mouvement wallon encore pesant jusqu’au milieu des années 1990 est maintenant affaibli. Il a pu rendre possible l’existence d’une Région wallonne qui est en fait un Etat. Mais à la tête de celui-ci, un homme comme Rudy Demotte, gestionnaire compétent, ose déclarer que le fédéralisme, la décentralisation a toujours été voulue par les Flamands parce que nationalistes!
On attend une initiative de la Wallonie
De tels propos sont vraiment alarmants tellement ils constituent une insulte à notre mémoire historique. Cela pourrait encore passer, son ignorance historique (quoique...), mais réfléchissons bien à ce que cela veut dire: cela veut dire que les dirigeants wallons présentent les institutions autonomes qu’ils dirigent, non comme émanant du peuple wallon mais d’un vouloir de Flamands présentés sous un jour diabolisé. Que fera un homme comme Demotte (ou celui qui le remplacera), quand la Wallonie aura acquis plus de compétences, vu la crise actuelle? Décrètera-t-il un grand jour de deuil national wallon le jour où la plus grande autonomie sera acquise par la Wallonie? Les Wallons deviendront-ils le premier peuple au monde à acquérir la liberté comme une défaite?
On dit que la Wallonie serait serrée dans cette situation. Mais les calculs en cause sont contestables. On nous raconte évidemment qu’en cas de scission du pays (que les Flamands ne veulent même pas! Ils veulent en fait un système confédéral qui, c’est vrai, ne laisserait plus grand-chose à l’Etat belge que des compétences qui seront mangées un jour par l’Union européenne), nous perdrions 20% de notre pouvoir d’achat, ce qui est éminemment contestable mais beaucoup le croient. On dira qu’il faut tenir compte des réalités matérielles, dures surtout aux plus pauvres. Sans doute. Mais un individu comme un peuple peuvent-ils vivre sans estime de soi?
Voilà où nous conduisent les dirigeants wallons actuels: incapables de sauver la Belgique, ils vont faire coïncider la liberté de la Wallonie, dans l’esprit de pas mal de ses habitants, avec la pire chose qui pouvait lui arriver! Il faudrait d’autres dirigeants. La faillite de ceux-ci est aveuglante.
José Fontaine

Featured 11746605790305d4d2500c52aa75121d

José Fontaine355 articles

  • 387 339

Né le 28/6/46 à Jemappes (Borinage, Wallonie). Docteur en philosophie pour une thèse intitulée "Le mal chez Rousseau et Kant" (Université catholique de Louvain, 1975), Professeur de philosophie et de sociologie (dans l'enseignement supérieur social à Namur et Mirwart) et directeur de la revue TOUDI (fondée en 1986), revue annuelle de 1987 à 1995 (huit numéros parus), puis mensuelle de 1997 à 2004, aujourd'hui trimestrielle (en tout 71 numéros parus). A paru aussi de 1992 à 1996 le mensuel République que j'ai également dirigé et qui a finalement fusionné avec TOUDI en 1997.

Esprit et insoumission ne font qu'un, et dès lors, j'essaye de dire avec Marie dans le "Magnificat", qui veut dire " impatience de la liberté": Mon âme magnifie le Seigneur, car il dépose les Puissants de leur trône. J'essaye...





Laissez un commentaire



1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    9 décembre 2007

    amitiés pour la perte de ta maman
    Tu fais bien de réévoquer l'Histoire, celle que tes parents ont dû vivre comme les miens.
    Tu es resté en Belgique en espérant que la Wallonie se relève mais elle ne s'est même pas encore levée.
    J'avais compris depuis Louvain-Leuven que la bonne foi n'est pas partagée dans les politiques belges et que cette crise n'est que le nième remake des accords sur le grond gebied (la loi du sol)si je me souviens encore de mon néerlandais. Tu sais que cette thèse du droit du sol est héritière du national socialisme hitlétien et s'est imposée au mépris du droit de la langue parlée. Toujours cette opposition entre les droits individuels et collectifs. Cela dit, ceci ne discrédite pas l'effort flamand de se constituer en peuple digne de ce nom, on est d'accord là-dessus.
    Il est beaucoup plus gênant pour moi d'ici. d'entendre le négiciateur flamand Leterme,celui qui veut devenir premier ministre, discréditer la RTBF ( radio et TV francophone) en la traitant de radio-collines.Cette évocation génocidaire mérite à elle-seule d'être évoquée à la LICRA. On comprend mal qu'après une telle insulte il puisse un jour espérer de près ou de loin participer à un gouvernement dont puisse relever la Wallonie et Bruxelles.
    Tu sais comme moi que cette impudence flamande et flamingante est lourde des thèses aryennes qui ont privilégié les "races dites germaniques" envoyant nos pères dans les camps de concentration et de travail sous le seul prétexte de leur appartenance aux "sous races romanes"
    Chose que la Flandre ne prit point en compte, le retour de ce refoulé collectif s'appelant Vlaamse militante orde, dont les représentants élus appartiennent à notre génération.
    Bien à toi
    Lâche pas
    JP Gilson