DÉMISSION DE JACQUES DAOUST

La responsabilité

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Un principe loin d'être aussi clair que ne le prétend l'éditorialiste du Devoir

Jacques Daoust se consacrera donc désormais entièrement à son vignoble. Le départ de la vie politique de cet ancien mandarin, qui a tenté de se muer en ministre depuis 2014, n’est pas en soi surprenant, mais soulève des questions quant aux raisons qui l’y ont conduit. Ses tribulations imposent aussi une réflexion sur l’antique notion de « responsabilité ministérielle », censée être au coeur de notre régime politique.

llustre membre du « trio économique » libéral, Jacques Daoust n’aurait pas toujours été un joueur d’équipe, volant allègrement les rondelles à ses collègues ; de nature désinvolte, il aurait parfois pris ses fonctions à la légère ; ce « mononcle » fut dépassé par la technologie (dans le dossier Uber… et quant au logiciel Word, dont il ne comprenait rien aux fonctions de pagination) ; il pouvait être opiniâtre à en faire rager ses subalternes, etc. Il se dit beaucoup de choses sur le ministre démissionnaire Jacques Daoust. Mais ce n’était pas un politicien sans qualités. L’opiniâtreté en politique peut parfois indiquer des convictions réelles. Chose certaine, M. Daoust savait s’exprimer clairement, qualité rare dans notre classe politique.

La controverse ayant débouché sur son départ comporte toutefois plusieurs zones d’ombre. On comprend qu’Investissement Québec (IQ) n’était pas tenu, techniquement, d’obtenir l’autorisation du gouvernement pour vendre des blocs d’actions de Rona — acquises en 2012 après une commande politique du gouvernement Charest afin de bloquer la vente du fleuron à l’américaine Lowe’s. IQ a donc commencé à s’en délester à partir de novembre 2013. De décembre 2014 à février 2015, elle vend le dernier bloc : 10,1 millions d’actions. La vérificatrice générale, Guylaine Leclerc, écrivait en juin que les membres du conseil « ne considéraient pas avoir toute la latitude pour autoriser la vente sans avoir consulté le gouvernement ». Ce qu’ils firent. Mais M. Daoust, en juin, était formel : il n’avait jamais autorisé une telle chose.

Coup de théâtre : des courriels dévoilés par TVA ont prouvé jeudi que son chef de cabinet de l’époque, Pierre Ouellet, l’a autorisé, lui, après consultation. Auprès de qui ? M. Daoust persiste et répète jusque dans sa lettre de démission qu’il n’en a jamais été informé. N’est-ce pas étrange ? Sommes-nous devant un syndrome Gérald-Tremblay ? De deux choses l’une, répètent plusieurs, M. Daoust était « soit menteur, soit incompétent ». Et si la réalité était moins dichotomique ? Et si le premier ministre lui-même, ou son cabinet — de qui relevait M. Ouellet après tout — avait donné son accord ? Pour reprendre les termes de Philippe Couillard : voilà une question sérieuse qui exige une réponse sérieuse. De la part du premier ministre.

Le ministre démissionnaire avait au moins un grand défaut. Et ses réponses, dans les deux dernières crises auxquelles il s’est heurté — celle de l’opacité du ministère des Transports et celle des actions de Rona —, l’ont démontré clairement. Il cultivait une conception très faible de la responsabilité ministérielle. Encore vendredi matin, il martelait au micro de Paul Arcand qu’il ne démissionnerait pas. Son ministère a potentiellement pris des décisions controversées ? « Le ministère, c’est l’administratif, c’est pas moi. » Réponse inacceptable, évidemment. Comme sa réaction dans l’affaire Annie Trudel, du nom de cette analyse, embauchée par Robert Poëti, qui s’était plainte, dans une lettre, d’avoir fait face à des résistances troublantes, voire illicites. La lettre ? « Pas vue », avait soutenu M. Daoust. La faute ? Au chef de cabinet. Et aussi à la sous-ministre. M. Couillard avait alors choisi de croire à cette version et avait feint d’ignorer le principe de responsabilité ministérielle. C’est M. Ouellet et Mme Dominique Savoie qui furent sacrifiés.
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