La porte est là!

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« Il faut prêter à ces jeunes anglo-milléniaux une bien grande supériorité morale pour se laisser humilier, même minimalement, par leur dédain de la société qui les a élevés. »

Périodiquement, les journaux québécois s’intéressent au cas d’anglophones qui déclarent songer à quitter le Québec. Très populaire au temps où le Parti Québécois était une force électorale, encore plus à l’orée d’un référendum sur la souveraineté, c’est aujourd’hui le Journal de Montréal qui nous sert ce plat traditionnel, mais avec une variation toute contemporaine : ce ne sont non plus les vieilles vendeuses unilingues de chez Eaton qui veulent partir, mais de jeunes anglo-métropolitains branchés. Qu’est-ce qu’un grand titre pareil devrait éveiller au sein de la société québécoise? L’horreur et la consternation? Retour sur une jeune vieille histoire.



Colonisés


L’automne dernier, l’essayiste Christian Saint-Germain posait, dans un nouveau livre paru aux éditions Liber, la question du Québec comme société colonisée. Sommes-nous, Québécois, encore colonisés? Sa réponse était aussi claire que fulgurante : oui, au plus profond de notre âme. Sans être totalement en accord avec le radicalisme de la thèse Saint-Germain, son livre essentiel nous permettait de revenir sur un concept oublié des indépendantistes d’aujourd’hui. Quel rapport avec le cas qui nous occupe, soit celui du malaise des anglo-milléniaux avec le Québec d’aujourd’hui?


Pas grand chose au premier abord. Cependant, le fait que l’on en fasse une nouvelle en dit long, et la réaction que certains auront face à cette nouvelle sera révélatrice de l’état des lieux quant à notre statut de colonisés en Amérique.


Je posais en introduction la question suivante : quelle devrait-être notre réaction face à pareille nouvelle? Honte? Horreur? Consternation?


J’en appelle plutôt à une réaction adulte.


Si la société québécoise ne leur plaît pas, si le fait de côtoyer des francophones préoccupés par la sauvegarde de leur langue les dégoûte davantage qu’un pays assez décadent pour légiférer afin d’encourager la « gentillesse » plutôt que de laisser les gens simplement être ce qu’ils sont, avec leur part sombre et leur part lumineuse, grand bien leur fasse!


Il faut prêter à ces jeunes anglo-milléniaux une bien grande supériorité morale pour se laisser humilier, même minimalement, par leur dédain de la société qui les a élevés. Il faut aussi être bien aveugles pour percevoir chez eux l’âme de super-gentils blessés par une société tyrannique et être incapables d’envisager qu’il s’agit de celle de gens extrêmement méprisants, imbus d’eux-mêmes et convaincus de la supériorité de leur culture et de leurs idées sur celle d’un peuple auquel ils refusent fièrement et tout net de se mêler.


Sentir de la honte, de la repentance parce que ces jeunes disent vouloir partir dans les quartiers branchés de Toronto plutôt que de rester ici, voilà l’esprit de colonisé dans son plus simple appareil, ce qui s’apparente à une réaction puérile d’enfant soumis.


Soumis à qui?


Aux puissances d’argent détenus par les anglophones? Si seulement!


Non! Soumis aux modes idéologiques libérales-progressistes portées par des adolescents pas même diplômés de cégep!


Enfants de la loi 101


Un autre fait remarquable par rapport aux sujets de cette enquête Léger publiée aujourd’hui au Journal : ce sont des enfants de la loi 101 qui expriment leur dédain de notre société et qui tentent de nous faire fondre en repentance et en honte de nous-mêmes en déclarant souhaiter nous abandonner. Cela ne souligne-t-il pas gros comme le bras, large comme le monde l’erreur que nous faisons, Québécois, lorsque nous croyons que nos lois linguistiques sont efficaces afin de rendre la jeunesse issue de la communauté anglophone plus perméable à la culture-noyau du Québec, soit la culture francophone d’ascendance catholique?


Ces enfants ont été élevés dans le Québec sensé les franciser. Erreur, erreur monumentale! Au mieux, la loi 101 les a bilingualisés. Elle a légitimé l’usage systématique du « hi » dans les magasins parce qu’il est précédé de « Bonjour », créant le grotesque Bonjour/hi qu’on nous sert aujourd’hui partout. Maintenant, plus de retour en arrière. On souhaite se faire servir en français, le boujour/hi nous agace? On se fait regarder avec mépris par les commis qui étudient à McGill, à Concordia, à Dawson.


Qui m’aime me suive


Finalement, je ne vois pas en quoi il faudrait considérer comme une catastrophe que de jeunes anglophones vivant un malaise existentiel à vivre au Québec souhaitent partir à Toronto emmenant avec eux leurs égos canadianssurdimensionnés. La devise des Québécois, à cet égard, devrait être celle de Philippe VI de Valois : qui m’aime me suive.


Le Québec vous horrifie? La sortie est par là.


Cette méchanceté bien peu canadienne se nomme le sens commun. Qui s’en offusquerait? Toutes les cultures ne sont pas compatibles, tous les Hommes ne sont pas équivalents et interchangeables. Des différences existent, parfois insurmontables. La différence entre le Québec et le Canada, en ce sens, se creuse de plus en plus sous l’ère Trudeau. Les multiculti citoyens du monde à l’Ouest de l’Outaouais, les enracinés assez heureux pour jouir d’une culture organique à l’Est. Peut-être est-ce très bien ainsi, considérant que la planète n’est pas encore normalisée selon le standard anglo-libéral 9001.


Que Dieu nous en garde!