INDÉPENDANCE DU QUÉBEC 256

La manière d'agir ou la maîtrise de l'agir collectif ?

Qu'est-ce qui est mieux ?

Chronique de Bruno Deshaies


Remarque préliminaire
Nous reprenons aujourd'hui la publication de la Chronique du jeudi. Au cours des années passées, nous avons surtout abordé la question de l'indépendance du Québec dans la perspective de l'histoire du temps présent. À partir de maintenant, notre angle de vue va changer. Il sera surtout question d'exposer l'optique indépendantiste comme mode de raisonnement de la vie nationale québécoise. Ce sera moins l'histoire qui sera abordée que les principes et la logique du discours indépendantiste.
Nous savons tous que la pensée politique québécoise est contaminée par une diffusion massive et souvent insidieuse de l'optique fédéraliste. Cette vision est devenue effectivement de la propagande, c'est pourquoi nous avons beaucoup de peine à nous en libérer.
Ce premier article d'un correspondant que nous appellerons Parfondor veut nous faire comprendre les nombreuses difficultés et contradictions des discours fédéralistes et souverainistes. Au fond, le plus gros du problème en ce moment, comme ce l'était aussi dans le passé, se trouve dans l'incapacité des Québécois de raisonner selon le concept d'indépendance. Ils doivent maintenant comprendre qu'il faut sans faute REFUSER D'ACCEPTER COMME NORMAL L'ANNEXION. En effet, l'acceptation de l'annexion est au centre de l'optique des fédéralistes québécois ; elle en est même le moteur. À leurs yeux, il faut que le Québec s'efface devant cette espèce de perfection que constitue le Canada et devienne vraiment une province comme les autres.
Pour vaincre le cancer fédéraliste qui les ronge, les Québécois doivent faire l'effort d'ASSUMER EUX-MÊMES LA PROPAGATION DE L'IDÉE INDÉPENDANTISTE dans toutes les couches de la société. En plus, il leur est absolument nécessaire de comprendre que le Canada-Anglais est très présent au sein du Québec. La lutte pour l'indépendance du Québec doit représenter l'objectif unique des Québécois. Comme l'écrit Parfondor : « Un agir collectif bien orienté et suffisamment maîtrisé est plus précieux que les formes qu'il peut prendre ».
Bonne lecture et bonne réflexion.
Bruno Deshaies
_ Montréal, 7 septembre 2006
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Si, demain, les Canadians décidaient de ne parler que français, cesseraient-ils de nous considérer comme des étrangers ? Deviendrions-nous leurs maîtres ?
Est-ce que l'anglais qu'ils parlent leur interdit de regarder les Britanniques ou les Américains comme des étrangers ? Est-ce qu'il oblige les Canadians à leur céder la direction du pays ?
Les anglicismes des Français font-ils d'eux les subordonnés de la Grande-Bretagne ?
Notre « purisme » nous soustrait-il à l'emprise de l'État canadian ?

Répondre « non » à ces questions revient à reconnaître que la langue, les us et coutumes d'un peuple ne l'émancipent non plus qu'ils ne l'asservissent : sa liberté ne requiert pas qu'il diffère de tous par ses mœurs, ses manières mais elle exige que ce peuple agisse en vue d'atteindre sa fin propre, qui n'est pas celle d'un autre peuple. Son épanouissement collectif dépend moins de simples différences d'expression ou de comportements que d'un agir bien ordonné dont il se réserve la direction. Un agir collectif bien orienté et suffisamment maîtrisé est plus précieux que les formes qu'il peut prendre : une société qui ne renonce qu'à ses manières est mieux lotie que celle qui, les conservant, doit renoncer à agir selon sa fin propre pour servir celle d'une société étrangère, sous la houlette de celle-ci. L'agir de la société annexée s'assimile à l'agir de la société annexante quant à sa finalité, même s'il s'en différencie par le style et les manières.
Cette réflexion se rapporte en particulier à cette norme de Maurice Séguin qui se lit comme suit :
La MAÎTRISE de l'agir collectif l'emporte sur la MANIÈRE d'agir :


  • LA LIBERTÉ ET LES MOYENS D'AGIR SONT BIEN PLUS IMPORTANTS QUE LE STYLE DE L'AGIR, c'est-à-dire les lois, les mœurs, la langue d'une nation.
  • CONSERVER LA LIBERTÉ ET LES MOYENS D'AGIR COLLECTIVEMENT EST D'UN ORDRE BIEN SUPÉRIEUR à « conserver ses lois, sa langue, etc. ». (Les Normes, paragr. 3.2.4.b-1. Consulter l'Appendice.)

Cela dit, il est facile de voir la différence entre le comportement politique du gouvernement fédéral et celui des gouvernements provinciaux et, en particulier, du gouvernement provincial du Québec. En ce moment, le gouvernement Harper travaille en fonction des grands pouvoirs de l'État central canadian tandis que le gouvernement Charest agit dans le cadre restreint des compétences constitutionnelles allouées à la Législature provinciale même si elle se nomme l'Assemblée nationale. Il en est de même pour tous les gouvernements du Québec qu'ils soient un jour péquiste ou adéquiste. Croire que le gouvernement du Québec pourrait se faire plus gros que le bœuf, c'est se bercer d'illusions. L'agir collectif canadian domine l'agir collectif des Québécois. De plus, le gouvernement du Québec ne possède ni la liberté ni les mêmes moyens d'agir que le gouvernement fédéral : il est provincial.
Chaque souverainiste doit se pencher sur ces questions s'il veut comprendre la nature profonde de l'indépendance du Québec, car la manière d'agir ne peut équivaloir qualitativement à la maîtrise de l'agir collectif.
Parfondor

APPENDICE

La nation au sens intégral (*)
_ - Conséquences dérivant de ces principes


(*) Maurice Séguin, Les Normes, chap. III : « Sociologie du national », section 2, paragr. 4.-b). Voir aussi du même auteur Histoire de deux nationalismes au Canada (Montréal, Guérin, 1997) où cette norme est illustrée historiquement.

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Bruno Deshaies209 articles

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BRUNO DESHAIES est né à Montréal. Il est marié et père de trois enfants. Il a demeuré à Québec de nombreuses années, puis il est revenu à Montréal en 2002. Il continue à publier sa chronique sur le site Internet Vigile.net. Il est un spécialiste de la pensée de Maurice Séguin. Vous trouverez son cours sur Les Normes (1961-1962) à l’adresse Internet qui suit : http://www.vigile.net/Les-normes-en-histoire-1-20 (N. B. Exceptionnellement, la numéro 5 est à l’adresse suivante : http://www.vigile.net/Les-Normes-en-histoire, la16 à l’adresse qui suit : http://www.vigile.net/Les-normes-en-histoire-15-20,18580 ) et les quatre chroniques supplémentaires : 21 : http://www.vigile.net/Les-normes-en-histoire-Chronique 22 : http://www.vigile.net/Les-normes-en-histoire-Chronique,19364 23 : http://www.vigile.net/Les-normes-en-histoire-Chronique,19509 24 et fin http://www.vigile.net/Les-normes-en-histoire-Chronique,19636 ainsi que son Histoire des deux Canadas (1961-62) : Le PREMIER CANADA http://www.vigile.net/Le-premier-Canada-1-5 et le DEUXIÈME CANADA : http://www.vigile.net/Le-deuxieme-Canada-1-29 et un supplément http://www.vigile.net/Le-Canada-actuel-30

REM. : Pour toutes les chroniques numérotées mentionnées supra ainsi : 1-20, 1-5 et 1-29, il suffit de modifier le chiffre 1 par un autre chiffre, par ex. 2, 3, 4, pour qu’elles deviennent 2-20 ou 3-5 ou 4-29, etc. selon le nombre de chroniques jusqu’à la limite de chaque série. Il est obligatoire d’effectuer le changement directement sur l’adresse qui se trouve dans la fenêtre où l’hyperlien apparaît dans l’Internet. Par exemple : http://www.vigile.net/Les-normes-en-histoire-1-20 Vous devez vous rendre d’abord à la première adresse dans l’Internet (1-20). Ensuite, dans la fenêtre d’adresse Internet, vous modifier directement le chiffre pour accéder à une autre chronique, ainsi http://www.vigile.net/Le-deuxieme-Canada-10-29 La chronique devient (10-29).

Vous pouvez aussi consulter une série de chroniques consacrée à l’enseignement de l’histoire au Québec. Il suffit de se rendre à l’INDEX 1999 à 2004 : http://www.archives.vigile.net/ds-deshaies/index2.html Voir dans liste les chroniques numérotées 90, 128, 130, 155, 158, 160, 176 à 188, 191, 192 et « Le passé devient notre présent » sur la page d’appel de l’INDEX des chroniques de Bruno Deshaies (col. de gauche).

Finalement, il y a une série intitulée « POSITION ». Voir les chroniques numérotées 101, 104, 108 À 111, 119, 132 à 135, 152, 154, 159, 161, 163, 166 et 167.





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