La liberté de religion n'est pas absolue

Par René Duval

Québec - pluralité et intégration


Le concept d'accommodement raisonnable a été développé dans le contexte de l'emploi. Ainsi, un employeur a l'obligation d'adapter le poste de travail ou de modifier les tâches d'une personne pour tenir compte des limites fonctionnelles de cette personne, à moins qu'il ne puisse démontrer que cela lui causerait un fardeau indu.
Dans l'affaire d'O'Malley c. Simpson, la Cour suprême du Canada a décidé qu'un magasin à grande surface devait accommoder une employée dont les croyances lui interdisaient de travailler le vendredi soir et le samedi.
À la même époque, la Cour donnait raison au CN qui avait refusé de dispenser un sikh du port du casque de sécurité parce sans casque il courait un léger risque de blessure.
Chacun a droit à ses croyances religieuses. Les autres, dont les convictions diffèrent, ont un droit égal à ne pas subir les conséquences de ces croyances. Voilà, en résumé, les raisons invoquées par le juge en chef du Canada pour déclarer inconstitutionnelle la Loi sur le dimanche.
La question de l'accommodement des croyances religieuses a jusqu'à maintenant été abordée d'un point vue individuel comme s'il s'agissait de conditions d'emploi qui peuvent facilement être modifiées. Pourtant, l'accommodement de la liberté de culte comporte une dimension sociale indéniable car l'accommodement des croyances religieuses n'est possible parfois qu'au détriment des valeurs fondamentales de toute la collectivité.
Par exemple, le port du kirpan va à l'encontre de la neutralité confessionnelle des écoles. L'ironie c'est que les écoles ont été déconfessionnalisées justement pour accommoder le pluralisme religieux.
La décision de l'Université du Québec à Rimouski d'aménager un local de prière pour les étudiants musulmans, même si ceux-ci ne constituent qu'un infime pourcentage de la population étudiante, viole le principe de la séparation de l'Église et de l'État.
L'expérience récente montre que régler les questions d'accommodement des croyances religieuses d'un point vu strictement individuel ne fait pas l'unanimité. Cela n'est pas étonnant puisque quand on accommode les uns, les autres, à tort ou à raison, croient qu'on les incommode.
La liberté de religion n'est pas absolue. Elle est sujette aux limites qu'imposent la liberté d'expression, l'égalité des femmes et la liberté de conscience. En outre, elle doit être interprétée à la lumière du caractère laïc de notre société.
On risque présentement de discréditer l'accommodement raisonnable aux yeux de la majorité, de moins en moins silencieuse, de ceux qui croient que certaines valeurs collectives ne peuvent être mises en veilleuse. Quand une mesure sociale augmente les problèmes qu'elle est sensée réglée, il est grand temps de sortir la tête du sable.
L'auteur, René Duval, de Nicolet, est avocat.


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