La mouche sur le lait

Québec - pluralité et intégration





Ce n'est pas parce que les résidants de Québec sont xénophobes que les immigrants ne viennent pas à Québec en plus grand nombre et que ceux qui s'y risquent ne restent pas. L'homme de théâtre Robert Lepage a pris un raccourci lorsqu'il s'est aventuré dans cette direction, la fin de semaine dernière, relançant du coup un débat cyclique.
Est xénophobe celui qui manifeste de l'hostilité envers les étrangers, selon le Larousse. Les Québécois, ou les Beaucerons, ou les Nord-Côtiers, montrent-ils vraiment de l'hostilité envers les immigrants plus que les Montréalais? Tout au plus dissimulent-ils peut-être mal une curiosité caricaturale dans certaines circonstances, en raison d'une méconnaissance des «autres», mais certainement pas plus d'hostilité ou d'agressivité. La xénophobie et le racisme, cela est connu, se développent au contact de gens dont on n'accepte pas la différence; à Québec, comme nous restons entre entre nous, l'intolérance ne trouve pas un terreau fertile...
La ville de Québec n'abrite pas de quartiers chinois, grec ou italien. Il n'y a pas de ghetto ethnique. Les plus fortes concentrations d'immigrants se retrouvent dans Sainte-Foy-Sillery, où les 4700 immigrants représentent 7 % du tissu social, et à Québec-centre, où à 17 000, ils représentent seulement 3,3 % de la population. Dans la métropole, les immigrants de diverses origines composent 27 % de l'ensemble de la population. Les immigrants représenteraient seulement 1,3 % des travailleurs à Québec, contre 17 % à Montréal.
Québec est une ville blanche et francophone, comme toutes les villes de province de l'Est du Québec. Un immigrant de race noire peut sans aucun doute s'y sentir comme une mouche sur un verre de lait, pour utiliser l'expression que Marlene Jennings, la députée libérale de Notre-Dame-de-Grâces aux Communes, m'a déjà soufflée à l'oreille. Ce samedi matin-là, elle était la seule personne noire dans une salle de quelque 1000 délégués à Québec.
Les immigrants se regroupent à Montréal parce que les chances d'emploi y sont erronément considérées comme meilleures. Les jeunes des régions périphériques font de même. Les immigrants y retrouvent aussi des membres de leurs communautés avec qui ils peuvent échanger et partager des activités sociales ou culturelles. S'établir en régions se traduit à ce niveau par un lourd isolement. Les divers services de soutien aux nouveaux arrivants sont évidemment mieux structurés également à Montréal. Mais il en va de même pour des assistés sociaux qui convergent vers la métropole pour les mêmes raisons. Ces phénomènes sociaux ont été abondamment documentés.
Les leaders politiques et économiques de la région de Québec ne cessent pourtant de nous culpabiliser depuis quelques années, faisant porter aux résidants de Québec la responsabilité du faible taux d'immigrants dans la capitale. Robert Lepage a ajouté sa voix en fin de semaine. Or ce n'est pas le fruit d'une hostilité particulière à l'égard des «étrangers», mais le résultat de choix personnels de vie, guidés par des considérations économiques et sociales. Notre collègue Katia Bussière a d'ailleurs récemment raconté son expérience, après s'être déguisée en femme voilée pour circuler dans la ville. Elle a senti une curiosité évidente chez les personnes qu'elle croisait au centre commercial ou au resto, mais dans aucun cas de l'agressivité.
Quant aux difficultés éprouvées par des diplômés pour obtenir des emplois dans leur champ de spécialisation, elles ne sont pas propres à la ville de Québec. Cela se vérifie partout. Elles résultent dans certains cas d'une discrimination indéniable et dans d'autres, d'un corporatisme exacerbé de nos ordres professionnels. Quand des infirmières suisses ou belges, blanches et francophones, sont forcées de repartir parce qu'elles n'ont pu obtenir assez rapidement un droit de pratique, ce n'est pas du racisme mais du protectionnisme à outrance. Même chose pour l'ingénieur chinois forcé d'acheter un dépanneur dans le quartier Saint-Sauveur.
La meilleure carte de séduction présentement des régions de Québec et de Chaudière-Appalaches pour attirer et retenir plus d'immigrants est l'offre abondante d'emplois de qualité qu'on y observe. Il vaudrait mieux s'activer à le faire savoir qu'à se flageller pour des péchés que nous n'avons pas commis. Lepage est un grand homme de théâtre mais un piètre sociologue.


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1 commentaire

  • Jacques Bergeron Répondre

    13 octobre 2006

    Je suis certain que monsieur Samson a vu juste dans son article/réponse à Robert Lepage. En fait, on ne retrouve des immigrants que dans les grands centres du Canada, comme Montréal, Toronto et Vancouver, avec quelques-uns dans des villes comme Ottawa,Halifax, Québec et quelques autres endroits. On ne doit pas s'en formaliser , ni s'en inquiéter. Dans les faits ces nouveaux Québécois sont comme plusieurs autres Québécois qui ne sont jamais allés à Québec,leur langue (lire l'anglais) les dirigeant plutôt vers New-York ou Toronto, ou Ottawa. Robert Lepage devrait, comme un bon nombre de Québécois, s'insurger plutôt sur le fait que Montréal, par la faiblesse de notre gouvernement, devient de plus en plus «Anglophone», même si les Anglais de souche, appelés aussi Canadian, ne comptent pas plus que 12% de la population de notre métropole. Voilà une source d'inquiétude pour celles et ceux qui, même s'ils sont ouverts sur le monde en souhaitant ques leurs enfants apprennent au moins «deux langues étrangères», ne peuvent accepter;leur langue,la mienne et la vôtre, étant en danger de disparition, ce qui ne semble pas inquiéter Rober Lepage. Je l'invite donc à suivre les recommandations de M. Samson, en invitant nos nouveaux concitoyens à venir travailler en province. Ils ne s'en porteront que mieux et y trouveront des gens très chaleureux capables de les accueillir. Ainsi, ils permettraient à Robert Lepage, ce parfait bilingue «anglais/français», de ne pas se culpabiliser, et de ne pas culpabiliser ses concitoyens et concitoyennes, par des contre-vérité n'ayant rien à voir avec la xénophobie qu'il dénonce. Les Anglo-québécois peuvent nous culpabliser sans son aide.