La leçon d’Honoré Mercier

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Il avait tout compris…

Le nationaliste libéral Honoré Mercier (1840-1894) a été le premier ministre du Québec pendant moins de cinq ans (1887-1891). Il a néanmoins fortement marqué notre histoire. « Pendant ces cinq années de gouvernement national, écrivait Lionel Groulx en 1952, l’atmosphère de la province s’était singulièrement haussée. Le pays québécois avait repris confiance en son destin. À la voix de cet homme qui avait les pieds si solidement posés sur le sol et qui savait penser et sentir collectivement, la nation s’était sentie reliée aux meilleures constantes de son histoire, aux plus robustes de ses lignes de force. »

Devenu chef du Parti libéral du Québec en 1883 après avoir flirté, dans sa jeunesse, avec les conservateurs, Mercier souhaitait un ralliement national des Canadiens français afin de contrer les intentions centralisatrices du gouvernement fédéral, soumis à la majorité anglaise. En 1889, dans un de ses plus célèbres discours, il résumait ainsi son credo politique : « Sacrifions nos haines partisanes sur l’autel de la patrie ! Que notre cri de ralliement soit tout simple : cessons nos luttes fratricides ; unissons-nous. »

L’ineffable John Saul, dans ses Réflexions d’un frère siamois (Boréal, 1998), blâme Mercier pour ce programme. « C’était du nationalisme négatif à l’état pur », écrit-il, en ajoutant que le politicien « a officiellement inauguré l’épreuve de force entre le fédéral et le provincial dans laquelle nous sommes encore engagés aujourd’hui ».

Mercier, c’est une évidence, avait « du panache et beaucoup de prestance », comme le souligne Éric Bédard dans L’histoire duQuébec pour les nuls (First, 2012) et ses succès « inquiètent le Canada anglais qui craint la création d’un État québécois indépendant », écrivent Lacoursière, Provencher et Vaugeois dans leur classique Canada-Québec. 1534-2015 (Septentrion, 2015).

Éloquent monologue


L’homme est pourtant mort dans la déchéance en 1894, à 54 ans, sali par des accusations jamais prouvées de fraude. Une rumeur veut qu’il ait songé à écrire ses mémoires, à la fin de sa vie, pour s’expliquer, pour se justifier. Le projet ne s’est pas réalisé, mais le politologue Claude Corbo, ancien recteur de l’UQAM et admirateur de Mercier, a choisi d’imaginer ce que cela aurait pu donner.

Avec Honoré Mercier par lui-même, Corbo propose « une fiction historique qui prend la forme d’un monologue de Mercier, le monologue d’un homme malade, en fin de vie, qui veut laisser un témoignage que personne ne pourra ignorer ». Respectueuse des faits de l’histoire politique, cette autobiographie fictive s’en tient toutefois, c’est l’intérêt de la démarche, au point de vue de Mercier, pour nous faire vivre son expérience de l’intérieur. Sur les plans historique et politique, l’exercice s’avère captivant et éclairant pour aujourd’hui.

Il montre que le parcours de Mercier, au fond, est représentatif de l’expérience nationaliste québécoise à travers l’histoire. Les doutes, les détours, les espoirs et les enthousiasmes du politicien ont été le lot, depuis la Confédération de 1867, de tous les Québécois en quête de la meilleure solution pour le plein épanouissement de leur peuple.

Mercier a voulu croire à la bonne entente canadienne, mais il a dû se résigner à conclure que, dans le Canada fédéral qui exécute Louis Riel en 1885, les Québécois et les autres francophones seraient toujours traités comme des citoyens de seconde zone. Fort de la leçon de son père patriote qui lui répétait que nous étions « un peuple conquis, mais pas soumis », conscient du fait que « c’est toujours un grand malheur pour un peuple que d’être minoritaire », Mercier a fait de l’autonomie provinciale le grand combat de sa vie. On imagine sans mal que, s’il avait vécu en 1980 et en 1995, il aurait voté Oui avec enthousiasme. Toutefois, à son époque, la question ne se posait pas en ces termes.

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