La langue pendue

Il est peut-être là le plus grand défi: cultiver la fierté de la langue, être pointilleux, ne pas avoir peur d'exiger l'excellence pour soi et pour les autres. Par où commence-t-on?

Le «français québécois standard»


On dirait une rengaine: «Une faute tous les six mots chez les élèves de secondaire II», titrait La Presse en 1985. Les universitaires ont une orthographe médiocre (1987). Le français à la dérive (1991). Les cégépiens en arrachent toujours avec le français (1993)...


C'était bien avant le Renouveau pédagogique et son approche basée sur «l'élève artisan de son propre apprentissage». De la méthode Le Sablier aux exercices d'Alain Debray, l'apprentissage du français a toujours été problématique. Pourquoi?
D'abord, parce que le français est une langue difficile à maîtriser qui exige une vigilance et un effort constants. On oublie à quel point le français, contrairement à l'anglais par exemple, est ardu et ce, même pour les enfants dont c'est la langue maternelle. On doit y consacrer beaucoup de temps et d'exercices pratiques avant d'arriver à le maîtriser à peu près correctement. C'est le propre d'une langue complexe mais ô combien riche.
Autre problème: à l'école, on a souvent tendance à enseigner le français en vase clos, c'est-à-dire qu'on corrigera les fautes lors d'une dictée mais qu'on fermera les yeux lorsque la faute sera commise dans un cours de science ou de mathématiques. Or les enseignants devraient être attentifs en tout temps et souligner TOUTES les fautes d'orthographe, de grammaire et de syntaxe commises à l'écrit comme à l'oral. Oui, on peut reprendre un élève sans le traumatiser. Et il est important de le faire à l'école primaire, là ou se prennent les bons plis comme les mauvais. De la même façon, le niveau de langage des enseignants devrait être impeccable car à cet âge, les élèves considèrent encore leur enseignant comme un modèle. D'où l'importance de former des maîtres dont la connaissance du français doit être bien supérieure à la moyenne. Dans le mot maître, il y a la notion de maîtrise.
Cela dit, l'école n'a pas tous les torts, ce serait trop facile. L'école n'évolue pas en vase clos mais plutôt dans une société qui, malgré ce qu'elle proclame, ne valorise pas nécessairement la qualité de la langue française. Le meilleur exemple, celui qui plonge le téléspectateur québécois dans un état de détresse profonde, demeure le vox-pop télévisé: dans les rues de Montréal, il semble que plusieurs passants soient incapables d'exprimer une idée clairement. On répond par onomatopées Réalisez le même vox-pop dans les rues de n'importe quel village français et qu'obtenez-vous? Des réponses claires et concises, exprimées dans un français châtié, peu importe que le répondant soit un enfant de 6 ans, un cheminot ou un prof d'université. Accablant.
Il n'y a aucune honte à bien parler. D'ailleurs, au Québec, on parle mieux qu'avant. Mais il reste encore beaucoup de travail à faire avant de pouvoir se péter les bretelles. Étrangement, et pour des raisons obscures qu'un sociologue pourrait peut-être expliquer, les Québécois ne semblent pas retirer une grande fierté à bien s'exprimer. Dans la cour d'école, l'élève qui parle et prononce bien fait souvent rire de lui. À l'âge adulte, on le traite de snob ou d'élitiste.
Il est peut-être là le plus grand défi: cultiver la fierté de la langue, être pointilleux, ne pas avoir peur d'exiger l'excellence pour soi et pour les autres. Par où commence-t-on?
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