La langue et la laïcité causent des remous au sein de Projet Montréal

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Valérie Plante a choisi son camp : celui du bilinguisme et du multiculturalisme canadien

Les différentes traditions politiques qui se côtoient au sein de Projet Montréal ne font pas toujours bon ménage, selon des commentaires recueillis par le HuffPost Québec. Les causes communes et la personnalité de la mairesse Valérie Plante permettraient toutefois de maintenir la cohésion du parti.


Réunis en congrès dimanche, les membres de Projet Montréal forment une véritable coalition des partis de gauche du Québec. Des militants de Québec solidaire (QS) militent aux côtés de gens issus du Parti québécois (PQ) ou du Nouveau parti démocratique (NPD). Même des militants libéraux se joignent à la partie.


Certains dossiers divisent toutefois les militants et les différences suivent les idéologies politiques héritées du provincial et du fédéral. La tergiversation de la mairesse concernant la Loi sur la neutralité religieuse, qui impose que les services publics soient donnés et reçus à visage découvert, a mal passé chez certains militants de la mouvance solidaire.


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Mme Plante avait d'abord dit qu'elle était favorable aux services reçus à visage découvert. Plus tard, elle s'est opposée à l'idée qu'on puisse refuser l'accès aux autobus à une femme voilée.


«On ne perd pas des élections à Montréal en étant antiraciste. Les néo-démocrates sont traumatisés de la descente du NPD en 2015», affirme un militant.


Lors des dernières élections fédérales, la question du port du niqab avait coûté cher au chef néo-démocrate Thomas Mulcair. Après la défaite, plusieurs militants du NPD se sont retrouvés dans l'entourage politique de Mme Plante. Ils ont renforcé les rangs d'une certaine base angloprogressiste qui forme le noyau des militants de Projet Montréal dans les arrondissements anglophones comme Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce.


La langue de la mairesse


Un autre point d'achoppement a été l'utilisation de l'anglais lors des déclarations publiques de Mme Plante. Elle a notamment posé des questions en anglais lors des séances du conseil municipal, à l'époque où elle siégeait dans l'opposition. Ce qui a déplu à la branche péquiste du parti.


«Je connais des gens qui ont arrêté de militer pour Projet Montréal à cause de ça», lance une autre source.


Rappelons que Mme Plante a reçu un prix citron pour son utilisation de la langue de Shakespeare dans ses sorties officielles.


La mairesse reconnaît que la langue et la religion sont des sujets sensibles chez certains militants.


«Honnêtement, je reçois autant de commentaires de gens qui vont me dire "merci Mme plante d'être sensible au fait qu'il ya des allophones et des anglophones sur l'île", que de critiques comme quoi je devrais parler en français tout le temps. Le français est ma langue maternelle, c'est une langue dont je suis fière. Mais par moment, je vais être flexible et je vais utiliser l'anglais pour m'assurer que tout le monde se sente accepté», dit-elle.


Se confronter sans s'affronter


N'empêche, toutes les personnes rencontrées par le HuffPost Québec ont mentionné la grande aptitude de Mme Plante à rassembler les militants autour des causes communes. Une phrase est sortie des entrevues du HuffPost Québec: les écoles politiques présentes au sein de Projet Montréal se confrontent, mais sans s'affronter.


Mme Plante attribue cela à sa capacité d'écoute, entre autres.


Je parle de sujets sensibles, mais je le fais avec beaucoup de respect et beaucoup de sensibilité. Ce qui fait que les gens se sentent respectés et compris malgré qu'on n'ait pas nécessairement la même opinion.Valérie Plante

Selon Mme Plante, la politique municipale est aussi propice à la création de coalitions qui traversent les frontières idéologiques. Une analyse partagée par Henry Milner, politologue et professeur à l'Université de Montréal.


«La politique municipale est très près du quotidien des gens. On n'est pas dans les grandes idéologies politiques comme au provincial ou au fédéral», dit-il.


M. Milner compare Projet Montréal au Rassemblement des citoyens de Montréal (RCM) de l'ex-maire Jean Doré, pour lequel il a milité. Une coalition anglo-franco de syndicalistes et de militants de gauche qui s'est forgée à la fin des années 1970 pour s'opposer à Jean Drapeau.


Le politologue estime d'ailleurs que la présence de militants qui ont goûté au pouvoir, nommément ceux du Parti québécois, sera bénéfique pour Projet Montréal.


«Il y a une grosse différence quand un parti arrive au pouvoir. Il faut avoir un certain pragmatisme. Au RCM, on a dû l'apprendre et ça a été difficile. Mais le PQ est un parti de pouvoir. Les militants ont déjà ce pragmatisme et ils pourront le transférer aux autres», dit-il.


Selon M. Milner, ce pragmatisme pourrait aider le parti à éviter d'autres épisodes houleux, comme celui de la hausse de taxes.