La face cachée de la dette publique

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Tous les ministres des Finances fédéraux, depuis Paul Martin, alignent les superlatifs pour vanter la performance du Canada en matière de finances publiques. Ils n'ont pas tort. Il y a à peine 10 ans, en 1997, la dette du gouvernement fédéral atteignait un record de 609 milliards; chaque année, il fallait créer de nouveaux déficits, et donc s'endetter davantage, uniquement pour payer les intérêts. Avec l'élimination des déficits, la dette a arrêté de gonfler, et Ottawa utilise maintenant ses surplus pour effectuer des remboursements. Au 31 mars 2008, selon la plus récente mise à jour du ministère des Finances, la dette fédérale se situait à 511 milliards. La dette a donc diminué de 98 milliards depuis le retour à l'équilibre financier.
L'amélioration saute aux yeux, surtout quand on compare la dette à la taille de l'économie. Il y a 10 ans, la dette fédérale représentait 69% du produit intérieur brut (PIB). Aujourd'hui, cette proportion est juste au-dessous de 30%, et le Ministère s'attend à la ramener au niveau confortable de 25% d'ici trois ans.
Mais derrière ces chiffres encourageants se profilent de sombres nuages.
Pendant que tout le monde avait les yeux rivés sur la dette fédérale, les provinces continuaient de s'endetter. Le fédéral, on vient de le voir, a diminué sa dette de 98 milliards en 10 ans. Pendant la même période, les provinces ont augmenté les leurs de 79 milliards!
Et cette somme ne dit pas tout, puisqu'elle inclut les énormes surplus engrangés par l'Alberta. Cela mérite une courte explication.
L'Alberta, qui avait une dette de 13 milliards en 1994, déclare des surplus budgétaires depuis 1995. Entre 1995 et 2001, le gouvernement s'est servi de ces surplus pour effacer complètement sa dette. Depuis ce temps, la province continue de dégager des surplus, mais elle ne peut faire comme Ottawa et les canaliser vers la dette, puisqu'elle n'a plus de dette. Elle place donc cet argent, et comptabilise ces surplus dans la colonne de l'actif. Aujourd'hui, la cagnotte albertaine s'élève à 33 milliards. Le gouvernement albertain est le seul gouvernement créancier au Canada. Cet actif n'a rien à voir avec le Heritage Fund de 16 milliards, alimenté avec les redevances pétrolières. Les 33 milliards en question proviennent essentiellement de l'accumulation des surplus budgétaires.
Globalement, les provinces ont donc augmenté leur endettement de 79 milliards en 10 ans, mais ce chiffre tient compte du bas de laine albertain. Autrement dit, les dettes des 9 autres provinces ont augmenté de 112 milliards en 10 ans.
Au total, cela signifie que les dettes combinées du fédéral et des provinces, qui se situaient à 840 milliards en 1997, atteignent aujourd'hui 821 milliards. Le progrès est mince.
Certes, exprimées en pourcentage du PIB, ces dettes se situent à 48% maintenant contre 93% il y a dix ans. Mais cette amélioration doit être interprétée avec prudence: elle est due pour l'essentiel à l'effort fédéral de réduction de la dette et à l'excellente performance financière de l'Alberta. Dans les autres provinces, l'endettement explose. Toujours entre 1997 et 2008, la dette de l'Ontario est passée de 109 à 143 milliards; celle du Québec, de 65 à 123 milliards; en Colombie-Britannqiue, de 12 à 29 milliards, pour ne citer que ces exemples.
La tentation serait grande, devant de tels chiffres, d'accuser les provinces de mauvaise gestion.
Ce serait aller un peu vite en affaires.
La période que nous venons de voir a été marquée par d'importantes compressions dans les transferts fédéraux aux provinces. Pendant qu'Ottawa se tirait d'affaire par cet inélégant tour de passe-passe, les provinces victimes du "pelletage de déficit" (pour reprendre la célèbre expression de Gérard D. Levesque) devaient se débrouiller avec les moyens du bord. Il est quand même remarquable que plusieurs d'entre elles (dont le Québec, avec Bernard Landry aux Finances) aient réussi à atteindre le déficit zéro dans ces conditions.
Aujourd'hui, les transferts fédéraux ont été rétablis à leur niveau d'avant les compressions. N'empêche: les résultats financiers des provinces reflètent encore cette période difficile.
Mais il y a encore plus grave. Les provinces doivent faire face à l'explosion des dépenses de santé. Les chiffres à ce sujet sont effarants. Toujours pour la même période de 10 ans, les dépenses de santé des administrations provinciales ont pratiquement doublé: de 13 à 24 milliards au Québec, de 19 à 38 milliards en Ontario, de 4 à 8 milliards dans les provinces de l'Atlantique, de 15 à 34 milliards dans l'Ouest. C'est partout pareil, et cela crée une tension considérable sur les finances publiques des provinces.


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