Depuis des mois et des mois, on suppute et on spécule. Le Canada est-il en récession ou en ralentissement? Réussira-t-il ou non à éviter la récession? Le Canada s’en tirera-t-il avec un simple ralentissement? On regarde les chiffres, on essaie de les décoder. Les médias s’en mêlent.
Mais dans les faits, lorsque la récession appréhendée est légère, cela devient un débat assez futile, qui relève davantage du hasard statistique que de la réflexion économique. L’important, c’est moins les mots que l’on emploie que les réalités qu’il y a derrière.
On en a eu l’illustration, vendredi, quand Statistique Canada a publié les résultats de l’Enquête sur la population active pour le mois de mai. Au Canada, l’emploi est resté inchangé en mai. Il a même augmenté dans deux provinces particulièrement malmenées, le Québec et l’Ontario.
Dans le cas du Québec, le gain de 18 000 emplois entre avril et mai fait en sorte que, sur une période de six mois, celle qui devait être difficile, le niveau d’emploi est resté pratiquement inchangé. Pas de gains, mais une stabilité qui n’est absolument pas typique d’une période de marasme économique. Le taux d’emploi, à 61,1%, la plus belle mesure de la santé du marché du travail, reste à des sommets. Ces données nous disent que nous traversons une période difficile, mais que nous ne sommes absolument pas en crise.
Quant à savoir le nom qu’il faut donner à cette période, on plonge dans la sémantique ou dans l’argutie arithmétique. La définition technique d’une récession, c’est lorsque le niveau de l’activité économique, mesuré par le PIB, recule pour deux trimestres de suite. Tandis qu’un ralentissement décrit une période de croissance plus lente.
Le problème, c’est qu’on peut trouver des cas où un ralentissement peut être pire qu’une récession. Un scénario dans lequel on enregistre deux trimestres avec un faible recul suivis d’une reprise vigoureuse, laissera moins de traces qu’un scénario où l’économie ne recule qu’un trimestre, ce qui évite techniquement la récession, mais où l’activité économique reste famélique par la suite.
Et comme personne ne semble prévoir une récession forte, le fait de savoir si les États-Unis et le Canada seront en faible récession ou en ralentissement ne changera pas grand-chose. Et là-dessus, il semble y avoir consensus, voulant que ce creux, qu’on l’appelle récession ou ralentissement, est modéré, et qu’il se concentrera sur les deux premiers trimestres de l’année.
Quand on y pense un peu, le fait qu’il y ait consensus n’a rien d’impressionnant, parce qu’on quitte le domaine de la prévision pour entrer dans celui de la rétrospective. Le premier trimestre s’est terminé le 31 mars, on dispose déjà des données, un recul de trois dixièmes d’un pour cent au Canada. Quant au second trimestre, rappelons que nous sommes le 8 juin; et il se terminera donc dans 22 jours. On est presque dans le passé.
Là où le consensus s’effrite, parce que l’horizon s’éloigne, c’est sur le temps qu’il faudra pour revenir à la normale. La reprise sera lente, particulièrement aux États-Unis, mais à quel point? Le retour à la normale se produira-t-il cette année, l’an prochain? Les dernières prévisions de l’OCDE laissent entendre que ce pourrait être long. La croissance américaine, d’à peine 1,2% en 2008, serait même encore plus faible en 2009, 1,1%. Autrement dit, il faudra attendre à 2010 pour la reprise.
Même si le Canada est tributaire des États-Unis, le scénario sera bien différent. Si la performance ne sera pas meilleure cette année, avec une croissance de 1,2%, il y aurait reprise en 2009, avec une croissance de 2%, la meilleure du G7. Cela nous dit deux choses, une positive et une négative.
D’abord, l’existence d’une différence majeure, et c’est une bonne nouvelle, entre les deux économies. Les problèmes que connaît le Canada cette année ne sont pas dus à une crise intérieure. Le ralentissement s’explique essentiellement par son commerce extérieur, malmené par la récession américaine et l’appréciation du dollar. Mais le secteur domestique reste fort, comme le montre la situation de l’emploi, la vitalité de l’industrie de la construction, et pas seulement en Alberta, la croissance de la consommation et des investissements, et l’augmentation des revenus.
Mais il n’en reste pas moins que l’économie canadienne est devenue une économie à trois vitesses. Les quatre provinces de l’Ouest qui ne sont même pas au courant qu’il y a des problèmes, le Canada central, le Québec et l’Ontario, très touchés, et les provinces maritimes, qui s’en sortent un peu mieux. À un tel point que les indicateurs économiques canadiens ne veulent pas dire grand-chose.
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