Le Québec doit absolument s'attaquer au remboursement de sa dette plutôt que de remettre la tâche à plus tard, a estimé hier le Mouvement Desjardins en proposant de financer ce geste d'«équité intergénérationnelle» par une série de mesures fiscales, dont une hausse des tarifs d'électricité.
Selon le rapport réalisé conjointement avec le Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO), le fait de ne pas tenir compte du problème remettrait en cause les programmes sociaux et «la place d'un Québec moderne dans l'économie nord-américaine» tout en léguant un fardeau injuste aux générations montantes.
À 117 milliards en date du 31 mars 2005, la dette totale du Québec représente des frais de service de 7,5 milliards par année et constitue le troisième poste budgétaire, derrière la Santé (21 milliards) et l'Éducation (12 milliards). Elle représente aussi 44 % du produit intérieur brut, ce poids relatif ayant récemment diminué en raison d'une croissance économique robuste. La moyenne des provinces est de 25 % alors que l'Ontario est à 30 %.
Or la situation se compliquera. En raison du vieillissement de la population et de l'impact sur les dépenses en santé et les recettes fiscales du gouvernement, le rapport suggère de mettre sur pied «de toute urgence» un fonds consacré au remboursement de la dette. Ce fonds recevrait notamment des injections venant d'une réserve annuelle pour éventualités dont le contenu inutilisé y serait réacheminé.
Le prix de l'électricité
Ces injections viendraient entre autres des ressources hydroélectriques, chose maintes fois évoquée par le président du Mouvement Desjardins, Alban D'Amours. Par exemple, si le prix de l'électricité vendue au Québec en 2004 avait été établi au prix moyen des grandes villes nord-américaines, non seulement la demande totale aurait baissé mais l'excédent aurait pu alors être exporté, dit le rapport. Dans le secteur résidentiel, le prix moyen à Montréal est de 6,30 ¢/kWh, contre 8,79 ¢/kWh pour les villes canadiennes et 10,64 ¢/kWh pour le continent.
«Une somme d'environ 5,3 milliards aurait ainsi été recueillie», peut-on lire dans le rapport, qui propose de bonifier les remboursements de TVQ aux ménages à faible revenu au coût de 250 millions. L'effet net serait donc de 5,1 milliards. À raison de 2 % par année, par exemple, il faudrait 26 ans pour rejoindre la moyenne du prix nord-américain. Dans l'état actuel des choses, la tarification est régressive, affirme le groupe. «Les plus démunis subventionnent la consommation des mieux nantis, car ces derniers consomment davantage tout en payant un prix unitaire inférieur.»
Écrite par François Dupuis et Benoit Durocher, économistes au Mouvement Desjardins, et par Claude Montmarquette et Maryse Robert, respectivement professeur à l'Université de Montréal et économiste au CIRANO, l'étude signale que les trois quarts de la dette ont été contractés pour des dépenses d'exploitation courantes, ou d'«épicerie». Le reste a servi aux actifs financiers et aux infrastructures.
L'étude suggère aussi d'augmenter la productivité et la performance économique par une série de mesures fiscales: on suggère de baisser l'impôt des particuliers, d'augmenter les taxes à la consommation et de réduire la taxe sur le capital des sociétés. Il serait insuffisant, nuance-t-elle, de s'en remettre au règlement du déséquilibre fiscal ou à la vente d'actifs.
Le discours n'est-il pas un peu alarmiste? «La marge de manoeuvre de Québec est déjà très limitée, a dit M. Dupuis. Plus on attend, plus les solutions devront être draconiennes.» Un des signataires du manifeste Pour un Québec solidaire, dans lequel on minimisait l'urgence de la dette, a plaidé pour un débat plus large, axé aussi sur la santé et l'éducation. «Il faut parler de tout, a dit Bernard Élie, professeur de sciences économiques à l'UQAM. La dette est peut-être lourde, il faut s'en préoccuper, mais est-ce la priorité?»
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