La révolution incertaine - II

La débâcle financière

Économistes atterrés


La crise financière qui a commencé non pas en 2008, mais en 1971 quand Nixon, au vu du colossal déficit américain, mit fin à la convertibilité du dollar, rompant ainsi unilatéralement les accords de Bretton Woods pris à la fin de la Deuxième guerre mondiale.


Harry White et John Maynard Keynes : les artisans de Bretton - Woods

À partir de ce moment, la société occidentale vécut sur le crédit. Les Etats s’endettèrent. On força les pays du Tiers-monde à recourir à l’emprunt. D’abord, l’économie s’emballa, puis elle connut petit à petit une récession à cause de l’augmentation des prix du pétrole et des matières premières qu’on compensa par un recours de plus en plus massif au crédit. Les déficits publics commencèrent à prendre des proportions inquiétantes. C’est alors que l’on recourut à la politique de l’offre, ou au néolibéralisme. Ce furent les années Reagan – Thatcher. Ce fut le début du dégraissage de la sécurité sociale, le blocage des salaires, la réduction des dépenses publiques, les privatisations, les compressions des coûts, notamment par les délocalisations. Une véritable entreprise de désindustrialisation de l’Europe, de démantèlement de la puissance publique, d’exploitation du Tiers-monde fut lancée. La chute des démocraties populaires et de l’Union soviétique accélérèrent ce mouvement. Ce fut aussi le « choc des civilisations » qui servit de prétexte à une offensive américaine au Moyen-Orient et en Asie occidentale pour le contrôle des réseaux amenant le pétrole et le gaz naturel en « Occident ».



Reagan et Thatcher : les champions du néolibéralisme


Tout cela s’est accompagné d’une offensive idéologique. Les médias atterrirent entre les mains des grands groupes financiers qui orientèrent le contenu rédactionnel vers les « valeurs » du néolibéralisme et la critique de l’Etat. Les intellectuels devinrent les prêcheurs de l’idéologie nouvelle. Les universités formèrent des jeunes élites tout à fait acquises aux nouvelles normes de pensée. On prenait prétexte du terrorisme pour restreindre les libertés. On aboutissait ainsi à la « fin de l’histoire » : une société libérale qui règne sur le monde entier.

Mais, cela ne s’est finalement pas déroulé comme prévu. Le système s’est grippé.

Le crédit est mort.

Le crédit ne pouvait durer une éternité. Comme toujours, la facture finit par arriver.

En 2008, le point de déséquilibre était atteint. Ce furent d’abord les fameuses bulles : la bulle Internet – on a investi dans du vent, c’est-à-dire les prévisions d’un éclatement des ventes de produits courants via la toile – suivie des bulles immobilières, des bulles des actifs. En clair, un formidable mouvement de ventes et d’achats d’entreprises, d’immeubles de toutes sortes s’est déclenché au début des années 2000 sans qu’il y ait compensation réelle, puisqu’on payait via du crédit, autrement dit du papier-monnaie créé par les organismes financiers privés. Désormais, battre monnaie n’était plus un droit régalien.

L’erreur fut d’inclure les ménages dans ce système. Aux Etats-Unis, on provoqua l’endettement massif de ménages insolvables en croyant que l’augmentation des biens immobiliers allait largement compenser les défauts de remboursements des dettes contractées. Ce fut la fameuse crise des subprimes. Le tout fonctionnant sur une corde raide, ce fut d’abord la faillite de la banque Lehman Brothers, première concurrente de l’incontournable Goldman Sachs dont était issu, comme par un pur hasard, le secrétaire d’Etat au Trésor de George W Bush, Paulson. Il fit tout pour que son ancien employeur soit aidé pour éviter la chute. En même temps, on découvrit la plus immense escroquerie de tous les temps qui grugea toute l’élite mondiale : Bernard Madoff.


Henry Paulson et Bernard Madoff : les deux symboles de la crise financière de 2008


Et on a rien vu venir – volontairement ? –, la formidable performance des entreprises, des fameuses croissances annuelles à 15% dans une économie réelle mondiale qui ne progresse que de 3% par an, vient de là: un dopage généralisé par un excès monétaire et un excès de crédit. Les gouvernements ont fermé les yeux. Le crédit, soit directement aux agents privés comme aux Etats-Unis, avec comme illustration ultime le scandale des subprimes, soit par transfert par les Etats et les systèmes sociaux comme en Europe, a permis de masquer le gigantesque transfert de production vers la Chine et les autres pays émergents, organisé au nom d'un profit immédiat, dans le cadre de la «mondialisation heureuse».


« Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés ». Les banques du monde entier ayant souscrit via les fameux « actifs toxiques » à ce système des subprimes étaient menacées de faillite. Les Etats durent s’endetter auprès des mêmes banques pour les renflouer ! Résultat : la dette souveraine augmenta considérablement. 2008 à peine résolu annonçait déjà 2011. Aucune mesure pour limiter l’autonomie des banques ne fut prise. C’était un encouragement à poursuivre leurs errements. Cependant, la dette était là et ne pouvait que s’accroître. Nouveau dossier providentiel pour les banques !

Certes, il y eut un G20 qui tenta d’instaurer un système de régulation afin de réduire la puissance des marchés financiers. Peine perdue : la croissance ne pouvait repartir comme avant puisqu’elle avait été alimentée par la bulle financière. Et puis, dans le cadre idéologique actuel, les vieux dogmes de « l’efficacité des marchés » ont la vie dure.

Au tour des Etats

On s’attaqua ensuite au maillon faible : la Grèce. La Grèce est un petit Etat, n’ayant aucune production industrielle, vivant de services et de tourisme. C’est un pays à la lisière du Tiers-monde qu’on a plus ou moins intégré dans l’Europe. D’un côté, il fut isolé politiquement lors de la guerre des Balkans, tiraillé dans le dossier d’adhésion de la Turquie et de l’autre, mis sous la tutelle de l’Union européenne qui lui a imposé d’entrer dans l’Euro, alors que l’économie des Hellènes ne répond pas aux fameux critères de Maastricht. Cette petite nation est dominée par deux familles depuis qu’elle est sortie de la dictature des colonels : les Caramanlis – droite – et les Papandréou – gauche. Sa gestion interne est catastrophique : la corruption règne en maîtresse absolue, la fraude fiscale y est un sport obligatoire. Jusqu’à la crise de l’Euro, l’Union européenne a fermé les yeux. Pire, la banque Goldman Sachs a aidé le gouvernement grec de Caramanlis à trafiquer ses comptes pour cacher son colossal déficit public. Voilà encore une preuve de l’efficacité du contrôle mis en place par la très orthodoxe Commission européenne. Cela ne pouvait évidemment pas durer. La crise de la dette souveraine a été déclenchée suite au constat du déficit grec.

Une Union européenne schizophrène

On sait ce qu’il s’est passé. D’une part, un Sarkozy traqué par les banques françaises qui possèdent un nombre considérable de titres de la dette grecque, exige que l’Europe paie la dette et que l’on prenne des mesures d’austérité sans précédent. De l’autre, une Merkel ne veut en aucun cas faire payer l’économie allemande en plein boom. On crée d’abord un Fonds européen de solidarité financière pour l’aider à se renflouer, ou plutôt à alimenter les banques. Ensuite, on impose à la Grèce un plan drastique d’austérité qui constitue en une véritable révolution : tout le système social est mis à terre, sans que le peuple n’ait son mot à dire. En dépit de la formidable contestation et des mouvements sociaux sans précédent, le Parlement vote le plan imposé par l’Union européenne. D’autre part, la Commission étend ses pouvoirs en voulant contrôler les budgets de chaque Etat membre. Ce système ne marche pas et ne résout rien. Un dernier sommet a lieu le 21 juillet et repasse les mêmes plats encore plus pimentés d’austérité. On ne s’occupe cependant que de la Grèce alors que l’Espagne, le Portugal et l’Italie donnent des signes inquiétants.


Merkel et Sarkozy : l'harmonie ne règne pas toujours entre eux.


L’Europe est dans un système schizophrène. Au lieu d’être dirigée par un système européen, elle est gérée par un Conseil qui n’est autre qu’une association de gouvernements nationaux. La Commission européenne « gardienne des traités » est une sorte de police de la pensée ultralibérale qui applique les compromis nés des réunions du Conseil dans le schéma ultralibéral le plus strict.




Sommet européen du 21 juillet 2011 : Lagarde veille.


Après ce sommet, les marchés s’affolent. Reconnaissons qu’il y a certaines raisons à cela. Les banques détentrices des titres des dettes souveraines risquent le plongeon, comme en 2008. Des rumeurs – peut-être pas si folles – courent sur l’une d’entre elles – la Société générale, celle du trader Kerviel – et sont aussitôt démenties. Mais cela laissera des traces.


Et puis, il y a la fameuse Banque centrale européenne (BCE). Ce fut le summum de l’absurdité d’en faire un organisme privé chargé de contrôler une monnaie et des dépenses publiques. Résultat : les banques ont placé les titres de dettes publiques à la BCE. Et c’est le cas aujourd’hui, le sommet du 21 juillet ayant tenu à l’écart les problèmes des dettes souveraines autres que celle de la Grèce.

Toujours le même schéma idéologique

Les banques espagnoles et italiennes vont déposer les titres de dette publique auprès de la Banque centrale européenne (BCE). La BCE a reconnu les tensions qui sont en train de s'accumuler à nouveau dans le système: elle a décidé ce jeudi 4 août de remettre en vigueur un dispositif exceptionnel pendant six mois afin de permettre aux banques de se financer en dehors des procédures classiques. De même, la banque centrale, qui pourtant voulait à tout prix sortir de cette mesure exceptionnelle, a dû reprendre ses achats de dettes publiques sur les marchés, afin de soutenir les cours. Comme lors de sa première mise en vigueur en 2010, les membres de la BCE se sont divisés à nouveau sur le fait de réutiliser cette mesure «non conventionnelle». Compte tenu de la situation, la majorité de la BCE a jugé qu'il était urgent d'intervenir et de se substituer au fonds européen de stabilité financière, pas encore en place. Mais ses interventions sont marginales: la BCE aurait engagé seulement 300 millions d'euros pour racheter de la dette... portugaise. Cet exemple montre que la Banque centrale est tout à fait inefficace. Elle est juste bonne à exercer du chantage.




Jean-Claude Trichet de la BCE : le gardien de l'ultralibéralisme


C’est ainsi que par une lettre adressée à Berlusconi, la BCE conditionnait son soutien à l’Italie à la condition qu’elle fasse des réformes de structures ultralibérales, comme la privatisation des services publics. On se retrouve systématiquement dans le même schéma ultralibéral : réduction des dépenses publiques, privatisations et démantèlement de l’Etat providence.

L’avertissement des économistes

Comme le dit dans « Libération » l’économiste Henri Sterdyniak qui est un des auteurs du fameux manifeste des « économistes atterrés » : « Chaque fois que les marchés élèveront la voix, les Etats réduiront leurs dépenses publiques et sociales. C’est une démission de la démocratie. Elle est déjà à l’œuvre puisque la BCE conditionne son aide à l’Italie à une feuille de route de politique antisociale. »





L’économiste américain keynésien James K Galbraith écrit : « A présent, la Grèce, sous l'impulsion d'un gouvernement décidé, et malgré une contestation importante en interne, a rempli les conditions onéreuses qui lui avaient été imposées. Mais pour quoi faire ?
Pour obtenir des prêts qui seront immédiatement recyclées par les banques européennes. Ce qui n'améliore en rien les perspectives de la Grèce, et ne fait que gonfler un peu plus sa dette. Les taux d'intérêt sur les marchés ne baisseront pas, la croissance ne reprendra pas, et les réformes nécessaires qu'il lui faut adopter, ne seront pas facilitées. La situation est intolérable, et il n'est plus possible de la prolonger bien longtemps.
Si l'on suit cette route, il n'y aura à l'horizon que des défauts, des mouvements de panique, l'implosion de la zone euro, de l'hyperinflation dans les pays qui sortiront de l'euro, et l'effondrement des exportations dans les pays qui choisiront d'y rester.
En bout de course, nous assisterons à d'importants mouvements de population. (…) Si l'Europe continue de vouloir appauvrir sa périphérie, il ne faudra pas s'attendre à ce que ceux qui subissent de plein fouet cette décision, restent assis et contemplent leur destin.
Mais il existe une autre route. Celle qui revient à assumer des responsabilités communes, qui permettent de renforcer la convergence des économies européennes, via des politiques de soutien. Les dettes souveraines en excès par rapport au plafond fixé par le traité de Maastricht, pourraient être ainsi transformées en eurobonds (dettes souveraines européennes). Un programme d'investissement public-privé permettrait en même temps de relancer la croissance et l'emploi, conformément à ce que certains des plus sages dirigeants européens ont proposé, il y a quelques jours, dans un manifeste. Dans la foulée, il faudrait en passer par des réformes constitutionnelles, qui permettraient d'adapter l'Europe, et ses politiques, aux réalités de l'après-crise.
L'Europe se trouve donc confrontée à un choix, qu'elle doit trancher rapidement, entre, comme le disait Charles de Gaulle en 1969, "le progrès et le bouleversement". »

Le journal britannique « The Observer » ajoute le 7 août 2011 : «Les gouvernements auraient dû imposer une supervision adulte sur ce qui n'est, pour de nombreux acteurs financiers, rien de plus qu'un jeu sophistiqué de poker. Mais les gouvernements ont perdu la croyance dans le pouvoir public et dans leur capacité à agir. Ils n'ont pas le moindre repère sur ce qu'ils devraient faire. A défaut, ils s'agenouillent devant la prétendue sagesse supérieure des marchés et se retirent dans le confort moral, en affirmant que la meilleure et la seule chose à faire est d'équilibrer les finances – précisément la plus mauvaise chose à faire dans la tourmente de la crise financière.»


L’économiste américain Kenneth Rogoff, ancien économiste en chef du FMI et professeur à l’Université d’Harvard a mis les pieds dans le plat : « Le vrai problème n’est autre que l’endettement catastrophique qui touche l’économie à l’échelle mondiale et auquel il sera impossible de remédier rapidement sans la mise en place d’un système de transfert de la richesse des créanciers aux débiteurs, en recourant soit au choix du non-paiement, soit de la répression financière, soit de l'inflation. »





Comme le dit Sterdyniak, cité plus haut : « La bonne réaction serait de se mettre d’accord sur une nouvelle gouvernance européenne acceptable par les peuples axée sur la croissance et le plein-emploi plutôt que sur la réduction de la dette et des déficits à tout prix. »


Vous avez dit « gouvernance » ?


Cependant, il faut se méfier de cet appel à la « gouvernance ». Comme l’écrit Isabelle Stengers : « La gouvernance dit bien son nom, elle traduit bien la destruction de ce qui impliquerait une responsabilité quant à l’avenir, c’est-à-dire la politique. Avec la gouvernance, il ne s’agit plus de politique, mais de gestion et d’abord de gestion d’une population qui ne doit pas se mêler de ce qui la regarde. ». Une fois de plus, l’offensive idéologique contre le politique, autrement dit en écartant le peuple de tout processus de décision, en interdisant tout débat sur les mesures proposées.


Or, l’Europe a besoin d’un gouvernement économique. Tout le monde a l’air d’accord là-dessus, mais personne ne se pose la question de son fonctionnement, de sa composition, de son contrôle. C’est sans doute cela la démocratie libérale… Aussi, la solution se trouve dans une puissance publique européenne, mais placée sous contrôle démocratique.


Un exemple que tout le monde a en tête, ce sont les fameuses agences de notation. Elles font la pluie et le beau temps sur les marchés. On ne connaît pas très bien leurs méthodes d’investigations. On ne connaît pas non plus leurs commanditaires. Comme l’écrit « Libération », leur diagnostic de la situation financière des Etats et des entreprises ressemble plus à un pifomètre qu’à un thermomètre. Elles sont manifestement orientées. Ainsi, la dégradation de la notation américaine par Standard & Poors avait des objectifs nettement politiques. Il a d’ailleurs été démontré que la méthode de calcul utilisée aboutissait à de faux résultats. On ne peut pas tolérer que des organismes privés puissent nuire ainsi à l’intérêt général. Des mesures drastiques doivent être prises. On le dit, mais on attend toujours.









Depuis 2008, de nombreux économistes plaident pour le retour à la séparation des activités bancaires : le crédit et les dépôts doivent être garantis par l’Etat et de l’autre les activités de marché spéculatives, le casino doit être placé sous la responsabilité des seules banques qui s’y livrent. La taille des banques : « Too big to fail » : un constat fait en 2008. Aujourd’hui, la taille des banques s’est encore accrue. Qu’attend-on ?







Les chiffres sont là, ils sont complètement fous. Les actifs financiers dans le monde représentent environ 220.000 milliards de dollars, soit plus de quatre fois le PNB mondial. Près de 150.000 milliards de dollars sont de la dette sous toutes les formes.


Quarante ans après le dérèglement monétaire de 1971, voilà les effets d'un système, ayant largué tout repère avec l'économie réelle, où la création monétaire a été abandonnée aux mains de la finance privée, déchargée de tout contrôle des Etats. C’est ce qu’on ose appeler l’orthodoxie ! L'Europe, en la matière, a poussé l'orthodoxie au rang de beaux-arts, en désignant une banque centrale privée de la capacité d'être prêteur en dernier ressort, c'est-à-dire de pouvoir acheter directement la dette émise par les Etats.


La véritable révolution


La véritable révolution est de changer tout cela. Les peuples commencent à se soulever. Cela peut être plus ou moins efficace. On le voit en Israël, le gouvernement belliciste et ultralibéral - les deux vont souvent ensemble – de Netanyahu doit reculer devant les indignés. Les émeutes de Londres sont un exemple. Si objectivement elles ne sont pas la conséquence de la seule contestation, si elles relèvent aussi du heurt avec un monde parallèle vivant dans le « non droit », ou plutôt dans des règles différentes dictées le plus souvent par l’économie parallèle – prostitution et deal de drogue – elles sont le fruit d’une société en pleine déliquescence, du colossal échec du néolibéralisme. Mais, elles ne mènent à rien, sinon au cycle provocation – répression qui ne fait que renforcer le totalitarisme. Les « indignés » ? C’est bien, mais cela reste marginal – sauf, sans doute, en Israël – et sans assise populaire réelle.






Une révolution implique de changer de classe dirigeante, mais aussi de système. On le voit avec le printemps arabe. Il est inachevé car dans deux cas, il a réussi à « dégager » les tyrans, mais le système, lui, est toujours en place.


D’autres dirigeants, certes, mais c’est surtout le système qu’il faudra renverser et remplacer pour plus de liberté, plus d’égalité. Sans ces deux objectifs, cela reste une révolution incertaine.



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