Tournez la transaction dans tous les sens que vous voudrez, nous venons de perdre le contrôle de la C-Series. Airbus en a acheté 50,01% des actions. C’est une prise de contrôle étrangère. Le plus désolant était d’entendre les gouvernements du Québec et du Canada indiquer à l’unisson qu’ils ne verseraient pas un sou de plus dans la machine.
D’accord, le message est bien reçu. Nos gouvernements sont résignés à laisser partir ce joyau de l’industrie. Dans d’autres pays où les dirigeants sont plus dégourdis, on ne vend pas de participation majoritaire à des joyaux semblables. Pourquoi ? Parce qu’à la longue, sur vingt ans par exemple, les activités principales autour de la C-Series vont partir vers l’Europe.
Difficilement pire
Il y a bien pire qu’Airbus. Entre une appropriation de la C-Series par Boeing, par des intérêts chinois ou par Airbus, la compagnie européenne est sûrement préférable. Au moins Airbus a l’habitude des coopérations internationales un peu équitables.
Mais nous ne sommes pas des Européens. Nous ne faisons pas partie de l’Union européenne. Même si le traité de libre-échange avec l’Europe finit par entrer pleinement en vigueur, nous demeurerons vulnérables à un jeu politique dont nous ne faisons pas partie, que l’Union européenne perdure ou non.
La bêtise américaine
Il faut noter au passage la monumentale bêtise des dirigeants américains sous l’administration Trump.
Plutôt que d’endurer un compétiteur somme toute assez inoffensif, Boeing a poussé Bombardier dans les bras de son principal concurrent, Airbus, ce qui l’a renforcé d’autant. Qui a pris cette brillante décision au CA de Boeing de déposer des plaintes commerciales contre Bombardier? Voilà un candidat de choix pour la légion d’honneur française.
Du côté de l’administration Trump, personne ne semble saisir que si les États-Unis posent de conditions commerciales trop dures à leurs partenaires, ceux-ci iront ailleurs. Pire, ils risquent de s’arranger entre eux, sans les États-Unis.
Impact sur les négociations de libre-échange
C’est d’ailleurs la question qu’il faut se poser avec les renégociations des accords de libre-échange avec les États-Unis : les conditions que posent les Américains en valent-elles la chandelle ? L’économie canadienne souffrirait probablement beaucoup à court terme d’une annulation de l’accord entre le Mexique, les États-Unis et le Canada. Mais à long terme ? Le Canada pourrait peut-être y gagner.
La Corée du Sud et le Japon sont en train de se poser le même type de questions. Tout comme bien des alliés des États-Unis.
Le temps de remplacer les élites
Les brillantes élites économiques et politiques qui viennent de perdre Bombardier se posent-elles seulement ce genre de question ? Non, elles sont en train de célébrer la vente des activités de la C-Series. Quand on en est rendu à se vanter des défaites, il est plus que temps d’être remplacé. Le plus inquiétant est que ce sont ces mêmes élites politiques et économiques qui renégocient les accords de libre-échange avec les États-Unis.