La construction de la cage

Mauvais rêve de futurologie politique

Penser le Québec - Dominic Desroches

« Il n'y a que deux conduites avec la vie :

ou on la rêve ou on l'accomplit »

René CHAR


Le Québec a assisté à la fermeture de l’aéroport ultramoderne de Mirabel.
Il a vu celui de Dorval prendre le nom de P.-E. Trudeau. Les navires
peuvent se rendre en Ontario sans s’arrêter au Port de Montréal. Des
compagnies n’hésitent plus à transférer leurs sièges sociaux vers la
capitale du Canada. Vu la tendance de la centralisation canadienne, il
n’est pas surprenant que la Bourse de Montréal passe dans le giron du TSX
de Toronto. Les ventes du Mont Tremblant, d’Alcan et des Canadiens de
Montréal, sans compter toutes les autres, continuent de nous hanter. Sur le
plan sportif d’ailleurs, les Nordiques ont gagné au Colorado, tandis que
les Expos - qui arboraient aussi le lys sur leur uniforme - poursuivent
leur rêve à Washington. Devrions-nous nous inquiéter pour l'Impact ? On
peut former désormais des équipes nationales canadiennes sans membres du
Québec, autre signe avant-coureur que le Québec s’affaiblit, qu'il a moins
de poids dans le Canada, qu'il se retrouve davantage isolé et qu’il
continue de voir ses joyaux passer aux mains des intérêts concurrents
canadiens, américains et étrangers.
On peut nommer ce phénomène « la
satellisation » de Montréal et du Québec. Sur le plan culturel, ce
phénomène se reconnaît dans le recul du français, mais aussi dans le fait
que les médias (stations de radio et journaux) sont téléguidés de l’ouest
canadien et que nos plus grands artistes cherchent à faire carrière à
l’extérieur du Québec, un peu comme s’ils étouffaient et qu’ils ne
pouvaient plus exprimer leur créativité sur l’immense territoire. Ces
faits, qui ne demandent qu’à être interprétés, semblent nous dire quelque
chose. Mais quoi ?
Voici une hypothèse parmi d’autres : on doit se demander en effet si nous
n’assistons pas à la création d’une grande réserve pour le Québec, un peu à
l’image des nouveaux autochtones que sont les Québécois devenus ? Que se
passe-t-il depuis le milieu des années 1990 ? On assiste à un cycle qui, au
lieu de nous libérer, semble nous excentrer, c'est-à-dire nous isoler. Les
grands rêves, ceux qui doivent guider le peuple, l'affranchir, sont-ils
derrière nous ? On dirait que le Québec, jadis prospère et actif, ressemble
toujours plus à un territoire. Passons-nous lentement de la satellisation à
la territorialisation du Québec ? Soyons encore plus précis : on dirait que
nous participons, malgré nous, à la construction d’une cage.
***
Écrit en souvenir du poète et résistant René Char, ce texte fait suite au
lendemain d’une nuit cauchemardesque. Il anticipe le récit d’un Québec
devenu un « territoire » à l’intérieur du Canada, une terre abandonnée, un
espace de désolation. Mauvais rêve certes, il projette, à partir
d’aujourd’hui, la réalité de demain. C’est pour ainsi dire un mauvais rêve
de futurologie politique. Les rêves, disait Freud, s’appuient sur le passé
et concernent l’avenir : ils sont des manifestations de l’inconscient, de
forces qui désirent. Les rêves traduisent des peurs, des désirs refoulés et,
bien interprétés, ils peuvent nous en apprendre beaucoup sur nous-mêmes,
sur nos aspirations et nos échecs. Pour Freud d'ailleurs, le cauchemar
traduit une angoisse et un rapport à la mort, fut-elle symbolique. À la
suite d’un mauvais rêve enfin, l’on sursaute et l’on se réveille... Voici
le petit récit de cette malheureuse expérience onirique.

Une futurologie politique reposant sur la réalité linguistique
Quand on se couche en pensant aux chiffres du dernier recensement du
gouvernement fédéral, on risque de faire un cauchemar et de trouver le
réveil pénible. En effet, si le nombre de francophones hors Québec diminue,
si le Québec connaît une lente anglicisation et que les Québécois n’ont pas
assez d’enfants, il convient de se demander ce qui attend l’ensemble des
francophones du Canada. Actuellement, chez les immigrants et les jeunes, la
tendance est à l’apprentissage de l’anglais. Quand on se rapporte à
l’échelle mondiale, la tendance se voit confirmée : l’aplanissement des
différences, la standardisation du mode de vie, la « sinologisation » de la
production industrielle et la mise en marché de l’économie triomphante se
font à partir de l’anglais, nouvelle franca lingua. Mais quelles seront les
conséquences prévisibles de ces faits réels ? Pour le Québec, il est aisé,
dans la prospective négative d’abord, d’en prévoir trois : la montée de la
solitude, la période du « sursaut » et l’accomplissement du repliement dans
la désolation.
L’angoisse et la montée de la solitude
Quand notre langue disparaît lentement, nous connaissons l’angoisse.
Quand les moyens de communications et de développement de la culture ne
sont plus protégés, mais appartiennent aux étrangers, la solitude croît et
le sentiment d’étrangeté croît également. La solitude, c’est le fait de se
sentir seul chez soi ou abandonné loin de la maison. On peut ressentir la
solitude dans une société aussi, puisque c’est un sentiment
d’incompréhension et d’isolement moral. La solitude, pour le dire
autrement, c’est l’anticipation de limites à notre capacité de vivre dans
le monde. On peut très facilement s’imaginer ce que représente la solitude
quand on pense au sentiment de l’animal qui, sous peu, sera enfermé dans
une cage…
Le « sursaut » : la lutte contre la cage et le saut dans l’Histoire
Confrontés à l’angoisse, à la montée de la solitude et la déconnexion
d’avec le monde, les individus conscients connaissent le sursaut. La
période de sursaut correspond au réveil devant la mauvaise nouvelle. Le
sursaut, c’est la volonté de sortir de soi correspondant à la rencontre
pénible avec la réalité. Il s’agit d’un choc entre l’aérien, le rêve, la
magie et le monde des causes et des effets. Si l’individualisme accélère le
sentiment de solitude et la construction de la cage, le sursaut est vécu
individuellement mais peut se transmettre dans un groupe ou une société. Il
s’agit, mais c’est encore une image imparfaite, de la situation bien connue
de l’animal qui réagit dans sa cage, réalisant soudainement les limites de
ses possibilités. Le sursaut, quand il prend l’expression du combat contre
la cage, est négatif.
Or, il y a une bonne nouvelle pour nous, car le sursaut peut s’exprimer
positivement. En effet, il peut donner lieu à la forme positive de la
révolte contre une situation étouffante, mais toujours à l’intérieur des
limites et des possibilités restantes. On peut toujours tirer profit de la
rencontre avec la réalité, s’il n’est pas déjà trop tard. Un peuple par
exemple peut se réveiller et décider de transmettre le goût de l’avenir par
la défense de sa culture et de ses intérêts. Cela est toujours possible et,
à ce titre, nous enchante.
Cependant, l’anthropologie, mais aussi toutes les études d’ethologie
servant au progrès de la médecine vétérinaire, nous obligent à préciser que
l’animal enfermé réagit, sursaute, se réveille, se cogne contre sa cage,
mais peut apprendre aussi, avec le temps, à apprivoiser sa nouvelle
réalité. Dans une cage que nous avons nous-mêmes contribué à construire,
on a beau crier, on se sent tout de même chez soi. Réveil et réaction à la
réalité, la période du sursaut correspond finalement à la dernière charge
de l’animal contre sa cage, c’est-à-dire aux réactions instinctives, aux
confins du conscient, de l’animal confronté à son isolement et sa possible
disparition.
Mais existe encore la possibilité du saut. Comme mouvement qui se réalise
à partir du sentiment incontrôlable de peur, le saut peut conduire à la
sortie de la cage, mais à une seule condition, à savoir que l’animal ait
appris les dimensions de la cage et qu’il soit encore capable du minimum de
recul pour sauter. Sans possibilité de recul ou de redressement, l’animal
peut dire adieu à sa liberté, à l’extériorité. L’histoire se produit donc,
dans les peuples, lorsque les individus ont réussi à comprendre, lors du
sursaut, que la liberté est possible uniquement dans un saut assumé par la
volonté générale.
De l’abandon à la résignation : la question du langage
Osons pousser un peu plus loin cette réflexion sur les effets du saut
résultant du « sursaut » d’un peuple. Si l’animal (ou le peuple par
analogie) réussit à sortir de la cage, c’est précisément parce qu’il s’est
redressé et qu’il a su sauter au bon moment. En suivant le mouvement du
redressement, il a sauté pour gagner sa liberté et, par ce mouvement même,
il a retrouvé le monde. Le redressement, c’est le travail que l’on prend
avec son langage. On se redresse, pensons ici au travail poétique de Gaston
Miron, lorsque l’on renomme correctement, et dans la limite de ses propres
mots, les choses, et que l’on affronte la réalité. L’élan du saut visant à
nous libérer se perd en général lorsque nous empruntons les mots des
autres, des mots qui, inadaptés à notre situation, déforment notre réalité
et nous rendent victimes de nous-mêmes. Quand on tient le discours des
autres, quand on se voit emprunter la langue des autres, l’on se perd
lentement, on perd son élan et l’on croule au fond de sa cage en tentant
d'imiter ceux que l'on considère comme nos maîtres.
***
Ici, posons la question en sens contraire : que se passe-t-il si, après
l’épisode pour le moins douloureux du sursaut, l’animal (ou le peuple) ne
saute pas ou qu’il ne réussit pas le saut vers sa liberté ? Réponse : la
nature veut qu’il s’abandonne lentement lui-même en découvrant la
résignation, laquelle conduit directement vers la désolation.
***
Cet enchaînement d’idées mérite des explications supplémentaires. Quand on
vit dans une cage, c’est-à-dire un espace qui par essence ne peut
s’accroître, on parvient à l’aimer cette cage et à la nommer avec le peu de
mots qu’il nous reste. Nos mots nomment notre monde, qui est désormais
réduit à la grandeur de ce que l’on est devenu. C’est à ce moment précis,
au moment de la résignation, que les Québécois se voient, par la force d’un
cycle assez puissant, forcés de mélanger le français et l’anglais,
c’est-à-dire de parler davantage avec des mots anglais pour faire bilingues.
La résignation correspond au début de la dépossession de sa langue, une
langue qui n’a pas été assez soignée et valorisée. Quand la langue se perd
et qu’elle ne devient qu’un simple outil de survivance, alors la
communication d’avec le monde se perd : les locuteurs ne parlent plus que
pour eux-mêmes, car ils ne peuvent plus être compris de l’extérieur. Sans
langue, sans rhétorique politique, sans capacité de communication
internationale, l’étape de la résignation conduit à à la créolisation, à
savoir une forme linguistique de la désolation à l’égard de nous-mêmes et
de notre survivance.

La désolation : la défaite et l’après-guerre…
La désolation correspond enfin à ce regard dévasté sur nous-mêmes.
Politiquement parlant, la désolation s’avère la période de l’après-guerre.
On la reconnaît lorsque les hommes et les femmes cherchent leurs biens dans
les ruines et les ravages. Ils cherchent en même temps leurs mots. On peut
dire par extension que la désolation, c’est aussi le regard que l’on porte
sur les ruines que nous sommes devenus pour nous-mêmes, des humains au
langage malade. Est désolé celui qui regarde les ravages que la guerre,
cette guerre menée contre lui-même, a provoqués.
Désolation et disparition
sont les mots qui s’appliquent à l’animal politique qui, en grande partie
par sa faute, n’a pas réussi le saut hors de la cage qu’il a contribué à
construire. Quand il n’a pas réussi le saut qu’impliquait le sursaut, il
peut, dans un dernier geste de rage, tenter de détruire tous les biens qui
devaient servir à sa libération.
... C’est à ce moment d’ailleurs, lorsqu’il est question de désolation, que je
me réveille, que je sursaute dans la nuit et que je suis fier de réaliser
que ce récit, chaotique et improbable, est le résultat d’un bien mauvais
rêve.
Dominic DESROCHES
Département de philosophie / Collège Ahuntsic
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --

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Dominic Desroches115 articles

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Dominic Desroches est docteur en philosophie de l’Université de Montréal. Il a obtenu des bourses de la Freie Universität Berlin et de l’Albert-Ludwigs Universität de Freiburg (Allemagne) en 1998-1999. Il a fait ses études post-doctorales au Center for Etik og Ret à Copenhague (Danemark) en 2004. En plus d’avoir collaboré à plusieurs revues, il est l’auteur d’articles consacrés à Hamann, Herder, Kierkegaard, Wittgenstein et Lévinas. Il enseigne présentement au Département de philosophie du Collège Ahuntsic à Montréal.





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11 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    8 janvier 2008

    Jean-Pierre Bouchard vient préciser avec bonheur les enjeux de la construction de la cage. Sa lecture me paraît précise et excellente. Elle complète bien les commentaires précédents. Non seulement elle ne trahit pas l'esprit de mon propos, mais elle lui donne une teneur concrète !
    Précisément, elle met l'accent, et à juste titre il me semble, sur le caractère transparent ou invisible du travail qui se produit actuellement dans le langage au Québec. Les exemples qu'il donne sont pertinents et je les partage. Le repliement identitaire actuel est précisément là, dans le fait que le discours dominant n'est plus celui de l'affirmation de soi, mais celui de la résignation. À Montréal, cela est assez évident désormais.
    Concernant la rhétorique médiatique, j'ai déjà préparé deux courts articles pour illustrer le caractère global du problème. Je me pencherai, je l'annonce ici, sur les médias-acteurs et sur la rhétorique de l'émotion passant dans la focalisation sur le fait divers. Cette focalisation puissante fait en sorte que les questions sociales (plus globales et importantes) sont de plus en plus masquées, dans les bulletins télévisés, par le divertissement, ce qui n'est jamais très bon pour une démocratie.
    Enfin, l'essentiel de mes avancées théoriques est d'ailleurs reconnu par Monsieur Bouchard lorsqu'il évoque le deni. Le deni est le refus des faits. Le refus ou le deni de la réalité est, pour prendre une expression chère à Kant, la condition de possibilité de la construction de la cage assurant l'accomplissement du repli identitaire. Quand on refuse de voir (certains textes des plus polémiques sur Vigile et dans les grands médias carburent au deni), la cage commence à se former et l'enfermement se réalise lentement. Plus le deni est fort, plus facilement la cage se referme. Sur ces mots, je remercie mes quelques lecteurs pour leurs précisions, elles nous serviront bientôt.

  • Jean Pierre Bouchard Répondre

    8 janvier 2008

    Voici un assez court développement inspiré par la très intéressante réaction de G.Boivin. Cette cage qui est en fait invisible parce que ressemblant plutôt à une toile d’araignée s'étend partout dans l'espace québécois. Le problème c'est aussi que cette « cage » se trouve aussi dans les médias. Elle se retrouve dans le réseau R.D.I, nous pouvons là reconnaître dans la force de l’habitude fait d’inertie à l’œuvre dans tous les grands médias télévisés comme SRC et TVA. Cette cage se met en scène à travers les mots de commentateurs, météorologues ou de journalistes qui n’hésitent plus de nouveau à désigner le Québec comme la « province » tout comme pareillement ils nous désignent de plus de plus en tant que « francophones » comme si nous n’étions plus que les membres d’une tribu perdue. Cette cage invisible c’est celle qui nous rends de nouveau soumis devant le refus de parler français de la part d’anglophones, d’immigrants indopakistanais ou chinois en capitulant devant leur unilinguisme anglais, toujours le résultat d’une habitude mortifère qui se donne l’allure d’une fausse obligation.
    Cette cage devenue invisible devant l’habitude d’un bilinguisme à Montréal qui n’a jamais cessé d’opérer pour nous faire savoir que notre espace politique est supposé restreint. Cette cage invisible qui n’en n’est pas moins réelle qu’on ne veut pas nous faire voir parce que de grands discoureurs normalisateurs tentent de nous faire croire que l’histoire est finie depuis l’échec du projet communiste et qu’il faut maintenant accepter l’ordre géopolitique issu à la fois de 1945 et « corrigé » en 1990.
    Les Québécois ne pourront subir longtemps les effets de ce sommeil inoculé par doses d’hypnotisme que Commandite Canada nous envoie à la figure à chaque générique de fin d’émissions locales. Ce caractère de gros Canada sur fond noir ou rouge prouve hors de tout doutes comme l’a affirmé R.M.Sauvé que les commandites se poursuivent au Québec mais curieusement personne n’en parle. Tout cela en bref procède d’un part d'inconscience mais qui ne peut jamais s'avérer complète à moins que de s'imaginer vivre dans le masochisme ce soit vivre!
    Malgré la tentation du déni de plusieurs. On ne peut se passer de la loi Marois sur la citoyenneté québécoise qui dans les conditions actuelles se doit d'être appliqué par la prise du pouvoir du PQ dans l'obligation non de maintenir mais d'accroître l'identité nationale québécoise en lutte à Montréal contre l'identité canadienne propulsé par le pouvoir politico économique de Toronto et d'Ottawa.
    Et des chefs il en faut et il en faudra pour ces nouvelles actions. Indépendamment des réserves que plusieurs souverainistes déçus peuvent ressentir à l'égard des Curzi, Lisée et Drainville du Parti Québécois. Qui sont les autres figures très connues pour l'instant qui avec où contre Pauline Marois parlent en faveur de l'indépendance? Il y a bien V.L.Beaulieu qui à travers des considérations stratégiques incertaines défend toujours l'idée d'un pays du Québec mais dans l'ensemble le Québec est sous somnifère, l'une des preuves se trouvant dans la tiédeur renforcée du journal Le Devoir envers la question du Québec. Contresens étant donné le caractère fédéraliste de tous les médias.

    Que se passe t'il au Québec si l'on considère que dans le domaine de la radio de langue française par exemple à Montréal nous bénéficions apparemment de chaînes spécialisées : précisément d'une chaîne catholique du nom de Radio Ville Marie, d'une chaîne alter mondialiste au nom de C.I.B.L comprenant certes une portion de programmation sympathique à la cause souverainiste mais en fait nous ne connaissons pas une radio indépendantiste exclusivement consacré à la politique et à la culture québécoise. Cette remarque sur notre radio montréalaise parlante sans trop se faire d'illusions sur d'autres chaînes qui elles « généralistes » comme celles de Radio Canada et de Chorus en dit peut être long à sa manière sur notre aliénation en ce début de 21ème siècle.

  • Archives de Vigile Répondre

    8 janvier 2008

    Je remercie Monsieur Boivin pour ses remarques intéressantes. Il touche des points précis auxquels j'ai déjà répondu dans un article à venir. Aujourd'hui - nous sommes en dialogue -, je préciserai que la cage politique n'est jamais fermée, car elle implique la possibilité de l'avenir. La cage, c'est un peu les limites que le peuple se donne à lui-même. Physiquement, elle peut ressembler à une réserve, bien que l'image soit imparfaite. Dans le cas de la cage québécoise, elle se construit lentement, un peu plus à tous les jours et elle serre bien, elle moule à la perfection. La raison est trop simple : de nombreux Québécois, s'en trop s'en rendre compte (ils vivent souvent dans la pensée magique, l'étourdissement volontaire et le fantasme de l'aérien), participent, par leurs propres mots, à sa construction.
    Monsieur Litvak, vous touchez encore des points importants, vous qui êtes poète et très sensible à la cause nationale. La manifestation de votre impatience, dans ce contexte, se comprend aisément. Cependant, je pense que la situation actuelle, du moins si j'accepte mes conclusions provisoires, n'est pas celle d'une "recolonisation tranquille", encore moins celle d'une "dénationalisation tranquille", mais bien plutôt celle d'une "nationalisation subtile". J'ai écrit un court texte à ce sujet. Concernant l'avenir de mes courts textes écrits pour Vigile, il se peut que je me range à votre suggestion et que je les rassemble afin d'en faire un petit ouvrage circonstantiel. Toutefois j'hésite, car on a déjà vu en moi un scribe sans envergure... Cela dit, je tiens à vous remercier pour le riche dialogue établi sur Vigile. Nous aurons à nouveau la chance d'échanger sur l'environnement, la rhétorique, les médias, la cage, le sursaut, et de nouveaux concepts développés pour mieux penser la situation actuelle du Québec complexe.
    Je dois saluer enfin la jeune grenouille pour son message créatif, dont le pseudonyme même (en face du vieil éléphant) évoque la maîtrise de la rhétorique et de l'art poétique. Je ne suis heureusement pas en mesure de répondre pour les autres auteurs et je me limiterai à ces encouragements.

  • David Poulin-Litvak Répondre

    8 janvier 2008

    La grenouille and the fucking flies
    Je bondirai vers les cimes du destin,
    Volant un instant,
    Vers la liberté,
    Je tirerai ma langue,
    Et me nourrirai des mouches,
    Pour parler de manière flyée,
    Et lorsque j’atterirai,
    Sur le sol fécond de l’indépendance,
    Je contemplerai, satisfait,
    L’étang où miroite,
    Tel un reflet mouvant,
    L’Éternité.
    Le sage et la cage
    Je verrai mourir, un vieil éléphant,
    Écrasant de son poids,
    La cage,
    Et je sourirai,
    Me disant qu’il est mort,
    De liberté,
    Je ferai Vigile,
    Sur son corps,
    Et ses os seront mon eau,
    Oui, je baptiserai mes enfants,
    Tétards d’éléphant,
    Et les gens riront,
    Disant que je suis fou,
    Et moi aussi je rirai,
    De ma folie sensée.

  • David Poulin-Litvak Répondre

    8 janvier 2008

    Bonjour M. Desroches,
    Je crois que vous avez bien compris, illustré, la réalité québécoise d’aujourd’hui. Personnellement, je le dis autrement, enfin, je ne sais pas si c’est juste, aux autres d’en juger : le Québec a le choix de l’autonomisme résigné ou l’indépendance.
    Il est vrai que c’est terrible, ce qui se passe au Québec, on pourrait parler de « recolonisation tranquille ». Mais il ne faut pas oublier que l’élan de la liberté, en quelque sorte, peut être celui du désespoir.
    Il est possible de tourner la joue, quelques fois, mais après un bout de temps, l’instinct, peut prendre le dessus. Les doigts de la main se crispent, et le poing de l’indépendance, peut tomber.
    Ilfaudra une certaine habileté pour canaliser cette frustration nationale. Vos textes ont l’avantage de faire prendre conscience, vous êtes un bien habile provocateur, M. Desroches, tournant ainsi le fer dans la plaie de la démission pour voir s’il y a encore de la vie !
    Je persiste à croire que vous devriez rassembler, lorsque vous sentez que le moment est bon, les meilleurs de vos textes sur la question nationale québécoise et en faire un ouvrage: La mort d’un peuple. Les éditions Le Québécois pourraient être intéressées.
    Bien cordialement,
    David

  • Gaston Boivin Répondre

    8 janvier 2008

    L'animal qui anticipe le saut se retrouve nécessairement dans un enclos, car nul ne peut sauter lorsqu'en levant le tête, il regarde le ciel à travers un grillage. Il lui reste également la possibilité de creuser le sol avec ses pattes pour se glisser sous le grillage qui l'entoure. Mais s'il est prisonnier d'une véritable cage, il ne peut s'enfuir que par la force ou par la ruse. On en conviendra: que l'animal soit humain ou non, l'action et son succès sont hasardeux. Généralement il est un moyen plus sûr d'assurer sa liberté, c'est, à la vue de la cage, de prendre la décison de ne jamais y pénétrer et tous les moyens pour fuir et conserver sa liberté. L'animal humain a cette chose en commun avec l'animal tout court: L'instinct de survie qui fait en sorte que lorsqu'il se sent coincé ou sur le point d'être piégé, il développe une peur qui multiplie ses forces de réaction face au danger: Un animal qui se sent coincé est un animal décidé à s'en sortir. Ce sursaut devant la cage est préférable à celui qu'il faudrait avoir une fois dans celle-ci et qui, selon votre texte, à défaut de mener à la résignation, devrait mener au saut vers la liberté. Car l'animal qui s'est laissé prendre en est un qui est déjà en perte de ses instincts de survie: Comment saura-t-il se libérer s'il n'a pas pu empêcher sa capture? Nous nous rapprochons actuellement de la cage! Le moment venu, notre troupeau saura-t-il réagir face au danger? A-t-il conservé les instincts qui l'ont si bien servis dans le passé? Il est vrai que les éclaireurs qui sont censés l'aviser du danger ne sont plus fiables, mais le sait-il? Sait-il que les messages qu'il nous transmet le sont pour nous endormir! A quoi sert le cri si ce langage ne sert plus à prévenir mais à rassurer le troupeau. Le péril est grand et sans lendemain : Nous sommes à la veille d'être à la merci du moment! Aurons-nous encore l'instinct de réagir malgré tous les signaux qui nous sont envoyés pour l'apaiser!? Il est encore temps de trouver les moyens de remplacer les éclaireurs par d'autres qui, ceux-là, verront à envoyer le bon message, à lancer le cri adéquat pour le prévenir du danger qui l'incitera à réagir. Bien-sûr, soyons sans ambiguité et disons-le clairement, de nos jours, les éclaireurs sont dans les médias.

  • Archives de Vigile Répondre

    7 janvier 2008

    Avertissement : j'entre assez rapidement mes textes sur le site de Vigile et, parce qu'il n'y a pas de révision linguistique et que je n'ai pas suivi de cours de dactylographie, il s'y trouve toujours des coquilles. Cela m'attriste évidemment.
    Il fallait par exemple lire dès le début du texte le mot "territorialisation" et non "territoralisation", de même que dans la partie consacrée à la période de sursaut, le mot "ethnologiques" (qui n'a pas de sens) doit perdre le malheureux "n" pour devenir "ethologiques", c'est-à-dire le savoir relatif aux comportements des animaux.
    Cela dit, je remercie les critiques. Je profite de cette réponse brève pour rappeller que Madame Caroline Moreno écrit elle-même d'excellents textes dans sa chronique. Pensons entre autres à son mémorable conte de Noël qui marquera Vigile. Au sujet des autres commentaires fort pertinents, ceux de Messieurs Bouchard, Laroche et du viel Éléphant, je me ferai un devoir d'y répondre le plus précisément possible dans un avenir rapproché. Merci encore pour ces répliques toujours justes qui constituent une grande source de motivation en ces temps difficiles.

  • Archives de Vigile Répondre

    6 janvier 2008

    Monsieur,
    merci de mettre des mots sur notre blessure. Merci de nous aider à mieux nous penser nous-mêmes. Votre analogie avec l'animal est prometteuse. Vous avez sans doute raison de parler de rêve. Il y a les grands rêves (l'année de l'Expo) et les cauchemards (les deux référendums), ce que nous devons réaliser. L'image du sursaut est intéressante. Vous êtes jeune, vous êtes professeur, développez-là.
    Nous avons connu un début de sursaut en 1960, mais depuis 1995, nous avons ralenti, accepté et voilà.
    Un vieil Éléphant qui se souvient

  • Archives de Vigile Répondre

    6 janvier 2008

    J’aime ce texte. Il aide à nommer les enfermements et quelques évolutions possibles de la société québécoise.
    J’aime de façon particulière la référence au langage
    " En suivant le mouvement du redressement, il a sauté pour gagner sa liberté et, par ce mouvement même, il a retrouvé le monde. Le redressement, c’est le travail que l’on prend avec son langage. On se redresse, pensons ici au travail poétique de Gaston Miron, lorsque l’on renomme correctement, et dans la limite de ses propres mots, les choses, et que l’on affronte la réalité. L’élan du saut visant à nous libérer se perd en général lorsque nous empruntons les mots des autres, des mots qui, inadaptés à notre situation, déforment notre réalité et nous rendent victimes de nous-mêmes. Quand on tient le discours des autres, quand on se voit emprunter la langue des autres, l’on se perd lentement, on perd son élan et l’on croule au fond de sa cage en tentant d’imiter ceux que l’on considère comme nos maîtres."
    Nous sommes ici, il me semble, au cœur du chemin intérieur à parcourir pour mieux nommer qui nous sommes de façon à s'en servir comme de point d’appui à la projection et à l'actualisation d'un futur souhaitable.
    Ce travail est individuel en même temps qu’il est collectif. Il est individuel dans la mesure ou il demande à chacun de nous l’effort d’une nouvelle synthèse de qui nous sommes issus d’un meilleur contact avec la totalité de nos ressources tout en dénouant les limite de nos conditionnements. Il est collectif dans la mesure ou ses leaders sauront formuler dans des concertations appropriées des scénarios d'un futur susceptibles de conscientiser, canaliser et de mobiliser des québécois et québécoises libres, volontaires et éclairés.

  • Jean Pierre Bouchard Répondre

    5 janvier 2008

    Brièvement, M.Desroches. Je suis d'accord avec la tragédie de la cage qui peut enfermer notre peuple. D'accord sur l'appel au langage qui permet de trouver son souffle toutefois c'est la transmission, la faculté de transmission qui permet de communiquer, de recommuniquer. Pas de langage sans communication. Il faut des mentors, des communicateurs capables de montrer qu'il y a des routes avec un horizon qui se dégage en dehors de toute cage. Vous êtes d'ailleurs l'un d'eux. L'un de ces rares intellectuels qui pareillement à un politicien peut être d'avenir comme B.Drainville sont convaincus que seul un pays réel du Québec peut procurer aux Québécois de véritables moyens d'épanouissement et un avenir en français.
    Mais comment dans cette civilisation de la fragmentation et de l'éclatement numérisée et satellite y arriver?
    Il faut des initiateurs à la liberté.

  • Archives de Vigile Répondre

    5 janvier 2008

    J'aime vos textes.
    Caroline Moreno