La comédie des hypocrites

Journal de Montréal, hockey, McGill et politique

Chronique de Louis Lapointe

McGill vs Patrice Cormier
Au cours des derniers jours, les journalistes ont eu toutes les difficultés du monde à rejoindre la ministre de l’Éducation, du Loisir et des Sports lorsqu’il s’agissait de commenter l’incroyable hausse de droits de scolarité que l’Université McGill venait d’annoncer pour son programme de MBA. Il en coûtera dorénavant 29,500$ à chaque étudiant pour suivre ce programme.
Alors que, la semaine dernière, la ministre Courchesne refusait de prendre le micro à ce sujet à l’émission matinale de René Homier-Roy, cette semaine, elle l’a empoigné à la première occasion venue afin d'aussitôt commenter la sanction de la Ligue de hockey junior majeur du Québec à l’égard de Patrice Cormier, ce joueur des Huskies de Rouyn-Noranda.
J’ai passé ma jeunesse dans les arénas de Rouyn-Noranda, où nous étions nombreux à aller assister aux matchs des Citadelles de Rouyn contre les As de Noranda. C'était avant la fusion, dans le temps de la rivalité entre les deux villes. J’allais à l'école avec des joueurs de hockey, un sport que je ne pouvais pas pratiquer parce que ma mère me l’avait formellement interdit. Elle voulait que je conserve toutes mes dents. À cette époque, il était de mise chez les joueurs de hockey de "casser la gueule" de celui qui avait eu le malheur de réussir à les garder.
Les frères Mercier, dont le cadet était dans ma classe, en avaient pris l’habitude depuis qu'ils s'étaient fait casser la mâchoire, le nez et les 8 incisives. Ils étaient devenus des copies conformes de Bobby Clark, le capitaine des Flyers de Philadephie, un des modèles de la génération des jeunes joueurs de hockey du début des années 1970. J’ai donc fait de la compétition de natation. Un sport que j’ai adoré et que je pratique toujours. J’ai encore toutes mes dents !
Étonnamment, déjà à cette époque, tout le monde s’entendait sur la façon d’éliminer la culture de la violence au hockey. Il fallait que le hockey relève des écoles et des collèges, comme c’était le cas pour tous les autres sports que pratiquaient les jeunes. Il fallait enlever le hockey de la tutelle des barons locaux qui étaient, dans bien des cas, loin d’être les meilleurs exemples pour la jeunesse.
Comme le disait Patrick Roy dans une récente entrevue qu’il donnait dans le numéro de janvier d’Espace, le magazine des membres de Desjardins, il faudrait enlever de la tête des jeunes que le hockey junior majeur est un tremplin pour la LNH.
« Je dis souvent à mes joueurs : si vous êtes ici uniquement pour atteindre la ligue nationale, vous n’êtes pas dans le bon aréna. Par contre, si vous avez la passion du hockey et l’envie de vivre un encadrement extraordinaire qui concilie études et hockey, vous ne pouvez évoluer dans un meilleur environnement. »
Pour pleinement atteindre cet objectif de conciliation hockey et études, il faudrait que ces clubs de hockey soit sous la gouverne des cégeps. La ministre le sait, les gouverneurs de la ligue le savent, les journalistes sportifs aussi. Même s’il y a consensus, la ministre n’a pas le courage de le faire. Pas plus qu’elle n’a le courage de remettre l’Université McGill à sa place au sujet des droits de scolarité exigés dans le cas de son MBA.
Notre jeunesse n’a pas seulement le mauvais exemple de la violence dans la ligue nationale. Elle reçoit aussi le message de la lâcheté de nos politiciens. Un message très clair dans le cas de la ministre Michelle Courchesne.
Le lock-out au Journal de Montréal
Ce qui m’amène à vous parler du lock-out au Journal de Montréal et de la retraite de Bertrand Raymond. On a fait tout un plat à Radio-Canada et à la Presse au sujet de ce journaliste qui a couvert le hockey pendant 40 ans avec le Journal de Montréal.
Quand j’étais jeune, nos professeurs nous enseignaient que, mis à part la chronique de René Lévesque, le Journal de Montréal était un journal jaune. C’est toujours le cas. Sports professionnels, meurtres, potins et sensation sont les gros titres qui font vendre ce journal. On n'est donc pas étonné qu'il se vende aussi bien, sinon mieux, sans journalistes. Si j'étais journaliste au Journal de Montréal, je me poserais de sérieuses questions au sujet de ma prose !
Dans cette perspective, on ne peut donc pas reprocher à Pierre-Karl Péladeau de vouloir changer la culture de son journal. Je ne suis même pas sûr que la convergence ne lui ferait pas plus de bien que de mal. C’est étonnant à dire, mais la culture de TVA étant plus évoluée que celle du Journal de Montréal, comment ne pas imaginer qu’elle puisse avoir une influence bénéfique sur ce dernier, comme ce serait le cas si le hockey junior majeur était sous la gouverne des cégeps!
Pierre Falardeau disait préférer 100 fois la convergence des pitounes de Québécor à la convergence des guidounes de la SRC et de la Presse. Si Pierre-Karl Péladeau pouvait transformer la convergence des pitounes en convergence des forces nationalistes contre les guidounes fédéralistes, ce serait encore mieux. Je suis sûr que Pierre Falardeau, ce cinéaste honni à la Presse et à la SRC, serait tout à fait d’accord. Think big Pierre-Karl, qu'il dirait, l’ennemi à abattre, c’est la convergence de la Presse et de Radio-Cadenas, pas celle de Québécor ! Ce n’est certainement pas en dispersant nos forces face à un ennemi uni qu’on va faire un pays.

Même si je suis fondamentalement d'accord avec le geste de solidarité manifesté par les artistes envers les journalistes du Journal de Montréal, qui, parmi ceux qui étaient à la soirée d'appui, lit vraiment les journalistes ce journal, Richard Desjardins? Louise Forestier?
Et que dire de nos politiciens qui ont l’art de se mettre en conflit éthique, comme ils l’ont fait cette fois-ci encore en appuyant les journalistes du Journal de Montréal. Il ne faut pas oublier que ces journalistes seront appelés à les critiquer un jour ou l’autre.
Si ces politiciens ont une responsabilité à assumer dans ce conflit, ils ont aussi un rôle à jouer, et c’est auprès de leurs assemblées législatives qu'ils doivent le faire, là où ils peuvent adopter des lois pour limiter la convergence des médias, dont plusieurs ont déjà été les complices muets par le passé. Si c’est bon pour les ententes secrètes de la Presse et de la SRC, pourquoi ça ne serait pas bon pour Québécor ? Leur appui n’était donc pas approprié dans les circonstances, de la même façon que Jean Charest n’aurait pas dû présider le souper de fête des 100 ans du Devoir.
Au-delà de ce conflit de travail, il est temps de faire quelque chose de mieux avec le Journal de Montréal. Que les journalistes les plus lus ne soient plus seulement des journalistes sportifs, mais également des journalistes politiques. Il est temps que ce journal change de culture. Pour cela, il faudra un grand ménage, comme dans le cas du hockey junior majeur. Ça serait peut-être une bonne raison pour rouvrir les négociations.
Il faudra un jour ou l’autre offrir autre chose aux Québécois. On le voit bien, plus le Journal de Montréal est mauvais, plus il est lu ! Ce n’est certainement pas une raison pour faire pire, comme dans le cas de la violence au hockey qui attire la foule dans les arénas du Québec.
Il serait peut-être temps que les journalistes et les cadres du Journal de Montréal s’entendent sur un projet de journal qui pourrait augmenter le niveau intellectuel du peuple. Je suis sûr que René Lévesque, Pierre Bourgault et Pierre Falardeau seraient tous d’accord...peut-être même ce bon vieux Pierre Péladeau!
Faites donc ça en leur mémoire, mesdames et messieurs les journalistes et cadres du Journal de Montréal. Asseyez-vous ensemble et inventez-nous un journal intelligent qu’on voudra lire, où on voudra écrire et où vous voudrez travailler. Une belle occasion d’améliorer la qualité de l’information diffusée dans les médias de Québécor! Un vrai journal pour tous les Québécois qui va contribuer à nous redonner notre fierté, celle qu’on piétine chaque jour dans la Presse et à la SRC.
Pour cela, il faudra non seulement de l'audace, mais également beaucoup de courage et de détermination. Contrairement à la ministre Courchesne et à son patron, Jean Charest, nous savons que Pierre-Karl Péladeau en a! Mais voilà, aura-t-il la vision et l’intelligence pour le faire? Si l'on se fie aux propos de ses principaux collaborateurs à son sujet, il aurait toutes les qualités nécessaires!

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Louis Lapointe534 articles

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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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2 commentaires

  • Élie Presseault Répondre

    28 janvier 2010

    L'éducation médiatique et démocratique est déficiente depuis plusieurs années. Le choix des journaux proposés n'est pas satisfaisant pour le commun du mortel québécois. Je ne parlerai pas à la place d'une majorité, mais puisqu'on a tendance à manufacturer un consensus pour reprendre un concept-clé de Noam Chomsky, je dirai seulement qu'effectivement PKP et/ou tout démocrate digne de ce nom gagneraient à se pencher sur la création d'un journal tout à le moins équilibré, instructif et présentant une couverture complète des enjeux. La remorque économique semble rester une panacée, mais comme la situation évolue au cours des récentes années, il ne faudra pas se surprendre de voir de plus en plus de journaux électroniques, bien que le papier soit encore d'usage souhaité.
    Pour le moment, c'est plate à dire, mais je ne lirai jamais quotidiennement JdM. Le Devoir est plus proche de mes aspirations, sauf qu'il y a certains dérapages démocratiques et un manque de sport... Du reste, la Presse demeure le monarque par défaut.

  • Archives de Vigile Répondre

    26 janvier 2010

    On a davantage besoin de vous. C'est le temps PFK.
    « L'audace réussit à ceux qui savent profiter des occasions. »
    Marcel Proust
    Extrait d' A la recherche du temps perdu