La chef du PQ n'aurait aucune crédibilité pour négocier avec Ottawa, estime Charest

Plan Marois

Robert Dutrisac - Québec -- Les forces fédéralistes ont pourfendu le plan présenté par Pauline Marois pour sortir le mouvement souverainiste de l'immobilisme. Son Plan pour un Québec souverain ne soulève toutefois guère d'opposition chez les péquistes qui semblent accepter que leur parti se prête au jeu du fédéralisme renouvelé en se lançant à la conquête de nouveaux pouvoirs pour le Québec.
Le premier ministre Jean Charest estime que la chef du Parti québécois, Pauline Marois, n'aurait aucune crédibilité pour négocier avec Ottawa le rapatriement de ces nouveaux pouvoirs. «Quelle crédibilité aura Pauline Marois d'aller négocier des ententes avec le gouvernement fédéral en leur affirmant, simultanément, qu'elle veut séparer le Québec du reste du Canada?» a-t-il demandé au cours d'un point de presse à Montréal. «Quelle crédibilité auraient les menaces de Mme Marois de dire au fédéral: "Donnez-nous plus d'argent sinon on se sépare"?»
Hier, le ministre fédéral des Travaux publics et lieutenant du premier ministre Stephen Harper au Québec, Christian Paradis, a indiqué que le gouvernement fédéral ne tombera pas «dans le piège» du PQ qui exigera «telle ou telle chose pour aller ultérieurement vers la souveraineté». Au lieu de l'affrontement qui est «de dire: "Ottawa, c'est le méchant, donne-nous ce qu'il nous faut", c'est plutôt s'entendre et voir comment on peut collaborer ensemble [sic].»
Depuis un peu plus d'un an, le gouvernement Charest réclame le pouvoir de gestion des fonds fédéraux versés à la culture et aux communications et souhaite négocier une entente administrative à ce sujet. Les négociations en ce sens n'ont guère progressé. D'ailleurs, le ministre Paradis a indiqué, dans une entrevue accordée hier à La Presse canadienne, que la négociation d'une telle entente ne faisait pas partie des «urgences capitales» alors que l'économie demeure la priorité du gouvernement conservateur.
Jean Charest s'en est pris à la possibilité, évoquée du bout des lèvres par Mme Marois dimanche, de tenir des référendums sectoriels afin d'appuyer les demandes du Québec. Ces «référendums à répétition», c'est «une menace qu'elle laisse planer sur l'économie du Québec», a-t-il accusé.
«Ils sont plutôt dans un scénario d'avoir la séparation à la pièce», a avancé le ministre du Revenu national, Jean-Pierre Blackburn. «C'est évident que leur orientation demeure la séparation du Québec. Alors, tout ce qui est possible pour essayer d'embarrasser le gouvernement fédéral, de susciter de nouvelles chicanes, c'est dans leur nouvelle orientation. Ça, c'est leur nouvelle recette.»
Pour la chef intérimaire de l'Action démocratique du Québec, Sylvie Roy, ce que Pauline Marois propose, «c'est la position autonomiste» défendue par son parti depuis sa fondation. Les péquistes «doivent parler des deux côtés de la bouche: à leurs militants qui veulent faire la souveraineté et aux Québécois qui ne veulent plus de souveraineté». Si Pauline Marois veut «faire de l'autonomie, elle peut prendre une carte de l'ADQ», a-t-elle raillé.
À Ottawa, le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, estime que «c'est la bonne stratégie» que ce plan Marois. «Actuellement, c'est l'immobilisme le plus complet et il importe, je pense, qu'un gouvernement du Parti québécois fasse avancer le plus le Québec, tout en sachant que notre option c'est la souveraineté.» Aux fédéralistes qui soutiennent qu'Ottawa ne négociera pas avec un gouvernement souverainiste, Gilles Duceppe oppose que plusieurs ententes Québec-Ottawa furent signées sous des gouvernements souverainistes. «Quand on regarde les trois gros gains depuis 40 ans, c'est quoi? C'est l'entente sur l'immigration Collin-Couture, sous Lévesque en 1977, c'est l'entente sur la main-d'oeuvre Bouchard, Harel et Chrétien en 1997 et ce sont les commissions scolaires en 1999 [...]. Donc les trois gains faits par des gouvernements du Parti québécois. Alors, c'est la preuve que ça n'empêche pas du tout de régler des choses s'il y a un rapport de force.»
Le président du Conseil de la souveraineté, Gérald Larose, est d'autant plus favorable au plan Marois qu'il y retrouve plusieurs éléments qu'il avait proposés il y a un peu plus d'un an, notamment l'adoption d'une constitution et d'une citoyenneté québécoise.
Au SPQ Libre (Syndicalistes et progressistes pour un Québec libre), on ne s'oppose pas à la stratégie énoncée par Mme Marois, une stratégie «aux vertus éducatives certaines», comme l'écrivent Pierre Dubuc et Marc Laviolette dans nos pages aujourd'hui (voir texte en page A 7). «À la condition qu'elle soit complétée par l'engagement à tenir un référendum sur l'indépendance du Québec. Un engagement que Mme Marois a pris», rappellent-ils.
Jean-François Lisée, qui conseille Pauline Marois à l'occasion, estime que les péquistes devraient accepter le Plan Marois parce que c'est un moyen de sortir de «l'immobilisme». Les demandes formulées par un gouvernement péquiste pourraient embarrasser un futur gouvernement dirigé par Michael Ignatieff qui rejette toute cession de pouvoirs au Québec. M. Ignatieff a eu le mérite d'être clair, selon M. Lisée. «Le magasin général est fermé, comme disait Jean Chrétien.»
Une bonne partie du Plan Marois se retrouve en toutes lettres dans le programme de l'ADQ, a reconnu Jean-François Lisée. «Lorsque l'ADQ a raison, on ne va pas dire qu'ils ont tort. Ce n'est pas parce que George Bush aime Céline Dion qu'il faut brûler ses disques.»
«Quoi qu'il arrive, notre objectif, c'est de faire la souveraineté. Et ce qui est sous-entendu, c'est qu'on espère que ça va générer une soif de souveraineté», a souligné le stratège.
L'ancien ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes Benoît Pelletier, maintenant professeur titulaire à l'Université d'Ottawa, juge que le plan présenté par Pauline Marois est «une démarche légitime» en ce qui touche à l'exercice des compétences du Québec. «La démarche de bien asseoir l'autonomie du Québec est la bienvenue», a-t-il livré au Devoir. «Globalement, elle se rapproche beaucoup de l'autonomisme de Mario Dumont» et aussi «de l'affirmation nationale de Pierre Marc Johnson».
Mais quand la chef péquiste dit vouloir «ouvrir des fronts» avec Ottawa pour réclamer de nouveaux pouvoirs, elle fait fausse route. «La population n'aime pas les conflits érigés en stratégie gouvernementale», juge Benoît Pelletier.
Chaque fois que le gouvernement Charest a dénoncé les interventions du fédéral, une certaine partie de la population manifestait de la lassitude devant ces querelles, a relaté l'ancien ministre. Pauline Marois «devra aussi composer avec cette lassitude», croit Benoît Pelletier.
Ce plan sera discuté lors de la conférence nationale des présidentes et des présidents (CNPP) du PQ samedi à Rivière-du-Loup.
Avec la collaboration d'Hélène Buzzetti et Éric Desrosiers
Avec La Presse canadienne


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