La chape bleue

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Une nation, un parti : vit-on le retour de l'Union nationale ?


Après la cuisante défaite subie par son parti le 1er octobre dernier, Jean-François Lisée s’était félicité d’avoir pu éviter le pire. Le dernier sondage de Mainstreet Research semble lui donner raison : le PQ n’avait pas encore atteint le fond du baril. C’est maintenant fait.


Avec seulement 9 % des intentions de vote, il serait vraisemblablement rayé de la carte. Selon les extrapolations du site Too Close to Call, les 10 circonscriptions qu’il avait réussi à sauver basculeraient du côté de la CAQ, sauf celles de Bonaventure et des Îles-de-la-Madeleine, qui passeraient dans le camp libéral.


Il est vrai que l’absence d’un chef permanent constitue un handicap pour le PQ et que le gouvernement Legault a monopolisé l’espace médiatique au cours des derniers mois. Le PLQ est cependant dans la même situation, ce qui n’a pas empêché une légère progression (1,3 %) depuis l’élection.


À peine quatre mois après l’élection, il n’y a rien d’étonnant à ce que la lune de miel de la CAQ se poursuive, mais il n’est pas normal que le PQ ait encore perdu près de la moitié de ses électeurs. Malgré sa déconfiture, le PLQ a conservé l’appui de sa base, essentiellement non francophone, tandis que le PQ a perdu la sienne.


Il est particulièrement troublant de le voir si loin derrière les trois autres partis chez les 18-34 ans, et même les 35-49 ans. Il prétend maintenant se faire la voix des « régions en colère », mais elles ne semblent plus se reconnaître en lui.


À l’issue du caucus présessionnel de la semaine dernière, les rescapés du 1er octobre tentaient de se convaincre que leur parti a encore un avenir, mais les chiffres de Mainstreet vont plutôt renforcer la conviction de ceux qui pensent qu’il a fait son temps et que l’indépendance a besoin d’un nouveau véhicule.


  

À première vue, Québec solidaire semble mieux résister, mais l’effondrement du vote péquiste au profit de la CAQ pourrait entraîner la perte des circonscriptions que QS avait réussi à arracher à l’extérieur de Montréal.


Si la nouvelle pasionaria solidaire et députée de Taschereau, Catherine Dorion, semble prête à tout pour s’incruster dans le paysage politique de Québec, la réélection de son collègue de Jean-Lesage, Sol Zanetti, paraît moins assurée, tout comme celles d’Émilise Lessard-Therrien dans Rouyn-Noranda-Témiscamingue et de Christine Labrie dans Sherbrooke.


Le sondage de Mainstreet donne l’impression qu’une lourde chape bleue a recouvert l’ensemble du Québec, à l’exception de l’île de Montréal où le PLQ est maintenant confiné. Avec 44,5 % du vote, la CAQ pourrait remporter jusqu’à 90 députés, du jamais vu depuis trente ans.


Le souvenir des belles années de l’Union nationale vient immédiatement à l’esprit, même s’il n’est pas question de replonger le Québec dans la noirceur, grande ou petite. Après un demi-siècle de débat sur l’indépendance, l’élection de la CAQ marque un retour à un nationalisme défensif qui s’apparente à celui de Maurice Duplessis.


Entendre M. Legault réclamer la déclaration de revenus unique gérée par Québec est simplement l’écho du « rendez-nous notre butin ». Le résultat sera sans doute le même, mais les Québécois ne semblent pas s’en formaliser.


 

Les choses changent plus vite qu’à cette époque, mais les astres semblent alignés pour que la CAQ puisse raisonnablement espérer un long séjour au pouvoir. À la condition que les règles du jeu ne changent pas. Du moins pas trop vite.


M. Legault n’a pas eu l’imprudence de Justin Trudeau, qui s’était engagé à ce que l’élection fédérale de 2015 soit la dernière à être tenue sous le mode de scrutin actuel. Il a simplement promis qu’un projet de loi visant à introduire un élément de proportionnelle dans le système serait présenté dans la première année de son mandat.


L’ancien président de l’Assemblée nationale, Jean-Pierre Charbonneau, élu dimanche dernier à la présidence du Mouvement Démocratie nouvelle, se veut optimiste, mais il en a vu d’autres. « On n’est pas naïfs, on sait très bien qu’il y a des résistances dans tous les partis, même au niveau de la CAQ. Ayant pris le pouvoir avec 37 % d’appui populaire, c’est évident que la prochaine fois, avec le même score, mais un mode de scrutin différent, la CAQ ne serait pas majoritaire », a-t-il déclaré à La Presse canadienne.


En réalité, les résultats pourraient être passablement différents selon les modalités qui seront retenues. Le scénario privilégié par le gouvernement aurait permis à la CAQ de remporter sensiblement le même nombre de sièges qu’avec le mode actuel. Quel que soit le scénario, une récolte de 90 sièges serait cependant impensable.


M. Legault ne voudra pas être accusé d’hypocrisie, de sorte qu’un projet de loi pourrait très bien être adopté malgré l’opposition des libéraux, mais on ne brûlera pas les étapes. Même si un projet de loi était présenté à l’Assemblée nationale dès le printemps, on laisse déjà entendre que le Directeur général des élections n’aura sans doute pas le temps de tout mettre en place pour la prochaine élection. Il faut bien respecter le rythme de la démocratie, n’est-ce pas ?









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