L’insupportable différence

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Le Québec doit renoncer à la péréquation et retrouver son pouvoir de taxation direct cédé à Ottawa durant la Seconde Guerre


Le premier ministre du Manitoba, Brian Pallister, n’a fait que dire tout haut ce qu’on pense au Canada anglais quand il s’est indigné du « marchandage politique à l’ancienne » de François Legault et de l’oreille que Justin Trudeau a prêtée à ses demandes.


Si besoin était, le dernier sondage Angus démontre une fois de plus qu’aux yeux des Canadiens d’un océan à l’autre, tout particulièrement dans l’ouest, le Québec est l’enfant gâté de la fédération.


Quand on leur demande de quelles autres provinces ils se sentent proches, le Québec arrive dernier partout, et de très loin. Au contraire, la très grande majorité nous jugent hostiles.


Il est tout aussi manifeste que les Québécois sous-estiment cette inimitié, soit qu’ils sont mal informés de ce qui se dit dans le reste du pays, soit que le Quebec bashing est une pratique si ancienne qu’ils n’y prêtent plus attention.


Le contraste avec la démonstration d’amour à laquelle nous avions eu droit à quelques jours du référendum de 1995 est frappant. C’est à croire qu’on nous en veut d’avoir voté non ! À moins que l’écrasement du PQ et le sentiment que la menace séparatiste est chose du passé aient fait disparaître les inhibitions ?




 

Il est certain que les remarques de M. Legault au sujet de « l’énergie sale » tirée des sables bitumineux et son opposition à la construction d’un pipeline qui en permettrait l’exportation, alors que la péréquation dont bénéficie le Québec atteint un niveau record, ont eu l’effet d’une gifle, mais cela a simplement ravivé une aversion qui est bien antérieure.


Même au Canada anglais, ceux qui prennent la peine de s’informer savent parfaitement que les griefs qu’on lui fait au sujet de la péréquation sont sans fondement. En juin dernier, un chroniqueur du Winnipeg Sun, Tom Brodbeck, avait tenté de remettre les pendules à l’heure, en expliquant à ses lecteurs que le Québec recevait bien moins par habitant que les autres provinces bénéficiaires, y compris le Manitoba.


« La vraie raison pour laquelle on vise le Québec est qu’il est plus tentant pour les gens de l’Ouest de s’en prendre à lui qu’à une province soeur comme le Manitoba. Quelle est la dernière fois que vous avez entendu un dirigeant politique en Alberta ou en Saskatchewan dénoncer le Manitoba pour sa dépendance envers les transferts fédéraux ? Outre la péréquation, le Manitoba dépend plus de ces transferts que le Québec », écrivait-il.


Rien n’y fait, le caractère parasitaire du Québec est un véritable dogme dans le reste du pays. Il est bien possible que sa part de la péréquation finisse par diminuer, mais pas nécessairement parce qu’il se sera enrichi, comme le souhaite M. Legault. Ottawa aura plutôt cédé aux pressions qui se multiplient pour revoir la formule de péréquation afin qu’elle devienne moins avantageuse pour le bougon de la fédération.




 

On peut débattre longuement de la nature de la péréquation. Selon le point de vue, il s’agit d’une mesure de répartition de la richesse qui fait la beauté de la fédération ou d’une allocation s’apparentant au « bien-être social », qui est versée au Québec en compensation des politiques économiques du gouvernement fédéral, historiquement favorables à l’industrie ontarienne, puis au pétrole de l’Ouest.


De toute manière, le dénigrement du Québec est bien antérieur à la création du programme de péréquation, en 1957, et à son inscription dans la Constitution, en 1982. Déjà, au XIXe siècle, le Canada anglais ne cachait pas son mépris pour la « priest-ridden province »,


C’était déjà sa différence qui posait problème. La “société distincte” n’était pas plus acceptable à l’époque qu’elle ne l’était quand on a tenté d’en officialiser la reconnaissance dans l’accord du lac Meech ; elle était simplement moins dérangeante.


La tournure environnementale un brin moralisatrice qu’a prise l’expression de cette différence l’a rendue franchement insupportable. Qui plus est, le Québec affiche présentement une santé économique et financière insolente, alors que l’industrie pétrolière est en pleine crise. Son nouveau premier ministre promène un air satisfait à Davos et le présente comme un nouvel eldorado aux investisseurs de la planète.


Tout cela n’est pas de nature à faciliter les projets autonomistes de M. Legault. Dans une élection qui pourrait être serrée, la quinzaine de circonscriptions que le Nouveau Parti démocratique a réussi à sauver au Québec en 2015 suscitent bien des convoitises, mais le Canada anglais n’est manifestement pas d’humeur à céder à ce qu’il estime être les caprices d’un enfant gâté, pour lequel il n’éprouve aucune affection.


Justin Trudeau n’a encore pris aucun engagement, Andrew Scheer promet de s’asseoir avec M. Legault pour discuter plus concrètement d’immigration… après l’élection fédérale et le NPD a déjà reculé sur la déclaration de revenus unique gérée par le Québec. Il y a de quoi être sceptique.











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