Est-ce à dire que Philippe Couillard vient de perdre son « extrême droite » ? Ou alors vient-il de s’en libérer ?
Ces questions me sont spontanément venues à l’esprit lorsque j’ai appris que le ministre libéral Martin Coiteux avait décidé de ne pas solliciter un autre mandat en octobre.
Le premier ministre a atteint une sorte de point Godwin cette semaine (grosso modo, la propension à « hitlériser » tout adversaire idéologique) en qualifiant la CAQ d’« extrême droite »... prétendument parce qu’elle a recruté Youri Chassin, un économiste de l’Institut économique de Montréal qui plaide depuis des années pour une réduction radicale de la taille de l’État.
L’État tentaculaire
Or, il n’y a pas beaucoup de différences idéologiques entre le Coiteux d’avant la politique et le Chassin d’avant l’annonce de sa candidature.
Martin Coiteux avait prononcé en 2012 une conférence remarquée devant le Réseau liberté-Québec, un groupe de réflexion brassant des idées de droite.
En 2016, en pleine commission parlementaire, il se l’est d’ailleurs fait rappeler par une militante opposée à la création d’un registre des armes à feu du Québec : « Monsieur Coiteux, j’ai déjà assisté à une conférence que vous avez donnée dans le cadre du Réseau Liberté-Québec, vous parliez de l’État tentaculaire et de la responsabilité individuelle ! »
Malgré les chroniques très à droite économiquement de M. Coiteux dans les radios, dans les journaux, dans son blogue (depuis, totalement effacé), Philippe Couillard était ravi de le recruter.
À cette époque, il faut croire, l’« extrême droite » ne faisait pas peur au chef libéral...
Coiteux, un caquiste ?
Du reste, ce n’est pas au PLQ que plusieurs voyaient Martin Coiteux. Un de ses collègues aux HEC, Germain Belzile, avait confié en 2015 à L’Actualité qu’il aurait été plus naturel de voir Coiteux porter les couleurs du Parti conservateur d’Adrien Pouliot, et encore plus de la Coalition avenir Québec.
Pour ce qui est de la CAQ, cela concorde avec le commentaire qu’a fait Éric Caire, hier : « Avec les idées dont il faisait la promotion avant d’entrer en politique, je pense que [la CAQ] aurait été une famille naturelle pour lui ».
La CAQ, d’extrême droite ? Ce n’est pas du tout ce que croyait Martin Coiteux, en août 2012, deux ans avant qu’il n’entre en politique : « La CAQ n’a certainement pas un programme de gauche, mais il ne s’agit pas non plus d’un programme de droite, du moins pas dans le sens classique du terme », avait-il déclaré en entrevue avec la Presse canadienne.
Gageons que les caquistes auront envie de rappeler cette citation aux libéraux et au premier ministre, et voudront savoir si M. Coiteux fait toujours la même analyse !
En octobre 2012, dans La Presse, M. Coiteux recommandait au PLQ, qui allait se donner un nouveau chef, de résister à la tentation d’occuper le « centre » de l’échiquier politique, car celui-ci « se définit généralement par le désir de maintenir sans trop de changements le “modèle québécois” ».
Il fallait plutôt chasser sur les terres de la CAQ. Et lui laisser totalement, à elle et au PQ, tout le nationalisme identitaire. Il fallait leur opposer, écrivait Coiteux, une « défense décomplexée du vivre-ensemble et du fédéralisme ».
C’est précisément ce qu’a fait le gouvernement libéral de Philippe Couillard, dont un des ministres phares fut Martin Coiteux.
À voir aujourd’hui le chef libéral dépeindre la CAQ comme le parti de Belzébuth, on se demande : a) s’il veut faire oublier l’homme de l’« austérité », afin de mieux se distinguer de ses anciennes sources d’inspiration... ou alors b) s’il a perdu un de ses principaux repères.
LE CARNET DE LA SEMAINE
« George Orwell », Mme Charlebois
Une fabuleuse perle de Lucie Charlebois m’a été soumise cette semaine par ma collègue enquêteuse et blogueuse (experte ès cannabis), Annabelle Blais. Le 27 mars, en commission parlementaire, la ministre déléguée à la Santé publique voulait dénoncer la propension de la CAQ à vouloir interdire partout, même à l’intérieur des appartements en copropriété, la consommation de cannabis. Soutenant qu’une telle interdiction allait sans doute contre les chartes des droits et avait quelque chose de totalitaire, elle lança : « Je me sens dans Orson Welles! » Elle voulait sans doute parler de « George Orwell », l’auteur du célèbre roman dystopique 1984.
L’OIF comme Orwell
Parlant d’Orwell : dans 1984, le ministère de la Paix ne veut que la guerre et celui de la Vérité orchestre les mensonges d’État, la propagande. Lorsqu’on regarde la réplique que l’Organisation internationale de la Francophonie, dirigée par Michaëlle Jean, a faite à un de nos articles en mars (réplique publiée dans Le Soleil et signée par Adama Ouane, le no2 de l’OIF), on y détecte quelque chose d’orwellien ! D’abord le titre : « La vérité des faits. » On nous reprochait d’avoir surévalué une croisière pour 300 jeunes sur l’Hermione (réplique du trois mâts de La Fayette) à 1 million de $. L’OIF protestait : c’était 280 000 euros, soit quelque 445 000 $ canadiens ! Mais cette semaine en commission parlementaire, la ministre Christine St-Pierre a confirmé le chiffre du Bureau d’enquête. La vérité ? Ça mériterait des excuses.
Bravo Marie Montpetit
Nous sommes en pleine semaine internationale des musées, qui a lieu du 23 au 29 avril. Or, selon des sources très bien informées, la ministre de la Culture Marie Montpetit est très agacée par l’utilisation, même par la Société des musées du Québec, du mot-clic #MuseumWeek. Elle a raison, et il faut la soutenir. Il semble désormais impossible d’organiser une semaine thématique au Québec sans qu’elle ait un mot anglais : « Poutine week », « Cheese Week », « Mac'N Cheese Week », etc. À cette tendance gratinée, il faut dire « assez », un peu comme la même ministre libérale, lorsqu’elle a osé qualifier le « Bonjour-Hi » d’irritant.
LA CITATION DE LA SEMAINE
« J’ai peut-être poussé le bouchon un peu trop loin. » – Robert Lafrenière, patron de l’UPAC, revenant sur sa « promesse » de ne procéder à aucune arrestation ou perquisition pendant la campagne électorale.