En septembre 2012, Philippe Couillard avait été le premier surpris de voir Pauline Marois réduite à former un gouvernement minoritaire. Convaincu que le PQ aurait droit à deux mandats, comme c’est généralement le cas, il avait renoncé à sa propre ambition de devenir premier ministre, qu’il nourrissait depuis son entrée en politique. Comme on le sait, il a changé d’idée.
L’avenir ne semble pas plus rose pour ceux qui seraient tentés de se lancer dans la course à la succession de M. Couillard. La lune de miel que vit le gouvernement Legault ne durera pas éternellement et l’avenir peut réserver bien des surprises, mais le premier ministre surprend agréablement et on peut raisonnablement penser qu’il sera réélu en 2022.
À l’exception de Jean Charest, aucun chef libéral depuis Georges-Émile Lapalme (1950-1958) n’a survécu à une défaite électorale. Robert Bourassa a dû s’astreindre à un purgatoire de sept ans avant d’effectuer un retour. Le prochain chef pourrait donc n’assurer qu’un long intérim.
À 37 ans, un homme comme André Fortin, que certains voyaient déjà couronné, a les moyens d’attendre des jours meilleurs en profitant des plaisirs de la vie familiale. Il se fera réélire sans problème aussi longtemps qu’il le faudra dans son château fort de Pontiac.
Une nouvelle venue comme la députée de Saint-Laurent, Marwah Risqy, dont les chances sont pratiquement nulles, a au contraire tout à gagner à entrer dans la course, ne serait-ce que pour se faire connaître.
Pour Pierre Moreau, c’est maintenant ou jamais. Tant qu’André Fortin était sur les rangs, sans parler de Sébastien Proulx, on pouvait comprendre l’ancien président du Conseil du trésor de ne pas avoir très envie de rejouer dans le film de 2013 et de devoir se contenter encore une fois d’une honorable et néanmoins deuxième place.
Comme la nature, la politique a horreur du vide, et M. Moreau est tout désigné pour combler celui qui règne au PLQ. Les délégués au conseil général de la fin de semaine feront certainement en sorte qu’il se sente désiré, et il ne demande manifestement qu’à l’être.
L’ancienne vice-première ministre, Dominique Anglade, de même que Mme Risqy sont trop identifiées au multiculturalisme montréalais pour permettre au PLQ de se reconnecter avec la majorité francophone.
Plusieurs croyaient que Gaétan Barrette ne tolérerait pas longtemps de se morfondre dans l’opposition, mais il y semble très heureux et fait du bon travail. Il est cependant impensable qu’il puisse se substituer à M. Moreau si ce dernier déclare finalement forfait. Il n’arrivera jamais à faire oublier le ministre tyrannique et déplaisant qu’il a été.
Après la défaite historique du 1er octobre dernier, il est clair que la priorité du prochain chef sera de reconstruire. La Presse faisait état la semaine dernière du bilan dévastateur de la dernière campagne fait par les dirigeants du PLQ : déficiences sur les plans des communications et de la structure organisationnelle, démobilisation des militants et du personnel, etc.
Des candidats qui en étaient à leur première expérience et qui s’étaient fiés à la réputation de la « machine » libérale ont eu la désagréable impression de se retrouver seuls dans l’arène. Ils ont également été déconcertés par l’apparente indifférence du premier ministre Couillard.
Dans ses propres explications de la défaite, la nouvelle directrice générale du PLQ, Véronyque Tremblay, s’est rabattue sur le classique « désir de changement » des électeurs, qui était sans doute bien réel, mais qui était puissamment renforcé par l’atrophie de la pensée libérale.
Quand il est devenu chef du PLQ, Jean Charest a eu la modestie de reconnaître que lui-même n’était pas en mesure de lui donner une direction intellectuelle. Il a donc demandé à Claude Ryan de s’en charger. Son opuscule sur les « valeurs libérales » (2002) constituait un excellent rappel des principes qui avaient fait la grandeur du PLQ, mais il l’a bien peu inspiré au cours des quinze dernières années.
La « vision plus élevée de la politique » dont parlait M. Ryan a fait place à une véritable dérive éthique sous le règne de Jean Charest, tandis que l’austérité des années Couillard a été perçue comme la négation de la « justice sociale » à laquelle il avait également consacré un chapitre.
Dans sa sacralisation des droits individuels, le PLQ a complètement abandonné ce que M. Ryan appelait « l’identification au Québec », qu’il définissait d’abord comme « l’identification à sa majorité francophone ».
En refusant de se rallier à la recommandation du rapport Bouchard-Taylor sur le port des signes religieux, malgré les objurgations des députés plus nationalistes, le caucus libéral a donné l’impression d’être prisonnier des électeurs non francophones qui ont fait élire la majorité de ses membres.
Plusieurs souhaiteraient que le conseil général se charge de le libérer. Encore faudrait-il que les délégués en aient la volonté. Pour le moment, le PLQ ressemble plutôt à un troupeau qui erre sans trop savoir où il va, ni même qui il est.