BUDGET LEITÃO

L’équilibre aux dépens de la santé et de l’éducation

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Un coup de frein sauvage à l’économie du Québec

Après six années de déficits, le gouvernement Couillard remplira son engagement de renouer avec l’équilibre budgétaire l’an prochain. Mais c’est au prix d’un régime draconien imposé aux secteurs de la santé et de l’éducation, du jamais vu.

«Nous avons accepté les remises en question afin d’éliminer le déficit et de rétablir la solidité financière», a déclaré, jeudi, le ministre des Finances, Carlos Leitão, en livrant le discours de son deuxième budget à l’Assemblée nationale. «Les leviers que nous mettons en place permettront de bâtir l’avenir plutôt que de le subir. Ce budget marque ainsi une étape majeure vers un Québec plus prospère, plus fort, plus confiant et plus juste.»

Les revenus consolidés de l’État s’élèveront à 100,2 milliards en 2015, une croissance de 4,3 %, Mais l’augmentation des dépenses, qui atteindront 98,57 milliards, sera limitée à 1,5 %, et même à 1,2 % pour les dépenses de programmes. Ce cadre austère porte la marque du président du Conseil du trésor, Martin Coiteux, qui dévoilait son budget de dépenses au même moment. Il s’est adressé à la jeunesse qui n’aura plus à payer d’autres déficits creusés par les générations précédentes. «L’effort de retour à l’équilibre budgétaire vous place au coeur des priorités de l’État. Les gestes que pose le gouvernement sont tout particulièrement destinés à votre génération», a-t-il affirmé en conférence de presse lors du huis clos.

Ainsi, le nouveau ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, François Blais, devra composer avec une hausse famélique de 0,6 %, tandis que son collègue de la Santé et des Services sociaux, Gaétan Barrette, dont la réforme administrative du projet de loi 10 ne doit générer des économies qu’en 2016-2017, devra se contenter d’une croissance de dépenses de 1,4 %, ou 461 millions, dont plus de la moitié passera aux médecins en augmentation étalée de leur rémunération. Et c’est sans compter que le ministre veut les forcer à soigner davantage de patients, et de là, à faire davantage d’actes médicaux rémunérés. Ces deux postes budgétaires, la santé et l’éducation, représentent les trois quarts des dépenses de programmes de l’État.

On peut constater toute la détermination du gouvernement Couillard à atteindre le déficit zéro dans le fait que le budget Leitão de l’an dernier, déjà austère, prévoyait pour 2015-2016 une hausse de dépenses de 2,7 % en santé et de 1,9 % en éducation.

Martin Coiteux a confirmé la fusion d’organismes et les coupes dans le réseau des délégations et bureaux du Québec à l’étranger. Il a aussi annoncé la baisse de 1,8 % des effectifs de la fonction publique mais la fin de la politique de ne remplacer qu’un employé sur deux qui part à la retraite.

Carlos Leitão a présenté ce qu’il a appelé non sans emphase le Plan économique du Québec, composé de différentes mesures tant pour les particuliers que pour les entreprises. Plus d’une vingtaine de mesures de ce plan économique sont directement inspirées des 71 recommandations de la commission Godbout sur la fiscalité, a mentionné le ministre des Finances. Mais les éléments phares de la réforme fiscale proposée par la commission - hausse de la taxe de vente et baisse de l’impôt des particuliers - sont écartés.

Comme l’État ne nage pas dans le trèfle, nombre de ces mesures s’appliquent graduellement sur trois ans ou encore sur cinq ans. Alors qu’elles totalisent 1,28 milliard à terme, le ministre n’y consacrera que 10 % de leur valeur en 2015-2016, ou un maigre 121 millions. Plusieurs de ces mesures ne prendront effet qu’en 2017, une façon novatrice d’écrire un budget pour l’année qui vient.

Le gouvernement libéral ne parviendra pas à remplir sa promesse d’abolir, dans le présent mandat, la taxe santé, qui représente un apport de 750 millions par an. Ce n’est qu’en 2017 qu’une première tranche des contribuables en sera exemptée; l’abolition complète ne se concrétisera qu’en 2019-2020.

Le gouvernement mettra en place un «bouclier fiscal», une recommandation du rapport Godbout, afin de contrer en partie la perte d’aide financière de l’État lorsque les revenus d’une famille augmentent pour franchir un certain seuil. Encore là, il s’agit d’une mesure prospective qui n’entrera en vigueur qu’en 2017.

Le gouvernement Couillard souhaite que davantage de travailleurs âgés demeurent sur le marché du travail. Le crédit d’impôt pour les travailleurs «d’expérience» sera bonifié et l’âge d’admissibilité passera de 65 à 63 ans. En revanche, pour financer la majeure partie de cette mesure, l’âge pour obtenir le crédit d’impôt pour personnes âgées sera graduellement porté de 65 à 70 ans d’ici 2020.

En ce qui a trait à la fiscalité des entreprises, Carlos Leitão renverse certaines décisions qu’ils avaient prises dans son budget de l’an dernier. Ainsi, il restaure le crédit d’impôt destiné à l’industrie du multimédia, au développement des affaires électroniques et à la production culturelle. Dans la foulée du rapport Godbout, le budget réduit graduellement le taux général d’imposition des sociétés de 11,9 % à 11,5 %. Les PME du secteur primaire voient leur taux abaisser de 8 % à 4 %. En outre, le budget diminue la taxe sur la masse salariale pour les PME. À terme dans cinq ans, il s’agit d’un allégement de 500 millions.

Le porte-parole de l’opposition officielle en matière de finances, Nicolas Marceau, a dénoncé «l’austérité libérale». «On est loin de l’équilibre quand pour arriver à un solde budgétaire de zéro, on freine l’économie du Québec et on coupe "drastiquement" dans les services à la population», a-t-il déclaré. Mais il n’a pas voulu aller au bout de son raisonnement en réclamant le report de l’atteinte du déficit zéro, comme le propose son confrère Bernard Drainville.

Le chef de la Coalition avenir Québec, François Legault, appuie le gouvernement dans sa volonté de renouer avec l’équilibre budgétaire dès 2015-2016. Mais il qualifie de peu ambitieux son objectif de croissance économique. Quant au Plan économique, «c’est une goutte dans l’océan», estime-t-il. Du côté de Québec solidaire, Françoise David juge que le gouvernement Couillard, avec ce budget de coupes, «travaille contre l’égalité».


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