L'effet positif du privé

Elle est bien bonne: le privé est utile dans la mesure où, mal à éviter, il stimule le public à être plus performant...


Pour réduire les listes d'attente en chirurgie, l'hôpital Sainte-Justine a jonglé avec l'idée de faire certaines opérations dans une clinique privée, un peu comme l'a fait l'hôpital du Sacré-Coeur.

Mais l'hôpital pour enfants a abandonné ce projet après s'être entendu avec ses employés pour lancer un vaste projet pilote de réorganisation du travail, dont le but est d'améliorer le fonctionnement en chirurgie et en soins intensifs et donc de réduire l'engorgement.
Il faut applaudir cette entente. L'essentiel, dans tous nos débats sur la santé, c'est le bien-être des patients. Et si les artisans de Sainte-Justine réussissent à améliorer le sort des enfants qui attendent une chirurgie, c'est une victoire collective, peu importe la façon dont on y parvient.
Cela appelle cependant une question. Si les travailleurs syndiqués de l'hôpital ne s'étaient pas sentis menacés par l'entente que celui-ci songeait à signer avec le MédiClub du Sanctuaire, se seraient-ils lancés dans cette grande réorganisation? La réponse, on la connaît, c'est non. C'est spécifiquement pour contrer le privé qu'ils ont accepté le principe de ce chambardement. Sinon, ils n'auraient fort probablement pas bougé.
Cela illustre donc très bien en quoi la présence d'un secteur privé en santé peut être utile. Sans pression du privé, rien ne se serait passé. Le réseau québécois de santé, essentiellement public, souffre des défauts de tout gros monopole étatique, avec ses silos, ses rigidités, sa lourdeur, son corporatisme.
On le voit bien dans ce dossier, la présence du privé exerce un élément de concurrence vital pour mettre de l'oxygène dans le système, le forcer à bouger, pour offrir des choix et proposer des alternatives. C'est très sain dans un réseau comme le nôtre.
Cela ne mène pas à militer pour la privatisation de la santé. Le système québécois est très largement public. On dit souvent que 30% des dépenses de santé sont privées, ce qui est beaucoup. Mais ce chiffre s'explique par le caractère incomplet de notre système qui ne couvre pas ou couvre mal de nombreux soins (dentistes, lunettes, physiothérapeutes). Les soins médicaux et hospitaliers, eux, sont très largement publics.
Et c'est une bonne chose. Les régimes universels, encadrés par l'État, ont démontré leur supériorité, tant en termes de qualités, de coûts que de justice. Il n'y a pas grand monde qui conteste cela. Et pour cette raison, l'objectif premier doit être l'amélioration de ce régime public. Dans une société comme la nôtre, la place que peut prendre le secteur privé est donc assez limitée; c'est essentiellement un rôle d'appoint, pour compléter le secteur public, et le dynamiser.
Mais le fait qu'un régime soit public ne signifie pas que tout doit être fait par le gouvernement. Cette histoire le montre bien. Le fait qu'un hôpital effectue certaines opérations à l'extérieur, dans une clinique privée dont il loue les locaux et le personnel de soutien, ne constitue pas de la médecine privée. L'hôpital est public, le chirurgien oeuvre dans le public, le patient est pris en charge par le système public. C'est donc un cas de médecine publique, gratuite et universelle. Ce qui est privé, ce sont les locaux. Est-ce que cela mérite vraiment un grand débat?
Ce qui est privé, ce sont aussi les infirmières et le personnel de soutien, employés de la clinique plutôt que de l'hôpital. Et donc pas membres d'une unité d'accréditation du secteur public. C'est évident que c'est cela qui a provoqué la bataille. Des syndicats qui défendent leur territoire. Et qui ont accepté de changer quand ils se sont sentis menacés. Cette réorganisation à Sainte-Justine pour réduire les listes d'attente aurait pu se faire bien avant, et aurait pu améliorer le sort des malades. Mais non, il a fallu attendre que les employés réagissent pour protéger leurs privilèges.
Ce n'est pas du tout un hasard si la grande mobilisation pour défendre le régime public tel qu'il est provient essentiellement du monde syndical et de ses alliés. La grande marche de samedi dernier, en faveur du système de santé public, célébrait en même temps le 1er mai, la fête des travailleurs, et était dominée par nos leaders syndicaux. C'est une bataille corporatiste déguisée en débat de société.
C'est sans doute ce qui explique son caractère remarquablement primaire. «Ne m'enlevez pas ma carte-soleil», pouvait-on lire sur des pancartes. «Les Québécoises et les Québécois se souviennent des histoires d'horreur que trop de familles ont connues avant l'assurance maladie», affirme de son côté la Fédération interprofessionnelle de la santé. On n'est pas là pour parler de santé. On est là pour faire peur au monde. Car qui, au juste, veut enlever les cartes-soleil?


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