L'arrivée du messie

Chronique de Patrice Boileau


L’imminence de la fête de Noël n’aura pu offrir plus beau cadeau aux membres de l’aile parlementaire du Parti libéral du Canada. Impossible, face au hasard qui fait concorder à ce moment précis de l’année la venue d’un nouveau chef à la tête du PLC, de ne pas affubler en effet le successeur de Stéphane Dion du titre de Sauveur!
Michael Ignatieff n’a cependant rien d’un rédempteur. Ce n’est pas lui qui voudra sauver sa terre promise de la crise politique qui l’afflige présentement. L’aristocrate n’en a que pour lui. Seule sa superbe est sa priorité. Rien qui se rapproche donc de quelqu’un qui se veut rassembleur.
Voilà pourquoi la coalition que son prédécesseur avait imaginée avec les autres partis d’opposition ne survivra pas en janvier prochain. L’Élu des libéraux préfèrera, dans le pire des scénarios, affronter les conservateurs de Stephen Harper en élection, plutôt que de s’acoquiner à des hérétiques du Québec. Persuadé de pouvoir convaincre qu’il peut montrer le droit chemin au peuple qu’il espère guider vers sa destinée, Michael Ignatieff croit qu’il pourra ressusciter son parti mal en point depuis le dernier scrutin.
L’homme aura fort à faire cependant. Les derniers sondages affirment que le Parti conservateur, suite au coup de force de Stephen Harper, obtient l’appui d’environ 44% de l’électorat. Un sommet qu’il n’a jamais atteint avant et durant le dernier scrutin fédéral. La campagne de dénigrement auquel le premier ministre du Canada s’est abaissé dernièrement a donc porté fruits. Le PCC peut espérer former un gouvernement majoritaire sans le Québec. Assurément le Rédempteur libéral répétera aux Québécois de pardonner, parce que les Canadians ne savent ce qu’ils font !
Lassant n’est-ce pas, toute cette joute politique qui se déroule dans l’étable à Ottawa! Et pourtant, il faut malheureusement y porter attention, puisque bon nombre de Québécois n’ont pas encore compris qu’il serait nettement plus sage de ne pas éparpiller les énergies à deux endroits.
L’avènement de Michael Ignatieff aux commandes des troupes libérales doit tristement faire l’objet d’une grande attention par les souverainistes québécois. Il ne faut pas s’attendre à des miracles avec cet homme. Ainsi, le statut de nation attribué au peuple québécois par les conservateurs demeurera une coquille vide même si les libéraux accèdent au pouvoir. Si Ignatieff a subi un purgatoire de plusieurs mois avant de devenir chef de son parti, c’est qu’il était devenu suspect, aux yeux des militants ontariens, en appuyant la motion de Stephen Harper. En conséquence, toutes tentatives d’accommoder « les lépreux » du Québec briseront son rêve de gouverner son royaume… Son commentaire sera d’ailleurs minutieusement analysé au Canada, lorsque la Cour suprême tranchera, au sujet de l’appel déposé par le gouvernement du Québec, suite à la victoire d’un groupe d’allophones du Québec qui souhaitaient voir la loi 104 invalidée. Cet autre appendice juridique ajouté à la Charte de la langue française, limitait tant bien que mal l’accès au réseau scolaire anglophone du Québec, depuis 2002.
Le Canada ne fera pas de cadeau au Québec, même à l’approche de Noël. Le gouvernement conservateur qui le dirige a décidé de lui tourner le dos définitivement. Les libéraux qui espèrent les déloger du pouvoir aux Communes, fondent beaucoup d’espoir sur leur nouveau Sauveur pour passer un sapin aux Québécois. Parce qu’il est impossible en effet d’atteindre cet objectif sans faire élire plusieurs députés au Québec. Le Bloc québécois doit donc pour cela être neutralisé. On se demande comment Michael Ignatieff pourra accomplir ce miracle car la formation souverainiste à Ottawa fut la grande gagnante de la bourde commise par Stephen Harper. Il sera difficile effectivement de démontrer aux Québécois qu’ils peuvent obtenir davantage que tous les gains énumérés par Gilles Duceppe, en décidant d’être de retour à la table d’un conseil des ministres fédéral.
Finalement, à quelques jours de Noël, c’est le chef bloquiste qui a joué le rôle du Messie. À moins qu’il n’ait incarné celui du gros bonhomme vêtu de rouge avec une longue barbe blanche! Car tous les bénéfices qu’il acquérait, en échange de son appui pour la coalition, ressemblaient véritablement à des présents qu’il sortait un à un de sa grosse poche, pour les Québécois. C’est le mouvement souverainiste que Gilles Duceppe a ressuscité, en le tournant à l’avantage de la nation québécoise, face à la haine canadian qu’a attisée Stephen Harper. Il importe au chef bloquiste de continuer de propager la Bonne Nouvelle, celle d’avoir la foi en nous-mêmes pour mieux se défendre contre ceux qui veulent nous isoler.
En cette période du temps des fêtes qui se veut un moment de sérénité, une pause de paix passée si possible avec ceux que l’on aime, je souhaite aux Québécois une solidarité retrouvée, suite à ce qui s’est passé à Ottawa dernièrement. Une fraternité renouvelée qui sera indispensable, face aux mois de turbulences économiques qui s’annoncent. Le goût de préparer l’offensive, plutôt que de chercher un abri, en attendant le prochain scrutin.
Joyeuses Fêtes
Patrice Boileau





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1 commentaire

  • Jean-François-le-Québécois Répondre

    22 décembre 2008

    Disons que, depuis un certains temps déjà, plus j'en apprends au sujet de Michael Ignatieff, plus je me dis qu'il sera un adversaire du peuple québécois et de ses revendications les plus légitimes.
    Je suis sûr qu'il regrette avoir reconnu la nation québécoise (enfin, telle que définie par Harper), même si c'était un tour de passe-passe politique... Hraper, en effet, était à l'époque un politicien qui voulait être perçu comme un "bon gars" , vu comme un allié, par la masse québécoise... Mais son masque est tombé!
    Écoutez, peut-être bien que ce bon monsieur Ignatieff succédera à Stephen Harper comme premier ministre du "plusse meilleur pays du monde", et que là, nous aurons l'impression que Pierre Elliot Trudeau s'est carrément réincarné dans la peau de ce nouveau chef du parti libéral! Je le pense!
    Et je crois que c'est une excellente chose: si monsieur Ignatieff réussit à nous démontrer son incompréhension totale du Québec, puis en vient à se montrer injuste, arrogant et tout le reste... il deviendra vite détesté, et cela pourrait bien fouetter les nationalistes mous, parmi nous, qui ne rêvent plus d'indépendance. En fait, au lieu d'en rêver, comme ils l'auront peut-être déjà fait, ils en veront alors la véritable nécessité!
    Les indépendantites qui se disent fatigués, eux, ressentiront un regain d'énergie, voyant bien que le combat n'est pas fini, et en vaut la peine comme jamais!
    Nous avons la vérité de notre côté! Et nous vaincrons!