L'affaire Woerth - Lamentable !

Élection présidentielle française



Lors de son intervention télévisée, le président Nicolas Sarkozy a puisé avec abondance dans l'arsenal des mots vides, des mots en creux, pour mieux formuler des phrases bateaux. Le but? Embrouiller une France fâchée par sa classe politique. C'était sans compter sur de nouvelles révélations qui permettent d'avancer que l'affaire Bettencourt est davantage une affaire d'État qu'un autre scandale politico-financier.
Au petit matin d'hier, quelques heures après l'entrevue accordée à la télévision publique, le site du Nouvel observateur a eu une primeur propre à rallumer certains feux que le chef de l'État, des membres de son gouvernement, sans oublier le patron de l'UMP, le parti du président, s'efforcent d'éteindre, avec bien des maladresses et des gros mots, depuis l'émergence de ce qu'il faut bien appeler une addition de scandales.
La primeur en question est toute simple. Il s'agit d'un mémo, d'une simple feuille rédigée le 29 septembre 2006 par Patrice de Maistre, le capitaine dirigeant l'équipe chargée de gérer les sous de Liliane Bettencourt, 3e fortune de France, 17e du monde. Adressé à André Bettencourt, décédé depuis, ce mémo est estampillé «Strictement personnel et confidentiel». À la rubrique Objet, on lit: «Financement UMP, NS» pour Nicolas Sarkozy.
En résumé, on apprend que: «Suite à la réunion que j'ai eue avec Monsieur Éric Woerth, trésorier de l'UMP, celui-ci m'a confirmé qu'[en ce qui concerne] les contributions [...] chaque personne peut donner jusqu'à 4500 euros. [...] Nous avons convenu, avec M. Woerth, que vous [les époux Bettencourt] pourriez faire déposer ces quatre chèques à son attention.» Lorsqu'on greffe cette primeur aux révélations contenues dans les enquêtes menées par d'autres magazines et quotidiens, on réalise que Woerth rencontrait plus souvent qu'il ne l'a dit le chargé d'affaires des Bettencourt, par ailleurs membres du club — le Premier cercle — rassemblant les plus grosses fortunes de France ayant contribué à la caisse du candidat Sarkozy. Et qui animait ce club? Éric Woerth.
Antérieurement au scoop du Nouvel observateur, il y a eu ce rapport de l'Inspection générale des finances, division du ministère du Budget, corps d'inspection interne de ce ministère, qui souligne que jamais Woerth, lorsqu'il en était le titulaire, n'est intervenu de quelque manière que ce soit dans le dossier Bettencourt. Ce rapport à peine communiqué, les ténors du gouvernement clamaient que la vérité était rétablie, que Woerth est un honnête homme puisqu'il est resté sur son quant-à-soi.
C'est justement là que le bât blesse. Car selon les enquêtes de Marianne et de Mediapart, un site d'informations, en janvier 2009 le parquet de Nanterre a averti le ministère du Budget que Bettencourt était coupable présumée d'une fraude fiscale après qu'on eut découvert qu'une île des Seychelles dont elle est propriétaire n'avait jamais été inscrite dans sa déclaration de patrimoine de 1999 à 2007. Quoi d'autre? Elle détenait deux comptes en Suisse non déclarés également. CQFD: en s'abstenant d'agir, Woerth a en fait protégé Bettencourt. On notera, on retiendra que Florence Woerth, experte en optimisation fiscale, fut engagée dans l'équipe administrant la fortune des Bettencourt après la victoire de Sarkozy à la présidentielle.
Passons maintenant à une facette nauséabonde de ce sujet qui en présente bien d'autres. Il s'agit des attaques violentes et répétées que des ministres et les bonzes de l'UMP ont effectuées contre la presse en général, et Mediapart en particulier, qui a été en pointe dans ce combat. Plus d'une fois, les proches de Sarkozy ont ânonné les mots clés choisis par les flingueurs de la communication de l'Élysée. Selon eux, Mediapart et son fondateur, Edwy Plenel, ex-directeur de l'information du journal Le Monde, sont des fascistes employant les méthodes d'une certaine presse des années 30. C'est aussi déplacé que mensonger, aussi imbécile que grossier.
Faut-il rappeler que Sarkozy et les siens ont remporté la victoire en 2007 en broutant les terres creusées par le Front national, dont l'inclination pour la peste brune est de notoriété publique? Faut-il rappeler que M. André Bettencourt fut dans les années 30 un militant en vue de l'extrême droite avant d'être plusieurs fois ministre, après guerre, d'un parti dont l'UMP est aujourd'hui l'héritier? Alors qu'il y a urgence à ce que ce gouvernement prenne de la hauteur, ces messieurs-dames conjuguent la politique avec l'abjection. Il n'y pas d'autre mot.


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