Stratégie problématique : entre désarroi et dispersion

Joyeux anniversaire!

Le beau bateau de la souveraineté aura 40 ans le 14 octobre 2008

PQ - gouvernance nationale<br>Conseil national 14-15 et 16 mars


« Vous m’avez monté un beau grand bateau

Vous m’avez fait de bien grandes vagues »

Gerry Boulet
***
Le beau bateau de la souveraineté aura 40 ans le 14 octobre 2008. Le Parti québécois est né de la fusion du Mouvement Souveraineté-Association (MSA) de René Lévesque et du Ralliement national (RN) de Gilles Grégoire, au terme du congrès de fondation qui s’est déroulé au Colisée de Québec du 11 au 14 octobre 1968. Fort de 14 280 membres dès sa fondation, les militants du nouveau parti ratifient alors quatre grandes orientations fondamentales : 1) création d'un État souverain de langue française, 2) instauration d'une authentique démocratie, 3) reconnaissance des droits scolaires de la minorité anglophone et 4) association économique avec le reste du Canada.
A peine deux semaines plus tard, soit le 26 octobre 1968, Pierre Bourgault et André d’Allemagne proposent la dissolution du Rassemblement pour l’indépendance nationale (RIN) et recommandent aux 14 000 membres de leur formation politique d’adhérer, à titre individuel, à la nouvelle coalition souverainiste. Le RIN, de façon récurrente, était traversé par de graves conflits internes et ses effectifs avaient peu progressé depuis la fondation du mouvement indépendantiste, à Morin Heights, le 10 septembre 1960. Une branche du mouvement s’était d’ailleurs radicalisée en cours de route ; trois militants du RIN fonderont le Front de libération du Québec (FLQ), en février 1963, et les premiers adhérents du FLQ seront presque tous des militants du RIN ou de l'Action socialiste pour l'indépendance du Québec (ASIQ). Octobre 1970 sera le point culminant de cette orientation révolutionnaire avec les conséquences dramatiques que l’on sait : suspension des libertés civiles et arrestations de près de 500 personnes, arrestations arbitraires pour plusieurs.
Les indépendantistes, dont l’objectif est généralement la séparation d'un État, d'une province ou d'un territoire du pays auquel il appartient afin de devenir un État indépendant ou de s'annexer à un autre pays, ont donc accepté librement et majoritairement la recommandation de leurs dirigeants d’intégrer les rangs des souverainistes, pourtant davantage autonomistes, que sécessionnistes ou séparatistes. Car le souverainisme, tout en s’opposant théoriquement au fédéralisme, soutient plutôt l'acquisition ou la préservation de l'autonomie politique d'une nation ou d'une région au sein d’une véritable confédération d’états souverains. Les questions référendaires du 20 mai 1980 et du 12 juin 1995 traduisent bien cette doctrine politique :
20 mai 1980
« Le Gouvernement du Québec a fait connaître sa proposition d’en arriver, avec le reste du Canada, à une nouvelle entente fondée sur le principe de l’égalité des peuples ; cette entente permettrait au Québec d'acquérir le pouvoir exclusif de faire ses lois, de percevoir ses impôts et d’établir ses relations extérieures, ce qui est la souveraineté, et, en même temps, de maintenir avec le Canada une association économique comportant l’utilisation de la même monnaie ; aucun changement de statut politique résultant de ces négociations ne sera réalisé sans l’accord de la population lors d’un autre référendum ; en conséquence, accordez-vous au Gouvernement du Québec le mandat de négocier l’entente proposée entre le Québec et le Canada ? »
Résultat : OUI 40,56 ; NON 59,44 – TAUX de participation de 85,61 %
12 juin 1995
« Acceptez-vous que le Québec devienne souverain, après avoir offert formellement au Canada un nouveau partenariat économique et politique, dans le cadre du projet de loi sur l'avenir du Québec et de l'entente signée le 12 juin 1995 ? ».
Résultat : OUI 49,42; NON 50,58 – TAUX de participation de 95 %
Les deux questions référendaires proposent clairement la reconnaissance de la souveraineté du Québec dans le cadre d’un nouveau partenariat économique et politique avec le Canada, ce qui est d’ailleurs tout à fait cohérent avec les premier (1) et quatrième (4) objectifs entérinés par les membres, lors de la fondation du Parti québécois en octobre 1968. On ne peut donc aujourd’hui demander ou exiger de ce parti d’être autre chose que ce qu’il a toujours été fondamentalement : un parti souverainiste-associationniste !
Cela a pu décevoir les indépendantistes qui devaient pourtant savoir à quoi s’en tenir dès le départ. On saura gré néanmoins aux différents capitaines qui ont tenu la barre du navire de la souveraineté d’avoir su éviter les écueils des rêves sans lendemains et les hauts fonds pernicieux du jusqu’au-boutisme ! Ils peuvent aussi s’enorgueillir, à juste titre, d’avoir su proposer à leurs compatriotes une démarche démocratique, honorable, incontournable et sans failles. Car, c’est une chose d’avoir une opinion personnelle sur l’avenir politique du Québec et de l’exprimer haut et fort, mais cela en est une autre d’assumer les responsabilités de chef de parti et de chef d’État !
Et avec les responsabilités vient nécessairement l’obligation d’évaluer correctement les conséquences politiques, économiques et sociale d’un tel changement de statut politique pour le Québec. À ce titre, les préoccupations de nature sociale et économique ont toujours occupé une place centrale dans la démarche souverainiste et de façon générale, dans les discours des différents partis politiques québécois. Il faut se rappeler qu’il y a à peine 50 ans, les canadiens français étaient régulièrement dépeints comme les cancres de la fédération canadienne, à partir d’indicateurs sociaux et économiques connus, tels par exemple, le niveau de scolarité, l’état de santé général de la population, la production intérieure brute per capita, le revenu moyen, le patrimoine individuel accumulé…
Le chemin parcouru par notre collectivité depuis est phénoménal. Et maintenant que l’âge médian de la population québécoise atteint 41 ans, le discours politique devrait se radicaliser, retourner aux paradigmes des années soixante, mettre en péril les acquis sociaux et économiques du Québec ? Peut-on décemment demander aux générations qui nous suivent, moins nombreuses et fragilisées par un contexte économique actuellement délétère, d’assumer l’essentiel des risques inhérents à la dette publique accumulée par leurs aînés, d’assurer leurs retraites et celles d’une bonne partie de la population vieillissante, d’assumer encore l’essentiel des conséquences imprévisibles d’un changement de statut politique majeur pour le Québec ? Sans débat, sans consultation populaire spécifique ?
« À la prochaine fois » ( ?)
Les résultats cornéliens du référendum de 1995 ne permettent pas d’entrevoir une victoire prochaine et décisive de l’option souverainiste, à moins de croire qu’une part importante de ceux qui rejettent cette avenue politique en comprenne enfin les subtiles vertus, ce qui paraît aussi improbable que de surpasser le formidable taux de participation de 95 % obtenu à l’époque !
En attendant la prochaine fois, si tant est qu’il doive ou puisse y en avoir une, l’équilibre des pouvoirs au sein de la fédération canadienne et la défense des spécificités de la collectivité québécoise, si fragile et à l’avenir si incertain, commandent tout de même des actions politiques rigoureuses. En son temps, Maurice Duplessis, le chef de la défunte (?) Union nationale, a acquis sa notoriété en luttant contre les empiètements du gouvernement fédéral dans les champs de compétence provinciale et en réclamant le rapatriement de point d’impôts pour compenser les visées centralisatrices des mandarins d’Ottawa. Nos longs hivers canadiens ont été « réchauffés » pendant quelques décennies par ces interminables querelles fédérales-provinciales. Ce luttes épuisantes, à dix provinces contre une, ont conduit nombre d’autonomistes à vouloir redéfinir les frontières juridiques et politiques du Québec. Mais, il faut en prendre acte une fois pour toute, la population n’a suivi que trop timidement ce projet politique autonomiste.
Pour l’heure, les partis politiques provinciaux ont le devoir et l’obligation d’administrer et de gérer la province de Québec, d’abord en respectant l’évolution politique de la population qu’ils représentent, ensuite en gérant les actifs et le patrimoine collectif au mieux des intérêts supérieurs de cette même collectivité, ce qui n’est pas toujours le cas. Dans une brève analyse intitulée Aluminium : des subventions annuelles de 336 000 $ par emploi pour 30 ans, parue en janvier 2007, Jean-Thomas Bernard et Gérard Bélanger du département d’économique de l’Université Laval démontrent que l’ensemble des subventions accordées à Alcan pour implanter une nouvelle aluminerie au Saguenay – Lac Saint-Jean totalise 249,2 millions $ par année. « Pour les 740 emplois annoncés pour cette nouvelle aluminerie, il s’agit d’une subvention annuelle de 336 700 $ par emploi au cours des 30 prochaines années. En valeur présente, c’est-à-dire, si une seule subvention globale était accordée au début du projet, le montant serait de 3,19 milliards $ alors que l’investissement attendu d’Alcan est de 2,0 milliards $. L’écart entre la subvention accordée par le gouvernement et l’investissement prévu par Alcan nous amène à nous questionner sur la contribution d’un tel partenariat à la richesse de la société québécoise. »
Questionnons-nous en effet sur la pertinence de subventionner nos emplois à une telle hauteur, sachant que la société Alcan est passée depuis peu, avec tous les avantages fixés par contrat, sous la coupe de la société britannique Rio Tinto, un conglomérat de 30 compagnies réparties dans 20 pays et qui couvrent presque tous les continents…et qui n’a certainement pas besoin de subventions pour survivre !
Cette façon de concevoir le développement économique et social est non seulement universelle, tous les pouvoirs politiques courtisent les investisseurs privés dans une surenchère insensée, mais elle n’est ni nouvelle ou différente des pratiques qui ont cours au Québec depuis fort longtemps. Les généreuses concessions forestières et minières consenties à plusieurs multinationales du papier et des mines, mentionnons dans ce dernier cas, l’Iron Ore du groupe multimilliardaire Rio Tinto, n’ont pu empêcher les emplois tant convoités de péricliter dans toutes les régions ressources, une fois la matière première épuisée. Ce mal développement ne rime à rien. Quant à subventionner ses propres emplois au prix d’une telle paupérisation sociale, il vaudrait mieux les créer soi-même pour notre propre bénéfice.
Ce qui nous amène à rêver d’un gouvernement québécois qui gère enfin la res publica en prenant les décisions qui s’imposent, quitte à indisposer certains groupes d’intérêts ou lobbys. Voici quelques sujets de réflexion parmi tant d’autres. Quand aurons-nous un mode électoral qui soit le plus représentatif possible de la volonté populaire? Quand la société d’état Hydro-Québec aura-t-elle le mandat de développer toutes les filières d’énergie verte au Québec ? À quand la mise en œuvre d’une véritable politique des transports urbain dans nos principales villes et une route pour desservir les citoyens du Témiscamingue qui doivent rouler en Ontario pour rentrer chez eux ou pour en sortir ? À quand le ménage dans les structures administratives hypercomplexes du Montréal métropolitain? Quand abandonnerons-nous la manie suicidaire d’élaborer des projets somptuaires qui menacent de nous ruiner définitivement ? Pourquoi les fonds fédéraux destinés à l’intégration des immigrants au Québec ne servent-ils pas essentiellement à l’intégration des immigrants ? Faut-il évacuer tout jugement éthique et moral devant les juteux contrats de réarmement militaire initiés par Ottawa…?
En réalité, ce dont le Québec a prioritairement besoin à court et à moyen terme, c’est d’abord et avant tout d’un gouvernement qui gouverne en épousant entièrement les intérêts supérieurs de notre collectivité.
BON ANNIVERSAIRE PQ
Yvonnick Roy
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1 commentaire

  • Jacques Bergeron Répondre

    6 février 2008

    Excellente idée de nous rappeler le«40ème» anniversaire de notre bateau souverainiste. Faut-il nous demander aujourdui, si ce bateau n'est pas en train de couler?En analysant les propos de son pilote, qui est aussi chef du PQ, nous avons la «vague» impression que notre bateau s'en va à la dérive? Faut-il pour autant «embarquer» dans un autre bateau souverainiste, ou essayer de sauver notre langue et notre culture «françaises» par un autre moyen, alors qu'il en est encore temps, même s'il se fait tard ? Souvenons-nous que le motif qui nous a amené dans ce «beau bateau» était notre volonté de conserver notre langue. En voulant d'abord diriger un gouvernement,qu'il soit bon ou mauvais, n'avons-nous pas «abandonné» le motif de notre combat, qui est aussi celui de notre idéal,celui de se donner un pays indépendant de «langue française» en terre des Amériques,pays capable de participer aux décisions et au bonheur du monde, dans le concert des pays libres et indépendants? D'autres que moi ont peut-ête la réponse?