La façon dont André Boisclair s'emploie à entretenir la chicane avec les militants péquistes de la région de Québec est très suspecte. Il a un «vrai conflit» avec eux, insiste-t-il. «Je persiste et je signe.» Cela relève de la provocation.
Il est vrai que M. Boisclair a subi plusieurs rebuffades lors des assemblées d'investiture. Les candidats qu'il privilégiait ont été battus ou ont préféré s'abstenir plutôt que de se retrouver au centre d'une guéguerre intestine.
Un jour ou l'autre, le PQ devra bien donner à son chef le moyen de caser quelques vedettes sans créer de psychodrame, comme cela se fait dans tous les partis. En attendant, les militants de Québec ont agi en parfaite conformité avec les statuts. Quand on a conduit son parti à une défaite aussi cuisante que celle du 26 mars, la décence devrait interdire de chercher des boucs émissaires.
D'ailleurs, rien ne permet de croire que ses préférés auraient obtenu de meilleurs résultats. Les succès de l'ADQ démontrent bien que la qualité des candidats a plus que jamais été un facteur négligeable.
Le président régional du PQ, Edwin Bélanger, a parfaitement raison de croire que M. Boisclair cherchera à retarder le plus longtemps possible le moment où il devra se soumettre à un vote de confiance. Plutôt que de se perdre en interminables discussions sur le chef alors qu'il voudrait parler de souveraineté, M. Bélanger a préféré claquer la porte.
Malgré les regrets qu'il a exprimés hier, M. Boisclair n'était sans doute pas si fâché de le voir partir. Il se défend bien de chercher à faire le ménage, mais le grand problème de ses prédécesseurs a toujours été que les «purs et durs» ont préféré rester, quitte à plier temporairement l'échine, en attendant le moment de pouvoir relever la tête.
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Le chef du PQ assure qu'il ne mène pas une bataille personnelle mais qu'il est profondément convaincu de la nécessité d'une réorientation fondamentale. En réalité, les deux sont indissociables. Cette réorientation, qu'il souhaitait depuis longtemps mais à laquelle il avait renoncé pour devenir chef, est maintenant la seule chance qu'il conserve de le demeurer, même si elle paraît bien mince.
Il faut le croire quand il dit se sentir plus libre que jamais. Il va jouer son va-tout. Il n'aura pas d'autre choix que d'en appeler d'une manière ou d'une autre à la base du PQ pour contrecarrer les éléments plus radicaux qui peuplent les instances.
Sa remise en question du programme ira évidemment bien au-delà du simple renvoi du référendum aux calendes grecques.
D'un point de presse à l'autre, M. Boisclair cherche sans cesse de nouvelles façons d'indiquer, sans le dire explicitement, que la souveraineté exigera certains détours, même si elle demeure l'objectif ultime.
Quand il affirme qu'«il importe d'aller chercher plus de responsabilités et plus de pouvoirs», tout le monde peut comprendre qu'il ne se situe plus dans la perspective d'une rupture à court terme avec le Canada.
Il a bondi hier quand un collègue lui a prêté l'intention de ressusciter l'«affirmation nationale» de Pierre Marc Johnson. Certaines expressions sont proscrites au PQ. Comme l'expliquait jeudi un de ses proches conseillers, M. Boisclair a plutôt «une approche plus pragmatique».
Au départ, il avait pensé annoncer ses couleurs rapidement, en prévision de la conférence nationale des présidents, dont les statuts du parti prévoient la tenue 60 jours après les élections générales afin de faire le bilan de la campagne électorale. Hier, il a indiqué qu'il fera connaître ses orientations «en temps et lieu», mais ce ne sera pas avant l'automne.
Il faut dire que la conférence des présidents a également le pouvoir de devancer la date prévue pour la tenue d'un congrès national. En principe, le prochain congrès est prévu pour 2009. Il semble douteux que les militants péquistes puissent patienter aussi longtemps, mais M. Boisclair n'a aucun intérêt à fournir une raison de précipiter les choses.
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M. Boisclair doit au préalable mesurer la marge de manoeuvre dont il pourra disposer au sein de son caucus, sans lequel il court à l'échec. Il a qualifié de «science-fiction» les informations selon lesquelles seulement quatre de ses 40 députés le soutiennent de façon inconditionnelle. Tous ceux qui jugent prématuré de soulever publiquement la question du leadership n'ont cependant pas dit qu'elle ne posait pas.
Il lui faudra aussi compter avec les «éléphants» du PQ. À deux reprises, M. Boisclair a sérieusement écorché son prédécesseur, Bernard Landry, à qui il a reproché d'avoir laissé le congrès de juin 2005 adopter une position intenable sur la tenue d'un référendum simplement pour sauver son leadership.
Présent à la cérémonie d'assermentation des députés péquistes, mercredi, Jacques Parizeau s'est refusé à tout commentaire, mais il est difficile d'imaginer que l'ancien premier ministre demeurerait silencieux si M. Boisclair tentait de ramener le PQ à une position qui rappellerait celle de Pierre Marc Johnson.
Il y a déjà longtemps que Jean Garon est en rupture avec le PQ, mais personne n'a jamais douté de la ferveur souverainiste de cet ancien riniste, même s'il était demeuré fidèle à René Lévesque à l'époque du «beau risque».
Cette semaine, M. Garon a tenu des propos étonnants sur les ondes de Radio-Canada. «Je pense qu'aujourd'hui, on peut faire autant la souveraineté par l'intérieur que par l'extérieur. La question se pose différemment maintenant.» Selon lui, en coalisant le Québec autour des revendications du rapport Allaire, Mario Dumont pourrait ouvrir une nouvelle avenue vers la souveraineté. Parmi les anciens fidèles de M. Lévesque, plusieurs réfléchissent actuellement dans les mêmes termes.
Dans l'entourage de M. Boisclair, on est bien conscient du risque d'explosion que comporte une révision aussi fondamentale du programme, mais l'implosion qui menace le PQ serait encore pire. «Au moins, après une explosion, il reste des morceaux.»
mdavid@ledevoir.ca
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