La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, encouragée par Emmanuel Macron, propose d'abandonner le vote à l’unanimité des vingt-sept pays de l'Union européenne pour une plus grande « efficacité ». Interrogé par Boulevard Voltaire, l'eurodéputé Jérôme Rivière (Reconquête) dénonce les objectifs de ce plan : désosser ce qui reste de souveraineté française. Interview.
Iris Bridier. Lundi 9 mai, Ursula von der Leyen a évoqué l’abandon du vote à l’unanimité des vingt-sept dans des domaines clés. Quels sont les objectifs d’une telle mesure ?
Jérôme Rivière. Cet abandon, sous couvert d’efficacité, cache en réalité le rêve de la présidente de la Commission, des technocrates bruxellois et du Président Emmanuel Macron d’imposer aux peuples une Europe fédérale dans laquelle, petit à petit, seraient dissoutes les nations. Aujourd’hui, l’unanimité demeure la règle pour les sujets directement liés à la souveraineté des États, compétence des compétences, à savoir la politique étrangère, la défense, le budget, la fiscalité ou encore l’adhésion d’un nouveau pays à l’Union européenne. Ce sont bien évidemment des sujets régaliens qui sont au fondement même d’un État. Comment ne pas voir qu’il serait mortel pour un pays de ne plus être maître dans ces domaines ?
I. B. Y a-t-il un enjeu ou un risque pour la démocratie ?
J. R. Cette décision est poussée par une Commission européenne qui n’a aucune représentativité démocratique. Elle va à l’encontre des choix exprimés par les peuples dans de nombreux pays membres, en faveur d’une « reprise en main » de leurs destins et d’une défense de la souveraineté de leurs pays. Plus qu’un recul de la démocratie, un tel changement de cette règle serait aussi un recul significatif de l’indépendance des nations.
I. B. Dix pays membres ont déjà fait savoir leur opposition, mais Emmanuel Macron se dit favorable à cette proposition. Il souhaite convoquer une convention de révision des traités. Est-ce constitutionnel ?
J. R. C’est la nature même de l’Union européenne qui changerait avec la généralisation de la règle à la majorité qualifiée. Comme le fait remarquer Jean-Eric Schoettl, conseiller d’État honoraire, « on passerait à une Europe fédérale, car que resterait-il aux États ? Il faut une incroyable légèreté pour croire que l’on pourrait ainsi contraindre des pays à appliquer la loi des autres dans des domaines aussi vitaux. » L’ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel précise qu’un tel changement imposerait une révision constitutionnelle. Si Emmanuel Macron n’a pas de vision pour la France, pas de programme établi, pas de ligne définie, il a bien le projet de dissoudre la France dans une Europe fédérale.
I. B. Quelles décisions pourraient être prises sans l’aval des 27 ?
J. R. Aujourd’hui, l’unanimité porte sur les questions de politique étrangère et de défense (politique étrangère et de sécurité commune) ; relatives à la justice et aux affaires intérieures (coopération policière et judiciaire en matière pénale, procureur européen) ; de fiscalité et d’harmonisation des législations nationales en la matière ; liées à l’adhésion à l’Union européenne (élargissement) ; budgétaires, avec la définition du budget pluriannuel de l’Union européenne (cadre financier pluriannuel) et l’existence de ressources financières propres à l’Union ; de politique sociale, avec l’harmonisation des législations nationales dans le domaine de la Sécurité sociale et de la protection sociale ; de citoyenneté (sur les droits accordés aux citoyens européens) ; les modifications apportées aux traités. Sur toutes ces questions, des décisions essentielles pourraient donc être prises sans l’aval de plusieurs pays.
I. B. Les Français peuvent-ils s’opposer à cette dérive, et comment ?
J. R. L’opposition n’est possible qu’à travers les élections et un vote éclairé. Les Français doivent être conscients de ces abandons de souveraineté qui, peu à peu, feront disparaitre leur pays dans un magma fédéraliste. L’élection d’Emmanuel Macron a malheureusement offert une route dégagée à ce projet. Les députés européens Reconquête s’opposeront, avec leurs alliés au Parlement européen, à ce rêve dangereux.