Jean Charest congédié

Chronique de Patrice Boileau

À la surprise générale, l’entraîneur en chef du Québec a été remercié de ses services, cette semaine. Pourtant, l’homme venait tout juste de se faire accorder un vote de confiance par ses commettants, voilà à peine trois mois...
Il est vrai que l’équipe qu’il ne dirige plus titube drôlement, depuis que son mandat à la barre a été renouvelé. Le leader avait pourtant promis à ses fans que le difficile calendrier à parcourir serait franchi avec succès. Rien ne va plus maintenant. Dernièrement, chaque décision que l’instructeur devait adopter lui semblait une tâche titanesque. Si bien qu’il a carrément préféré se défiler. Jean Charest a sombré dans l’indécision, abandonnant ainsi l’équipe à son sort.
Cet immobilisme a coûté cher. On chuchote le montant hallucinant de 40 milliards de dollars, dans les milieux bien informés. Le premier intéressé était lui-même au courant de ce désastre mais il aura aimé mieux, semble-t-il, s’en remettre à la pensée magique dans l’espoir que le tout passe inaperçu. Camouflé, Jean Charest a même tenté d’imputer son incurie à sa principale assistante : Monique Jérôme-Forget.
Ce même laxisme a provoqué le gaspillage d’autres millions, en ce qui a trait ce projet de construction d’une « clinique » haut de gamme, où des soins spécialisés doivent être dispensés. Le choix du lieu pour ériger le bâtiment est lui-même le résultat d’un très mauvais jugement. Le secteur se prête assurément mieux aux activités commerciales, plutôt qu’à autre chose. C’est au 6000 rue Saint-Denis qu’il devait voir le jour, au cœur d’un quartier résidentiel francophone et à proximité d’une station de métro. N’est-ce pas cette clientèle que l’hôpital doit desservir, pendant que l’autre centre projeté, destiné à la minorité anglophone, s’érige là où elle se trouve?
Le licenciement de Jean Charest, lundi dernier, aura relégué au second plan une importante conférence d’Henri-Paul Rousseau. L’ancien PDG de la Caisse de dépôt et placement s’adressait en effet le même jour aux membres de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. L’homme tenait à exprimer publiquement sa version sur les pertes historiques qu’a enregistrées l’institution publique sous son autorité. Ainsi, il a reconnu être le responsable du fiasco de 5.9 milliards de dollars que la Caisse a subi en investissant dans les papiers commerciaux adossés à des actifs (PCAA). Le nouvel employé de Power Corporation a toutefois précisé qu’il n’avait rien à se reprocher pour l’ensemble du gâchis qui a retranché 25% de la valeur des actifs du bas de laine des Québécois. L’importante mise au point a donc généré peu de réaction dans la population, elle qui n’en avait que pour cette nouvelle de licenciement.
Car c’est bien connu que les Québécois se passionnent pour la politique. Ils connaissent toutes les statistiques des candidats qui tentent d’être recrutés. Des « pools » sont même formés entre amis afin d’honorer celui qui aura le mieux deviné quels députés brilleront au point de devenir ministres. Pas étonnant ainsi de voir ces « gérants d’estrades » voter massivement le jour où se décide qui appartiendra à « l’équipe d’étoile. » Il ne se passe pas une journée sans que les tribunes téléphoniques et autres forums de discussion soient pris d’assaut.
Ce n’est donc pas le discours d’Henri-Paul Rousseau qui sera le principal sujet débattu par les gens ces prochains jours. Aura-t-il tout dit sur les déboires de la Caisse de dépôt et placement? Devait-il comparaître dans une commission parlementaire spéciale afin de faire toute la lumière sur cette triste affaire? Comment explique-t-il que les PCAA aient surtout été plus vendus aux institutions financières québécoises, que partout ailleurs dans la fédération, avec la bénédiction de la Banque du Canada? Quand a-t-il avisé ses patrons des dangers qui guettaient certains placements? Toutes ces questions resteront lettre morte.
Les Québécois ne discuteront pas davantage de la révocation de Jean Charest puisque le chef du Parti libéral est hélas bien accroché à son poste. Ils n’exigeront pas non plus qu’il l’abandonne, malgré l’odeur nauséabonde de mensonge et d’incompétence qui émane de son gouvernement. La ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, peut également dormir sur ses deux oreilles : les rues demeureront bien calmes et désertes. Le contraire aurait en effet supposé la présence de nombreux drapeaux fleurdelisés, accrochés aux véhicules automobiles. Mais là ne loge pas notre priorité collective, comme en témoigne le résultat saugrenu de la dernière élection générale.
Du pain et des jeux. La formule est archi connue.
Patrice Boileau


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