Je ne le dis à personne

Une fleur de lys, ça vous dit quoi?

Le destin québécois

JE NE LE DIS À PERSONNE
Heureuse d’être une enfant de la Terre, je demeure ici comme dans une auberge remplie du meilleur de ce monde.
J’habite au large de la Corée, de l’Afghanistan, d’Haïti, de la Colombie, du Pérou, du Congo… Il n’y a pas d’armée aux alentours, pas de soldats, pas de violence, ni de famine.
Mais mon peuple, lui, connaît une autre histoire. Il craint la mort par asphyxie. L’élimination sournoise. L’extinction vicieuse.
Je ne le dis à personne.
Je vis chez moi, en exil de mes frères et sœurs. En exil de mon passé, de mon présent. En exil de futur. Je n’aurai pas de futur. Pas de nom, pas de pays.
On soustraira mon histoire, on annulera mes rêves. Je vis comme l’Amérindienne, en perte de nation.
Je ne le dis à personne.
On me répondra que j’exagère. Que j’amplifie le mal, que je terrorise les cœurs confiants, que je ramasse le fiel, que je côtoie l’abîme, que je ressasse le malheur.
Je retiens mes mots, mes lèvres, retiens mon corps entier. J’ordonne à ma pensée de rester froide, imperturbable, de ne pas se tendre dans la nuit, de ne pas présumer du destin du monde.
Je supplie mon cœur de ne pas bouger, d’arrêter le flux des souvenirs, de neutraliser ses sentiments. Je parle et parle… Je dialogue avec ma sœur jumelle pour que se dissolve enfin mon identité première. Rien à faire. J’ai le souffle long et je muerai dans la pierre s’il le faut mais je resterai ici à réclamer justice pour mon peuple, à revendiquer le présent qui nous est dû.
Je suis heureuse d’être une enfant de la terre mais je n’en suis pas fière. Je suis québécoise. Fille de mes ancêtres. Mon allégresse n’est plus!
Une fleur de lys, ça vous dit quoi?

Featured 9667633ae5aaba20845bac85fb41b69e

France Bonneau39 articles

  • 32 368

France Bonneau est professeure de français auprès des adultes-immigrant-e-s . (MICC)





Laissez un commentaire



4 commentaires

  • Gaston Boivin Répondre

    27 novembre 2010

    Très beau texte, madame Bonneau. Oui cet exil à l'intérieur même de chez-nous que l'on est en train de nous imposer devient de plus en plus évident.
    Nous irons bientôt rejoindre officiellement ce canadien errant. Je dis bientôt, même si, à mon avis, la chanson composée en 1842 par Antoine-Gérin Lajoie ne voulait pas simplement décrire la tristesse des patriotes exilés après la Rébellion de 1837-1838 et privés de leur cher Canada mais aussi la peine des Canadiens-Français après l'échec de cette rébellion qui aurait pu leur redonner le contrôle de leur pays aux mains des Anglais, eux qui y vivaient, de l'intérieur, depuis la Conquête, une sorte d'exil latent qui leur était imposé: Presqu'étrangers dans leurs propre pays aux mains des Anglais qui le gouvernaient avec une minorité des leurs au détriment de la majorité canadienne.!
    La chanson dit:
    -''Si tu vois mon pays, mon pays malheureux,
    -Va dire à mes amis que je me souviens d'eux''
    Mon pays malheureux dit la chanson!
    Cet exil par l'intérieur même de notre chez-nous, nous le sentons bien, n'est plus latent: Avant longtemps, si les choses ne changent pas, c'est totalement comme des étrangers que nous nous y sentirons bientôt! Même qu'actuellement de plus en plus des nôtres ont déjà cette impression de se sentir totalement étrangers dans certaines parties de leur cher Québec, notamment à Montréal.
    Tout cela me rappelle cette Alouette qui se fait complètement plumer et cette Allouette en colère de Félix Leclerc!

  • Archives de Vigile Répondre

    27 novembre 2010

    Merci Madame. Je me sens moins seule quand le coeur me fait mal et que les larmes me montent aux yeux.... Je me souviens...
    Et apparemment, je ne suis pas seule.

  • Archives de Vigile Répondre

    26 novembre 2010

    Chère Madame,
    « Il faut être, à un moment de sa vie, souverainement "misanthrope" pour vraiment aimer les hommes. » Quiconque s'exile pour penser sera rejeté. Car la pensée ne sied pas au plus grand nombre...
    André Meloche
    P.S. Magnifique texte!

  • Archives de Vigile Répondre

    26 novembre 2010

    Pour tout savoir sur notre emblème national de son origine en France et sa venue en Nouvelle-France consulter le lien suivant à partir de la page 75:
    http://www.ourroots.ca/toc.aspx?id=12574&qryID=9641b073-cae6-4712-8532-2ea15f3efc16
    Bonne lecture et découvertes.
    Soldat Sanspareil
    2ème bataillon du régiment de la Sarre
    Vive le Roy!
    http://www.regimentdelasarre.ca
    http://www.tagtele.com/videos/voir/46581
    http://www.ameriquebec.net/actualites/2009/08/03-rapatriement-des-armoiries-royales-de-france.qc
    François Mitterrand
    Un peuple qui n'enseigne pas son histoire est un peuple qui perd son identité