La double contrainte québécoise

Jamais nous n’aurons été aussi lucides

L'asile et le patient

Recomposition politique au Québec - 2011

Énigme...
1984 : 58 conservateurs
1993 : 54 bloquistes
2011 : 58 néopédistes

Il s'agit simplement de revirements psychotiques. Un peu comme dans le film Inception, le patient s'enfuit de sa réalité en plongeant plus profondément dans le rêve. Alors qu'il croit se réveiller, il s'enfonce de plus en plus loin dans d'autres songes ou dans sa démence.
Autres nombres : 233 et 75
Quelle est la signification de ces deux nombres? Il s'agit d'une représentation du rapport de force entre le Canada et le Québec. Entre le majoritaire et le minoritaire. Vous aurez compris qu'il s'agit du nombre de députés du ROC versus ceux du Québec.
En somme, le Québec est victime d'une double contrainte. Il DOIT participer au jeu fédéral, car sinon, il aurait l'impression de n'avoir rien fait pour améliorer son sort. S'il refusait l'espoir, il devrait accepter sa condition. Il n'ose pas le faire. Paradoxalement, s'il participe, il arrive fatalement un moment où il réalise qu'il s'est fait piégé, qu'il a perdu sa mise.
Le Canada ne peut pas perdre : 233 contre 75. Si jamais un rapport de force arrivait à permettre au Québec de l'emporter sur lui, il changerait automatiquement la composition de son jeu. En plus, le dominateur a l'habitude et l'expérience. Le dominé ne connait que la défaite perpétuelle.
La responsabilité des parents envers leurs enfant, celle des citoyens, fait en sorte qu'on tente fatalement de jouer dans l'arène fédérale on ne peut pas ne pas participer, on sent comme une obligation morale. Mais c'est toujours une tentative qui va avorter. En vérité, on peut bien participer, mais jamais gagner, à moins de nous assimiler... et devenir autre, Canadian. N'est-ce pas la source d'une grande anxiété et d'une grande fatigue?
Le Québec est donc coincé dans une double contrainte (double bind pour ceux qui ont peut-être déjà entendu ce terme en anglais). Un individu dans une famille qui le soumet à une double contrainte peut devenir schizophrène ou psychotique (d'après l'approche systémique, développée par le Centre de thérapies brèves de Palo Alto, le Mental Health Institute).
Dans cet asile, dans cette oppression perpétuelle du 233 contre 75, le patient doit constamment inventer de nouvelles psychoses pour échapper à la terrible réalité, il est dans un asile, même si, au départ, il n'était peut-être pas fou. Quand son entourage est si habitué à sa psychose ou si son entourage change, il est possible qu'il se réveille, comme dans le film The Matrix. Mais s'il se réveille, il se verra dans une réalité atroce qu'il préfère fuir de toute façon.
Alors il quitte une psychose simplement pour entrer dans une autre psychose. Sa dernière trouvaille a été de se croire libre. Paradoxalement, en voyant leur échappatoire s'effondrer, les indépendantistes voient la réalité telle qu'elle est, pendant que le reste du Québec s'embarque dans la grande aventure du NPD.
Jamais nous n'aurons été aussi lucides.
Profitons-en. Regardez : le Canada vient de se donner un gouvernement majoritaire et vient par là de montrer sa toute-puissance et son indifférence, nous n'avons pu le bloquer, avec le bloc ou avec le NDP. Même en y mettant tout notre poids.
Ça fait mal. C'est une douche froide. MAIS CRISS, ON EST DANS LE RÉEL. ET C'EST SEULEMENT EN ÉTANT DANS LE RÉEL QU'ON PEUT RÉELLEMENT S'ÉCHAPPER.
84, 93 et maintenant 2011 sont ces moments où le malade changeait de folie afin d'échapper à un possible réveil. Cette transformation permettait d'évacuer la pression insoutenable du complexe, de la défaite, de la conquête, de l'humiliation, de l'inaction.
Ce n'est pas le contenu de la métamorphose qui importe au malade, c'est l'énergie émancipatrice qui l'accompagne. Nous sommes minoritaires, donc anormaux. Nous avons besoin de nous faire croire que nous contrôlons quelque chose. Ces mues soudaines et totales ne peuvent donc être saines, elles sont la manifestation de véritables débâcles de nos forces collectives souterraines. N'essayez pas d'y trouver une symbolique positive ou une interprétation favorable. Le réel est douloureux, mais au moins, c'est le réel.
Nous avons déjà parlé du Bloc comme d'une garantie qui nous empêchait de véritablement travailler, mais nos revirements spectaculaires ont quelque chose d'un pattern trop malsain pour qu'on ne le remarque pas. Il est rare que l'inconscient collectif se manifeste d'une manière aussi flagrante. Si vous croyez à la nation, ne prenez pas ce concept à la légère.
Le coin de fer dans la machine fédéral était définitivement beau, mais c'était une hallucination. 233-75. Le coin était trop petit...


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5 commentaires

  • Lise Pelletier Répondre

    4 mai 2011

    Bonsoir l'engagé,
    Quel titre accrocheur "...lucides", ce qui me réconcilie avec ce mot honni depuis quelques années. Inutile d'expliquer pourquoi.
    Souhaitons que le peuple québécois moins politisé en soit à sa dernière thérapie avec cette vague NPD.
    Clairement le dominateur, haut stratège, va gouverner en douceur pour ne pas effaroucher les électeurs du Québec et fera en douce ses coups retors à la démocratie.
    Vive le réel qui maintient les lucides sur un pied d'alerte.
    Lise Pelletier

  • Archives de Vigile Répondre

    4 mai 2011

    La situation actuelle même si elle n'était pas prévue sera favorable à la Nation Québecoise car
    -- Le NPD finira toujours par se ranger du côté canadian contre le Québec
    -- Les Conservateurs se croiront tout puissant et voteront des loi totalement inacceptables au Québec avec en plus leur Sénat majoritaire .
    -- Le Bloc avec ses nombreux pensionnés passionnés pourront travailler au Parti Québecois et préparer notre indépendance en tenant des assemblées constituantes
    -- Gilles Duceppe Président et Pauline Marois Première ministre .
    MERCI à tous ceux qui ont bien votés
    TÉTRAÈDRE

  • Archives de Vigile Répondre

    4 mai 2011

    Bonjour L'Engagé,
    Un ami me disait un jour, « si tu veux voir tes rêves se réaliser, commence d'abord par te réveiller »...
    André Meloche

  • Archives de Vigile Répondre

    4 mai 2011

    Vous avez raison d’aborder la tribu du point de vue psychanalytique. Et vous n’êtes pas le premier. Le professeur philosophe Dominique Desroches nous a ici longuement entretenus sur l’allégorie de La Cage. http://www.vigile.net/La-vie-dans-la-cage-Premiere La cage qui nous enferme, et qui nous rend fous, comme les bêtes sauvages confinées. Ensuite, juste avant de quitter le site, il nous a renvoyés à la folie (feinte ou réelle) du Prince Hamlet.
    http://www.vigile.net/Le-fantome-de-Shakespeare-To-be-or Il nous a été donné cet hiver d’apprécier au TNM une traduction intelligente de la pièce où le très jeune prince se voit coupé de sa mère par son oncle, assassin du roi son père. Ce dernier lui apparaît sous forme fantomatique pour lui décrire les circonstances du crime et crier vengeance. La simulation de folie du jeune suscite des soupçons chez l’assassin, voir des remords, et il prie Dieu de lui pardonner mais constate la futilité de la demande en ces termes: « Comment puis-je être pardonné d’un crime dont je jouis toujours pleinement des fruits? »(le royaume, la reine, le fils...) Plus encore que le « to be or not to be », question de l’au-delà, ce dilemme du remords sans réparation chez le criminel, nous rapproche du génocide qui se perpétue au Canada.
    Autre psychanalyse tentée avec acharnement sur les insulaires que nous sommes devenus après le départ des élites françaises après le rapt des Plaines...
    Le docteur Camille Laurin travaillait toutes ses campagnes électorales comme des consultations en cabinet. Suffit de se rappeler qu’à 35 ans, il terminait de longues études en Europe, où il se colleta avec Freud, nom alors satanisé qu’il dut taire souvent dans ses contacts avec l’administration de l’Institut Albert-Prévost où il évolua professionnellement aussi bien qu’avec l’homme de New Carlisle, qui ne lui fit jamais totalement confiance même s’il employait facilement lui-même l’expression  "maison de fous"

  • Marcel Haché Répondre

    4 mai 2011

    Rien. Mais absolument rien à voir.
    Les indépendantistes perdent leur temps à déplorer et dénoncer un rapport de force au plan fédéral qui serait défavorable au Québec.
    Le Bloc a déjà formé l’opposition officielle (Lucien Bouchard) à Ottawa sans que jamais, mais absolument jamais, le rapport de force ne devienne un tant soit peu favorable à la cause indépendantiste.
    Ottawa, le Parlement canadien, n’est qu’un front secondaire. C’est ici même, au Québec, que les indépendantistes n’ont jamais, mais absolument jamais, voulu reconnaître qu’était le véritable front. PARCE QU’ENCORE AUJOURD’HUI ILS REFUSENT DE RECONNAÎTRE QU’IL YA UNE MINORITÉ DE BLOCAGE, LE WEST ISLAND, EN PLEINE EXPANSION.
    Le reconnaître impliquerait la nécessité de s’y attaquer…
    L’électorat québécois tourne en rond depuis 25 ans parce que les partis politiques tournent d’abord eux-mêmes en rond depuis ce temps.
    L’électorat ontarien a fait le tour du cadran depuis les 40 dernières années, de tous les partis politiques, ce qui n’a pas été possible à l’électorat québécois, qui le voudrait peut-être, mais qui en est empêché de la façon la plus constante par un fort vote ANTI-QUÉBEC qui grandit sans cesse.
    Ça aussi, c’est une réalité.