Une statistique ahurissante !

Jamais la conjoncture ne sera meilleure

C’est l’impératif que nous imposent nos valeurs de justice sociale et le maintien du filet de sécurité dont la nécessité se trouve encore une fois démontrée par la crise que nous traversons.

Chronique de Richard Le Hir

La première chose qu’il faut comprendre, c’est que ce qui se passe autour de nous a une influence sur le cours des événements chez nous, surtout lorsque ça se passe chez un voisin aussi gros que les États-Unis avec lesquels nous entretenons des rapports économiques à la fois étroits et importants.
Or on apprend aujourd’hui qu’aux États-Unis, presque 50 % des ménages échappent à l’impôt fédéral ! C’est énorme comme proportion ! C’en est même ahurissant ! Non, non, je n’exagère pas. Voyez vous-même : Nearly Half of US Households Escape Fed Income Tax, http://www.cnbc.com/id/36241249 .
Cette information nous permet de déduire rapidement ce qui suit sur la situation de nos voisins du Sud :
1. la crise financière a frappé fort

2. la classe moyenne est en voie d’extinction

3. l’assiette fiscale est dangereusement érodée

4. les disparités de revenu entre possédants et non possédants sont très fortes

5. le redressement va être long et difficile

6. c’en est fini de l’hégémonie américaine dans le monde.
Difficile de déterminer pour l’instant le poids relatif de chacun de ces facteurs, mais il est certain que nous nous ressentirons profondément de chacun d’entre eux compte tenu de notre degré d’intégration économique.
Dans un discours prononcé devant la Chambre de commerce de Dallas hier, le président de la Fed américaine a tracé un sombre portrait de la situation. Voici comment le Wall Street Journal fait état de ses propos :
« Federal Reserve Chairman Ben Bernanke said Wednesday that huge U.S. budget deficits threaten the nation's long-term economic health and should be addressed soon. »
« Obama administration officials have argued that the economy, while improving, is still too weak to bear all the new taxes and spending cuts that would come with an aggressive deficit-reduction campaign. In remarks to the Dallas Chamber of Commerce Wednesday, Mr. Bernanke agreed, but said merely articulating a plan for reducing the deficit in the long run would help the economy now. »
« "The economist John Maynard Keynes said that in the long run, we are all dead. If he were around today he might say that, in the long run, we are all on Social Security and Medicare," Mr. Bernanke said. »
Voir :

http://online.wsj.com/article/SB10001424052702303720604575169970248763974.html?mod=rss_Today's_Most_Popular
Nous voilà prévenus, les États-Unis vont devoir prochainement procéder à un réaménagement important de leur fiscalité pour résorber leur déficit (proportionnellement plus important que celui du Québec, soit dit en passant), et revenir sur des concessions fiscales accordées dans le passé, tant aux plus démunis qu’aux mieux nantis.
Au passage, on remarquera que tant l’administration américaine que le président de la Fed sont d’accord pour estimer que l’économie est encore trop faible pour supporter toutes les nouvelles ponctions fiscales et toutes les coupures de dépenses nécessaires pour mener à bien un programme de réduction du déficit en ce moment, ce qui vient conférer un relief tragi-comique au budget Bachand-Charest qui fait exactement le contraire. C’est la confirmation « from the horse’s mouth » de ce que je disais dans mon premier commentaire sur le budget la semaine dernière ([Zéro sur toute la ligne->26690]) :
« Le Président de la Fed américaine, Ben Bernanke, est un spécialiste des effets de la grande crise de la fin des années 1920 et du début des années 1930. Depuis plus d’un an, il répète à qui veut l’entendre et sur toutes les tribunes que la pire chose que les autorités pourraient faire, c’est de resserrer trop tôt les cordons de la bourse. Et voilà notre Bachand « provincial » en train de se précipiter tête baissée dans le piège. Est-ce donc tout ce qu’on lui a enseigné à Harvard ? »
Il y a tout de même une différence, majeure, entre la situation américaine et la nôtre. Alors que de nombreux allègements fiscaux ont été consentis aux classes américaines les moins fortunées ces dernières années, tant sous l’administration Bush (par idéologie anti-impôts) que depuis un an sous l’administration Obama (par adhésion aux principes keynésiens), il ne s’est passé rien de semblable au Québec. Chez nous, la grande majorité des allégements consentis l’ont été au profit des mieux nantis.
Et chez nous, le redressement de la situation passe nécessairement par la restauration de l’intégrité de l’assiette fiscale (voir [« L’autre façon de procéder, en toute équité->26812] »), car il est devenu impossible de continuer à nous offrir une solidarité sociale à laquelle ceux qui ont les moyens d’y contribuer se sont vu offrir, par nos deux paliers de gouvernement, le choix de ne pas le faire en toute légalité, en se prévalant tout simplement des abris fiscaux prévus à cet effet sous le couvert vertueux de l’épargne (voir « Vers une reprise de la lutte des classes ? »).

La direction pour nous est claire, c’est donc « À gauche toute ! ». C’est l’impératif que nous imposent nos valeurs de justice sociale et le maintien du filet de sécurité dont la nécessité se trouve encore une fois démontrée par la crise que nous traversons.

Dans les deux paragraphes qui précèdent, j’emploie le présent à dessein, car cette crise est loin d’être terminée. Et elle aura des conséquences à très longue portée, un peu comme le démantèlement de l’Union soviétique. Comme l’a dit avec un cynisme brutal le conseiller à la Maison-Blanche Larry Summers, « How long can the world’s biggest borrower remain the world’s biggest power ? » (Voir Deficits May Alter U.S. Politics and Global Power, http://www.nytimes.com/2010/02/02/us/politics/02deficit.html ).
Nous serons évidemment aux premières loges, mais il ne faudrait surtout pas penser que nous serons seuls à subir les contre-coups. Un Parisien de mes amis a porté à mon attention l’existence d’un nouveau mouvement en France à la tête duquel se trouve François Asselineau, fonctionnaire de très haut niveau (Inspection général des finances, un des corps les plus prestigieux de la hiérarchie française).

Cherchant à savoir de qui il s’agissait, j’ai découvert ceci :
« François Asselineau, actuellement Inspecteur général des finances et professeur à l'EMLV (Pôle Léonard de Vinci), s'est engagé en politique en 1999, en adhérant pour la première fois à un parti, le Rassemblement pour la France (le RPF, le parti gaulliste). Membre du Bureau National, directeur des études et porte-parole de ce parti, François Asselineau est élu Conseiller de Paris en mars de cette année. Après avoir adhéré un temps à l'UMP (le parti de Nicolas Sarkozy), il en a démissionné en octobre 2006. »
« Écrivant dans plusieurs revues, analysant avec acuité les raisons pour lesquelles la construction européenne conduit la France dans une impasse politique, économique et sociale d'ampleur historique, il est actuellement un penseur et un conférencier écouté. Après un tour de France pendant lequel il a expliqué dans ses conférences qui gouverne selon lui la France, il est le président-fondateur d'un nouveau parti, l'Union populaire républicaine (UPR), créée le jour du 50ème anniversaire du Traité de Rome, et dont le but est de faire sortir démocratiquement la France de l'Europe. » (!)
Ce n’est pas un mince programme ! Curieux tout de même de comprendre son raisonnement, j’ai visionné cinq extraits d’interventions qu’il a faites récemment, et j’y ai découvert une des analyses les plus pénétrantes de la crise financière et des conséquences qu’elle aura pour l’Europe et la France. Pour ceux d’entre vous qui auraient envie d’élargir leurs horizons, je vous donne ici les liens. C’est un peu long, mais la leçon est magistrale :
http://www.dailymotion.com/video/k3V9kUdvEvEE1P1sh54 ,
http://www.dailymotion.com/video/k798XH2S3x9kpx1sh36 ,
http://www.dailymotion.com/video/k1lh3jZkApQ9jQ1sgZS ,
http://www.dailymotion.com/video/k1qhwWelYdED861sgTs ,
http://www.dailymotion.com/video/kPyrgj0Geim6LR1sgR7 .
Ce qui ressort de toutes ces informations et des textes que j’ai écrits pour Vigile au cours du dernier mois, c’est que la dynamique tant québécoise que canadienne et même mondiale est en train de changer, et que toutes les raisons qui ont amené les Québécois à refuser jusqu’ici leur indépendance politique auront bientôt disparu. L’heure est venue pour ceux qui y croient de se remettre en mouvement. Jamais la conjoncture ne sera meilleure.


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7 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    9 avril 2010

    La déduction de base pour un célibataire n'est que de 5,700$
    Les "vieux" n'ont droit qu'à une déduction de 1,100$
    http://www.efile.com/tax-news/federal-standard-deduction/
    Standard Deduction Table
    Filing Status Standard Deduction

    Single $5,700
    Head of Household $8,350
    Married Filing Separately $5,700
    Married Filing Jointly $11,400

    Qualifying Widow(er) $11,400

  • Archives de Vigile Répondre

    8 avril 2010

    Asselineau encore, magistral.
    "Qui Gouverne la France ?", en 14 parties:
    http://www.youtube.com/watch?v=w9wak9UXssY&feature=PlayList&p=999C654317581293&playnext_from=PL&index=0&playnext=1
    En détail, la création de l'UE par les américains et son fonctionnement.
    Remplacez UE par Fédéral canadian.

  • Christian Sébenne Répondre

    8 avril 2010

    Monsieur LE HIR,
    Votre article pertinent concernant la conjoncture est ses incidences à cours terme sur notre triste quotidien ne peut que remuer la fibre Québécoise, de même votre parallèle avec le mouvement de M. François ASSELINEAU tombe fort à propos et devrait ramener M. PAQUET auteur d'un article récent sur "Vigile" à sortir de la vue aseptisée qu'il a de la politique Européenne. Celle-ci est au bord de l'implosion, devenue un marigot ingérable et budgétivore, aux mains des amis de la SARKO/DESMARAIS Connexion et d'une armada de fonctionnaires sans foi ni loi qui ont bradé et vendu l'essence même du tissu industriel qui faisait la force de cette vieille Europe, n'étant plus qu'une coquille vide pour la plus grande joie de l'Amérique, il ne resterait donc que la corde pour se pendre. La France va peut être enfin comprendre qu'elle est dans la même galère que le Québec. Continuez M. LE HIR, c'est tout bon!

  • Archives de Vigile Répondre

    8 avril 2010

    C'est un véritable manuel d'emploi, ça:
    http://www.dailymotion.com/video/k3V9kUdvEvEE1P1sh54 ,

    http://www.dailymotion.com/video/k798XH2S3x9kpx1sh36 ,

    http://www.dailymotion.com/video/k1lh3jZkApQ9jQ1sgZS ,
    http://www.dailymotion.com/video/k1qhwWelYdED861sgTs ,

    http://www.dailymotion.com/video/kPyrgj0Geim6LR1sgR7 .
    La France est maintenant dans notre situation. Nous pouvons nous entraider à en sortir.
    Il est où notre UPR ? (UPRQ).

  • Archives de Vigile Répondre

    8 avril 2010

    Voici un tableau en lien qui porte sur le Ratio d’endettement par rapport au PIB, tous secteurs confondus au États Unies.
    http://contreinfo.info/article.php3?id_article=3014
    Lors de la Grande Dépression ce ratio a atteint 300 %, il est présentement à 370 %. Ce qui veut dire que l'effort de l'État pour soutenir les institution et les programmes de relances économiques (auxquels ont doit la légère embellie économique actuelle) pourra difficilement se maintenir.
    .............
    Pour ce qui sont des conséquences de cette crise systémique globale pour les États Unies. elle mènera à une dislocation géopolitique majeur selon le Laboratoire Européen d'Anticipation Politique (LEAP) :
    http://www.leap2020.eu/GEAB-N-43-est-disponible-!-Les-cinq-sequences-de-la-phase-de-dislocation-geopolitique-globale_a4411.html
    .............
    Il y a un mouvement souverainiste en Europe (!) . Aymeric Chauprade, spécialiste de la géopolitique soutient cette proposition du retour de l'État national:
    http://www.realpolitik.tv/chauprade/francophonie-et-multipolarite
    JCPomerleau

  • Archives de Vigile Répondre

    8 avril 2010

    «In 2007, about 38 percent of households paid no federal income tax, a figure that jumped to 49 percent in 2008, according to estimates by the Tax Policy Center.»
    Ca fait une bonne décennie que la droite lucide nous casse les oreilles avec le 40% de Québécois, trop pauvres pour payer des impots! lol
    Vous parlez de déficit plus important à Washington?
    C'est rendu à 1,800 milliards, 6000$ par américain! C'est énorme, surtout qu'on sait maintenant que la moitié ne paie pas d'impot!
    Au Québec le déficit est de 4.6 milliards, environ 600$ par Québécois.
    Des peanuts

  • Archives de Vigile Répondre

    8 avril 2010

    Les conditions gagnantes tant attendues. Pas de doute là dessus.
    Mais, "gagnantes" à condition que nous profitons de l'opportunité pendant le temps de cette brèche ouverte.
    Car cette brèche se refermera par les oportunités prises par les autres.
    Moi je serais content avec une gauche économique et une droite sociale.