Jacques Parizeau à Tout le monde en parle Photo: Karine Dufour, Tout le monde en parle
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L'ancien premier ministre du Québec Jacques Parizeau ne se lasse pas de parler de souveraineté. Il lance lundi soir son troisième livre sur le sujet, La souveraineté: hier, aujourd'hui et demain, une réflexion sur ce qui a été « l'espoir de sa vie » et qui pave la voie à suivre vers un troisième référendum.
M. Parizeau, dont les propos ont souvent soulevé la polémique, reconnaît s'être assagi. Il délaisse les déclarations explosives pour plutôt faire une synthèse de ses idées sur le Québec, l'éducation, l'économie et l'environnement.
« La belle-mère va avoir 80 ans, alors il est peut-être le temps de faire le point. Je suis, comme on dit en anglais, on my way out. Je quitte graduellement les choses, alors j'ai profité de cette situation pour indiquer un peu où je pense que le Québec peut et doit aller dans les années qui viennent », a-t-il affirmé à l'émission Tout le monde en parle, dimanche.
M. Parizeau croit que le Parti québécois a besoin de se renouveler. « Les visages ont changé, mais on ne peut pas dire la même chose des idées », écrit-il dans sa brique de 254 pages. Il en a remis sur les ondes de Radio-Canada: « Pas seulement le Parti québécois, mais toute la mouvance souverainiste a besoin de réfléchir à nouveau, de reprendre certaines choses. »
Selon lui, cette mise à jour est particulièrement importante pour les plus jeunes. « Les gens de mon âge peuvent toujours vivre en fonction de souvenir, de réalisations qu'on a eues, d'espoirs qu'on a eus. Les jeunes, ça ne leur dit rien du tout ça. Ce qu'ils veulent savoir, c'est quel genre de pays on va vivre. » Il se lance d'ailleurs dans son livre sur une démonstration novatrice des gains environnementaux possibles avec l'indépendance du Québec.
Il enjoint en outre au Parti québécois d'élaborer les programmes gouvernementaux d'un Québec indépendant avant même d'être élu.
L'art de persuader
Celui qui a été ministre des Finances sous René Lévesque parle aussi du besoin de convaincre. Il déplore que les leaders souverainistes, dont lui-même, n'aient pas eu la crédibilité nécessaire pour convaincre une majorité de Québécois. Il relance donc le débat sur le souveraineté, lui qui a vécu l'échec de 1995 alors qu'il était à la tête du PQ.
Selon lui, il ne faut pas hésiter à parler d'économie. « Bien sûr, on ne fait pas l'indépendance juste pour des arguments rationnels, des calculs de coûts et des bénéfices et des espoirs d'améliorer notre niveau de vie. Mais un peuple qui a atteint un certain degré d'aisance hésitera à se lancer dans ce qui pourrait passer pour une aventure et prendra conscience qu'il a quelque chose à perdre. Donc, il faut faire appel au rationnel, convaincre et démontrer. Certains s'indignent parfois de l'importance que des dirigeants de partis souverainistes accordent à ces questions de gestion. C'est pourtant inévitable », écrit-il.
M. Parizeau se penche aussi sur la question de la mondialisation et affirme que ce nouveau contexte ne rend pas le projet de souveraineté désuet, bien au contraire. Selon lui, dans un monde où les économies, les communications et les cultures sont de plus en plus intégrées, le rôle d'un État souverain prend tout son sens et permet une meilleure défense des citoyens.
Le seul aspect pamphlétaire de son livre concerne le président français. Il charge à fond de train contre Nicolas Sarkozy qu'il accuse d'avoir trahi la position traditionnelle de la France vis-à-vis de l'éventuelle indépendance du Québec. Il l'accuse de l'avoir fait dans le but de garder son amitié avec Paul Desmarais et d'avoir accès à l'argent de Power Corporation.
Marois et Landry acquiescent
En entrevue à la Presse canadienne, la chef péquiste, Pauline Marois, a soutenu que la démarche entreprise par son parti allait dans le même sens que ce que suggère son ancien collègue. Elle a rappelé que le PQ tiendrait, d'ici la prochaine année et demie, quatre forums pour élaborer des mesures de gouvernance souverainiste. Le premier aura d'ailleurs lieu ce week-end à Montréal.
« Quand M. Parizeau dit qu'il faut renouveler les idées, parler du pays, c'est ce que nous faisons, avec l'aboutissement de cette démarche au congrès de juin 2011, qui nous permettra de parler de souveraineté à la prochaine élection », a affirmé celle qui dit avoir provoqué « une rupture avec l'attentisme ».
À l'instar de Jacques Parizeau, Pauline Marois estime qu'un troisième référendum sur la souveraineté est nécessaire, mais refuse de fixer un échéancier. « Je ne me piégerai pas dans une stratégie qui ferait ensuite qu'on soit tenu de le faire et que ce ne soit pas le moment pertinent. Mais les gens sauront qu'en nous élisant, oui, il est possible qu'il y ait un référendum », a-t-elle poursuivi.
L'ancien premier ministre péquiste Bernard Landry a de son côté donné raison à Jacques Parizeau pour vouloir remettre dans l'actualité le débat sur la souveraineté. Il partage en outre son opinion sur la pertinence d'un troisième référendum et sur la nécessité de moderniser le discours souverainiste pour l'adapter à la mondialisation.
« La conjoncture et l'évolution planétaire nous forcent à le renouveler. C'est une de mes thèses d'ailleurs depuis longtemps: la mondialisation rend plus importante et nécessaire l'indépendance des nations. Et ce n'est pas pour rien qu'il y a 30 nouvelles nations indépendantes depuis 30 ans ou à peu près », a-t-il dit.
Le premier ministre Jean Charest a au contraire estimé que la mondialisation rendait le fédéralisme « encore plus pertinent ». Il a admis ne pas avoir lu le livre de M. Parizeau, mais dit qu'il avait constaté, à la lumière des reportages sur le sujet, qu'« on revient toujours sur la même question: ils vont encore se dévorer à nouveau sur cette question-là de la souveraineté ».
La souveraineté: hier, aujourd'hui et demain est disponible en libraire depuis lundi. Il sera publié en anglais au printemps prochain.
Souveraineté
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