Intégration des immigrés : politique officielle versus réalité

Québec - pluralité et intégration


Les professeurs en francisation du ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles (MICC) reçoivent en moyenne 8000 immigrés par année dans leurs classes, toutes formules confondues. Leur mission première est de veiller à ce que leur intégration se réalise le mieux possible et dans les meilleures conditions.
L'intégration dépend en grande partie de l'emploi. Environ 70 % de nos étudiants veulent d'abord et avant tout travailler. Les obstacles sont nombreux : non-reconnaissance de diplômes, obligation d'avoir de l'expérience canadienne, protectionnisme des corporations, etc. Sans oublier le plus gros problème : un jour, les immigrés réalisent que le français n'est pas une langue gagnante.
En effet, bien des professeurs du MICC vous le confirmeront, au bout de 33 semaines d'enseignement du français, nous arrivons trop souvent au même constat : nos étudiants ne peuvent pas travailler, nous avons formé des citoyens de seconde zone, des francophones. Certains professeurs en éprouvent même un sentiment de culpabilité : ils savaient que la langue française ne donnait pas souvent d'emploi et ils n'ont rien dit.
Pourtant, les États généraux sur la langue française (2001) disent qu'"en faisant du français la langue de l'État, la langue normale et habituelle du travail, de l'enseignement, des communications, du commerce et des affaires, la Charte de la langue française voulait étendre l'usage de la langue française à tous les domaines de la vie publique et augmenter ainsi son pouvoir d'attraction."
Or, si l'objectif de la Charte de la langue française est de donner une plus grande place au français dans une perspective intégrationniste, la réalité est toute autre.
En effet, force est de constater que les allophones qui choisissent la langue française ou ceux qui ont été dirigés vers les cours de francisation sont discriminés au niveau de l'emploi par rapport à ceux qui choisissent l'anglais. La langue française demeure un plus, bien sûr, mais trop souvent seule l'anglais est considéré essentiel dans l'obtention d'un emploi. Il s'agit selon nous de discrimination fondée sur la langue. À moins de considérer la langue française comme un élément insignifiant de la vie publique au Québec, il s'agit bel et bien de discrimination.
Nos étudiants en prennent d'ailleurs toujours peu à peu conscience dans la vie de tous les jours et nous en font part en classe. Ils savent par exemple que commander des mets chinois ou de la pizza au téléphone va souvent exiger la connaissance de la langue anglaise. Ils se font souvent servir dans divers commerces en anglais seulement. Des chauffeurs de taxi qui se débrouillent en anglais uniquement, ils en connaissent. Bref, au Québec, à Montréal et en Outaouais particulièrement, la langue de l'emploi chez les immigrés, c'est l'anglais.
Xénophobie
Une des graves conséquences de cette situation est la xénophobie. Nous savons en effet que la xénophobie est davantage l'expression d'une réaction défensive à une menace appréhendée. Or, quand un francophone à plusieurs reprises ne réussit pas à se faire servir dans sa langue dans des commerces tenus par des immigrants, il en ressort un sentiment d'insécurité : son patrimoine linguistique est mis en péril par la présence de ces étrangers.
Quant à la discrimination dont sont victimes les immigrés francisés qui ne parlent pas anglais, elle renforce ou crée des inégalités sociales et économiques qui, par un effet de cercle vicieux, renforcent à leur tour des préjugés : les immigrés viennent ici pour se faire vivre.
La politique linguistique québécoise n'a pas atteint tous les objectifs visés par le législateur, si bien que la question de la défense et de la promotion de la langue française au Québec se pose encore et plus que jamais. Le pouvoir d'attraction de la langue majoritaire est insuffisant alors qu'on assiste à un renforcement du pouvoir d'attraction de l'anglais même chez les plus francophiles de nos immigrés.
Pour aider l'intégration, il faut que les immigrés qui ne parlent pas anglais puissent se trouver du travail. L'apprentissage d'une langue seconde est déjà un travail colossal et nous ne devrions pas exiger d'eux l'apprentissage d'une troisième langue pour qu'ils puissent gagner leur vie.
Paul Morissette, secrétaire,
_ Syndicat des professeurs de l'État du Québec


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