Il y a 50 ans : notre télé

Médias


À l’occasion du cinquantième anniversaire du décret de Pearson créant la Commission BB, Il est intéressant de constater comment, dans la foulée des débats qu’elle a suscités, notre télé a elle-même subi un grand bouleversement. Pour ne pas dire qu’on la faite entrer dans une ère de normalisation.
Dès son apparition dans nos vies en 1952, le petit écran est vite devenu un important vecteur de transformation des mentalités. De ce fait, il a largement contribué à la galopante sécularisation de notre société. Ses agents culturels envahissant nos chaumières, La famille Plouffe, 14 rue de Galais, Point de Mire venaient forcément en concurrence avec les prêches de soumission de nos gens en soutane.
De cette évolution, Robert Rumilly fut un des premiers à publiquement s’en plaindre, critiquant Radio-Canada d’avoir ouvert la porte à trop d’opposants au premier ministre Duplessis. De les avoir fait ainsi entrer dans nos salons, là où ils pouvaient véhiculer leur idéal socialisant. De ces personnes ainsi capables de troubler l’ordre social, le biographe de Duplessis avait André Laurendeau en tête de liste.
Par son émission Pays et merveilles, clamait Rumilly, une large tribune est offerte au rédacteur en chef du Devoir, ce quotidien scrutant les moindres méandres du scandale du gaz naturel.
Laurendeau appuyait pourtant Duplessis dans son combat contre un gouvernement central cherchant à s’immiscer dans les champs de compétence provinciale. Le devançant même quand il se désolait du trop peu d’empressement de la part d’Ottawa à fournir ses services de qualité en français. Et devant la situation de nombreux fonctionnaires fédéraux du Québec devant gagner leur vie en anglais. Si rien n’est fait, craignait Laurendeau, les indépendantistes vont continuer à progresser.
Le 20 janvier 1962, il signe un éditorial sur le sujet. À sa demande d’enquête publique, le premier ministre Diefenbaker fait sourde oreille. Mais, grande chance pour Laurendeau, le 6 avril 1963, les conservateurs sont renversés et, Lester B. Pearson, le nouveau premier ministre, accède à sa requête.
Le 19 juillet suivant, le PM émet un décret. Il y aura effectivement enquête. Davidson Dunton et André Laurendeau en seront les coprésidents. Elle s’appellera : Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme.
Alors que, de 1945 à 1958, il était président de Radio-Canada, Dunton a fortement défendu l’indépendance de l’institution. Un principe qui a permis à Jacques Fauteux et à François Morissette d’avoir les coudées franches quand, le 10 novembre 1963, ils couvrent à la télé la première audience publique de la commission.
Faisant le bilan des interventions entendues, Morissette rapporte « qu’à part quelques exceptions, les notions de multilinguisme et de multiculturalisme ne rentraient pas dans le cadre de la commission. » De « ces quelques exceptions », la première, déclare le journaliste, venait d’un représentant de la communauté canado-polonaise. « Le Canada doit se doter ”d’une nouvelle confédération”, clame le monsieur. Et nous allons tout faire pour que cette nouvelle assemblée soit le reflet de la mosaïque canadienne».
« Nous rejetons, tout principe qui porte à reconnaître ou à laisser entendre la supériorité d’un groupe de Canadiens par rapport aux autres, que ce soient sur la base de leur origine ethnique, de leur culture ou de ce qu’on appelle leur droit historique antérieure. » déclare ensuite un représentant des parlants ukrainiens.
Fauteux nous indique ensuite que « des voix plus raisonnables se sont également faites entendre », celle entre autres de Michael Garber du Canadian Jewish Congress, venu dire combien serait néfaste pour le Canada une politique de multilinguisme et le multiculturalisme.
Le Rapport préliminaire du 25 février 1965 reflète la pensée de Laurendeau tout comme l’optimisme d’une solution valable pour le Québec se dégageant du portait donné par Fauteux et Morissette à Caméra 63. Or, ce n’est pas du tout ce portait d’un Canada à deux que renvoient les rapports finaux de 1968 et 1969 où «l’adoption d’une politique du multiculturalisme dans un cadre bilingue» est recommandée.
Qu’est ce qui a produit ce retournement de veste? Le décès de Laurendeau? Il y a plus. Il arrive que, du rapport préliminaire, le ROC a réagi différemment de ce que l’on aurait pu croire à l’est de l’Outaouais. On a eu plutôt droit à cette réponse: « Good for you that Quiet Revolution brings the fall of the Priest Ridden Society. But, don’t go farer. We much prefer multiculturalism to your “Canada à deux”.
Finies les folies. Trudeau, lui, savait qu’il se devait d’aller plus loin.
L’indépendance de la télé publique clamée par Dunton pouvait être un principe honorable pour la CBC. Mais pas pour la SRC quand on y traite de la relation Québec-Canada. Jamais Céline Galipeau ne qualifiera de déraisonnables les propos de tout quidam faisant l’éloge du multiculturalisme.


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