Le Devoir dans la toundra du Manitoba - La prison… pour les ours polaires délinquants

Le centre de détention pour ours de Churchill «incarcère» les ours rôdant à proximité de la ville avant de les transporter loin des zones habitées

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Fait ce que doit ? Le Devoir, complètement égaré, fait sa manchette avec les ours polaires !

Churchill, Manitoba — La prison des ours. Voilà comment les habitants de Churchill, ville de 900 âmes sise aux abords de la baie d’Hudson, au-dessus du 58e parallèle nord, appellent cet ancien bâtiment militaire destiné à recueillir les ours polaires délinquants rôdant tellement près de la cité que la patrouille les arrête.

Intimement calqué sur son pendant humain, le centre de détention pour ours existe depuis 1980. Sans fenêtre ni la moindre ouverture, la prison contient 28 cellules. Affamés après trois mois d’hibernation, et toujours incapables de chasser le phoque, car les glaces de la baie ne sont pas encore formées, les ours blancs s’approchent souvent de la ville en octobre et en novembre. Quand des téméraires franchissent la zone interdite, les gardes-chasse du ministère des Ressources naturelles du Manitoba neutralisent les animaux, qui prennent le chemin de la prison…

Après une captivité d’une trentaine de jours sans nourriture ni le moindre contact avec les humains, les bêtes sont héliportées à une cinquantaine de kilomètres au nord-ouest de Churchill, près de la North River, l’objectif étant qu’elles ne remettent pas les pattes en ville après cette désagréable aventure en prison. Les données révèlent toutefois un « taux de récidive » de 70 %...

Alerte aux ours

Vendredi dernier, une mère et son petit ont ainsi fait leur sortie du pénitencier, sous les yeux ébahis de quelques dizaines de personnes, des badauds désireux de revoir cet exercice survenant quelques fois par mois, mais des touristes aussi, prévenus à la toute dernière minute qu’un ours allait ainsi survoler la ville au bout d’une corde, un spectacle à ne pas manquer. Présente pour tourner un documentaire, même la télévision américaine a rivé ses caméras sur la sortie des deux bêtes.

Endormis par une dose de sédatifs permettant la manoeuvre singulière, mère et petit ont été roulés hors du centre de détention sur un chariot, leur fourrure marquée d’une peinture verte pour permettre une identification ultérieure. Le petit fut transporté directement à l’intérieur de l’hélicoptère ; la mère, elle, placée sur un filet, puis soulevée pour un périple aérien de quelques dizaines de kilomètres la menant jusqu’à un environnement plus naturel qu’une ville, son dépotoir et les odeurs de nourriture s’en échappant.

L’alerte aux ours (bear alert) est bien active à Churchill, où les citoyens ne ferment à clé ni les portes d’auto ni celles des maisons, au cas où quelqu’un, au gré d’une promenade en ville, aurait le besoin urgent d’un refuge après avoir croisé un ours blanc. Le dernier incident s’est produit il y a deux semaines : un douanier s’est chamaillé avec un ours à sa sortie d’un bar. C’est la lumière de son cellulaire qui l’a sauvé, le laissant indemne, hormis quelques coups de griffe sur la tête.

Au cours du dernier mois, 11 ours ont ainsi été attrapés par les gardes-chasse pour occuper les cellules de la prison. Ces cages de béton ne permettent aucun contact avec l’extérieur, les animaux recevant eau et neige par une trappe de métal située sous leur habitacle. « Le but est de sevrer les animaux le plus possible de la présence humaine », explique Koral Carpentier, naturaliste et guide pour Great Canadian Travel. « On espère ainsi qu’un séjour désagréable en prison les déconditionnera à venir chercher de la nourriture chez les humains », ajoute la guide. Si cette manière de faire peut sembler radicale, elle vise selon elle tout autant la protection des ours que celle des humains.

Depuis l’entrée en vigueur en 1969 de la toute première patrouille des ours, les habitants de Churchill ont appris à cohabiter non pas avec les bêtes, arrivées là bien avant eux, mais avec les gardes-chasse qui sillonnent la ville jour et nuit pendant ces six à huit semaines les plus occupées de l’année - celles où des colosses blancs poilus de quelque 500 kg cherchent de quoi se sustenter avant de chasser le phoque. « On ne se lève pas le matin en ayant peur des ours », dit John Hrominchuk, 64 ans, établi à Churchill depuis quelques décennies, qui a toujours envoyé ses enfants jouer dehors sans craindre le pire. « On ouvre la porte, on regarde comme il faut partout, et s’il n’y a rien, on y va. Les ours, ils font partie du paysage. »

Activité touristique

Si certains, comme Koral Carpentier, estiment cette vigilance nécessaire, d’autres, tel John, croient que des excès de patrouille éloignent à ce point les ours que cela pourrait nuire à l’activité touristique, qui bat son plein en octobre et novembre. « Nous avons six ou sept semaines, pas plus, pour faire notre argent », dit John, qui avec son fils tient le Bear Country Inn, l’un des refuges investis par des hordes de touristes venus de partout dans le monde pour voir l’ours polaire. « S’il faut faire des mille pour trouver les ours, c’est mauvais pour nous. »

La cohabitation avec les ours donne toutefois lieu à des manières de faire pour le moins inusitées : comme ces longs clous plantés par dizaines sur les portes de certaines maisons et dans les marches d’escalier. Ou encore cette règle inédite, à quelques jours de l’Halloween : interdiction formelle de costumer les enfants en blanc, afin d’éviter une méprise entre un bambin et un ours polaire.



Ce reportage a été rendu possible grâce à l’invitation de Great Canadian Travel.


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