Ignominies royales

Chronique de José Fontaine

De Standaard (journal flamand), La Libre Belgique (wallon et francophone) relancent le débat : il y a vingt ans, le roi Baudouin Ier refusait de sanctionner (formalité pourtant), une loi dépénalisant partiellement l’avortement votée par les Chambres. Et, le 30 mars 1990, faisait savoir au Premier ministre qu’il agissait ainsi pour des raisons de conscience. Le 4 avril, le gouvernement constata que le roi était dans l’impossibilité de régner, disposition prévue par la Constitution belge de 1830. Appliquée une seule fois, en pleine guerre, en mai 1940 : Léopold III avait alors décidé, contre ses ministres, de demeurer en Belgique suite à la probable défaite de l’armée belge. Le 28 mai, elle capitulait, découvrant ainsi l’aile gauche des armées alliées rembarquant à Dunkerque. Elle capitulait, face à une situation difficile aggravée par le comportement de 2/3 des troupes flamandes de l'infanterie ne combattant plus les Allemands. Geste de rupture à l'égard des Alliés. Ceci détermina le destin du roi. Déclaré dans l’impossibilité de régner (« du fait de l’ennemi » disait le gouvernement réfugié en France), il n’adopta pas l’attitude de Pétain (mais s’il avait pu…), s’accommoda de la présence allemande. Déporté en Allemagne au lendemain du 6 juin 44, il ne put rentrer au pays en 1945 en raison du bain de sang qui s’y serait produit. En mars 1950, un référendum permit au roi de revenir, la Flandre (fortement majoritaire), ayant voté massivement oui, la Wallonie, minoritaire ayant voté radicalement non. Léo Collard, député et échevin de Mons, déclara le 18 juillet que la Wallonie était menacée « d'un mouvement incontrôlable et irrationnel de nature morale et psychologique » (1) Quelques jours plus tard, une bombe explosait dans cette ville. Des dizaines d'autres suivirent partout en pays wallon. Ce pays entrait dans la voie de la grève générale insurrectionnelle : le 30 les drapeaux wallons étaient substitués aux drapeaux belges.
L'habileté et l'expérience des hommes politiques permirent au pays de ne pas éclater (ce à quoi conduisait le total manque de sens politique du roi). C’est pour cette raison que l’impossibilité de régner, certes moins dramatique, de début avril 1990, inquiéta. A l’époque on avait convenu de trouver une solution à la question de la sanction royale. Le successeur de Baudouin Ier, son frère Albert II, avait accepté en 1995, que la Constitution belge l’en dispense. Mais le projet devait demeurer secret, pour éviter des dérapages (les parlementaires, l’opinion), et voté vite. Il fut divulgué et abandonné. Il y a un considérable malaise à traiter de ces questions. Le Luxembourg voisin, une monarchie constitutionnelle, a réglé le même problème en quelques jours de facto et quelques mois de jure. Certains croient que la monarchie belge est une valeur ajoutée pour les habitants du pays alors qu’elle les déshonore.
En 1830, le Congrès national avait prévu que la Belgique serait une monarchie constitutionnelle, régime avancé politiquement alors. Mais l’un des rédacteurs de la Constitution déclara (Jean-Baptiste Notomb Nothomb): « L'hérédité et l'inviolabilité sont deux fictions politiques, deux fatalités publiques, deux exceptions dans l'ordre social. Face à ces fictions se dresse, toujours menaçante, la souveraineté du peuple qui, dans les cas extrêmes, les brisera sur-le-champ. » inviolabilité : le roi règne, influence les ministres mais ceux-ci sont les seuls responsables, ce qui enlève au roi, toute influence directe ou publique mais lui confère l’avantage d’une influence dissimulée] (3). Les Congressistes de 1830 ne voulaient que d’une monarchie ornementale. Richement doté par la bourgeoisie financière belge, le premier roi occupa rapidement une place centrale dans les affaires politiques et les affaires tout court (il devint la première fortune belge) (4). Ce statut anormal de la monarchie belge demeure. On est déjà en retard de 180 ans sur 1830. Or le roi n’est plus associé qu’au pouvoir du gouvernement fédéral dont les compétences s’atrophient au bénéfice des Etats fédérés, où le roi ne joue plus aucun rôle. Ceux qui s’opposèrent à la monarchie, [comme en 1950 dans cette vidéo qui commence par VIVE LA REPUBLIQUE ! nous sauvent de la honte. (2) En 1961, Baudouin Ier fait partie des responsables de l’assassinat du Premier ministre congolais Lumumba. Le frère de l’assassin (Albert II) sera là aux 50 ans de l’indépendance congolaise ! Et le Président congolais est venu faire l’éloge de Léopold II qui massacra la moitié de ses compatriotes au début de la colonisation : voir note de bas de page 10. Certains bons Belges royalistes auront-ils le culot de dire que «j'exagère»?
(1) Annales parlementaires, Session Chambres réunies, 18/7/1950 citées par Paul Theunissen 1950, le dénouement de la question royale, Complexe, Bruxelles, 1986, p. 88.
(2) Une enquête parlementaire sur cet assassinat d’un député à été reportée sine die pour des raisons «économiques» ! Et lors de l’enquête parlementaire sur l’implication de l’assassinat de Baudouin Ier, le chef de cabinet du roi rappela aux parlementaires que le roi est irresponsable, donc ne peut pas être mis en cause. Or ce roi était mort à ce moment-là! Son irresponsabilité s'étendait ainsi au-delà de sa mort! Ces gens ont quand même du culot... Voir le paragraphe intitulé Monarchie destructrice de la mémoire en Europe et en Afrique.
(3) Velaers & Van Goethem, Leopold III, De Koning. Het Land. De Oorlog, Lannoo-Tielt, 1994, p. 979.
(4) Taper sur Google Comment Léopold I vit sa fortune faire des petits

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José Fontaine355 articles

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Né le 28/6/46 à Jemappes (Borinage, Wallonie). Docteur en philosophie pour une thèse intitulée "Le mal chez Rousseau et Kant" (Université catholique de Louvain, 1975), Professeur de philosophie et de sociologie (dans l'enseignement supérieur social à Namur et Mirwart) et directeur de la revue TOUDI (fondée en 1986), revue annuelle de 1987 à 1995 (huit numéros parus), puis mensuelle de 1997 à 2004, aujourd'hui trimestrielle (en tout 71 numéros parus). A paru aussi de 1992 à 1996 le mensuel République que j'ai également dirigé et qui a finalement fusionné avec TOUDI en 1997.

Esprit et insoumission ne font qu'un, et dès lors, j'essaye de dire avec Marie dans le "Magnificat", qui veut dire " impatience de la liberté": Mon âme magnifie le Seigneur, car il dépose les Puissants de leur trône. J'essaye...





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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    27 mars 2010

    M.Fontaine, je suis entièrement d' accord avec vous. Honte à la monarchie belge.
    Patrice Lumumba était droit, juste et luttait pour la liberté de son pays, le Congo.
    Vous devez savoir comment il a été assassiné et comment on a détruit sa dépouille
    pour ne pas laisser de traces.
    Honte à la monarchie brittannique aussi. Voir le texte "Les égoûts de sa majesté"
    au Réseau Voltaire.
    Lawrence Tremblay.