Hommage à Gaston Laurion

Comprendre notre intérêt national

[->aut252]Gaston est parti sans crier gare pour son dernier voyage. Je serais tenté de le morigéner d’avoir pris congé de ses amis sans laisser un mot sur sa carte de visite. D'une politesse exquise, rompu aux bons usages et aux bonnes manières, il était de tous mes proches celui qui incarnait le mieux le style dandy, le vrai, celui qui s’attache principalement au langage et à la tenue vestimentaire. « Une quintessence, écrivait Baudelaire, de caractère et une intelligence subtile de tout le mécanisme moral ce de monde ».
Nous étions liés comme des premiers de cordée dans une entreprise qui a quelquefois lassé mes forces, mais jamais les siennes : la défense et l’illustration de la langue française, dont on a dit qu’elle était «  une souveraine assise sur le trône des mots qui ne rend pas justice, mais la justesse ». Bretteur infatigable, sabre au clair, il apostrophait naguère de verte façon la radio canadienne :
« C’est la deuxième fois ce matin qu’à Radio-Canada, j’entends l’expression « [des élèves de langue francophone->14185]». Or, comme cette langue n’existe tout simplement pas, il faut sans doute soupçonner qu’il s’agit bien en réalité de la langue française, qui, elle, existe, ici et dans les quelque soixante pays de la francophonie. Le mot « français» serait-il donc devenu à ce point tabou que l’on ne craigne pas de dire une absurdité pour l’éviter ?
Il y a dans cette objurgation à l’emporte-pièce, du [Gaston Laurion->aut252] à son meilleur. Féru de lettres françaises et québécoises, professeur émérite, titulaire d’icelles à l’Université Condordia, je devine l’espoir secret qu’il entretint lorsqu’en 1987, il traduisit le livre de George Grant, Lament for a nation, sous le titre Est-ce la fin du Canada ?
Gaston, tu nous manqueras. Il restera une poignée de vieux grognards pour continuer la lutte et éviter que la langue de nos pères s’enfonce dans les marais accommodants de l’interculturalisme ou autres niaiseries de même farine. En nourrissant l’espoir célébré par La Marseillaise, « que des générations nouvelles entreront dans la carrière quand les aînés n’y seront plus ». De sorte que, selon tes vœux, après quatre siècles d’enracinement et d’endurance, la patrie du Québec contribue comme nation souveraine à la jeunesse et la richesse du monde.
Yves Michaud

Montréal, église Saint-Joseph-de-Bordeaux

le 29 décembre 2008


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2 commentaires

  • Nicodème Camarda Répondre

    15 janvier 2009

    Toutes mes sympathies monsieur Michaud. Gaston Laurion nous manquera. Le peuple québécois a perdu un autre fleuron. Un noble défenseur de la langue Française. Sur ce, sans vouloir manquer au respect qui est du et de bon goût on se console à la lecture d'un autre fleuron: vous monsieur Michaud. vous…
    Sachez qu'ici,
    on vous aime infiniment.
    De toutes nos forces
    nous tenons à vous.
    Et nos plus fiers sentiments
    vous accompagneront toujours.
    Amitié
    Nicodème. Camarda

  • Archives de Vigile Répondre

    29 décembre 2008

    Pour mieux éviter que la langue de nos pères s’enfonce dans les marais accommodants de l’inter culturalisme ou autres niaiseries de même farine, comme vous le soulignez, faudrait bien que notre bon gouvernement très provincial commence par pousser sur ses programmes scolaires pour la mieux enseigner et sur la loi 101 pour la rendre plus importante sur les lieux de travail et de commerce au Québec. L'inter culturalisme devrait ainsi avoir moins de prise sur les Québécois.
    Est-ce que le parti Libéral, qui se fait financer en bonne partie par les anglophones et les anglophiles et qui forme notre gouvernement "national", va y voir ? Ce serait assez surprenant. Il n'aurait pas besoin du fédéral vu qu'il possède déjà le pouvoir constitutionnel nécessaire.