Héros, salauds, bozos

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La marginalisation du français se poursuit au Canada





L’administration Coderre changera le nom de la rue Amherst, qui évoquait un général britannique ayant distribué aux autochtones des couvertures qu’il savait infectées par la variole.


Les critères moraux ont certes changé, mais même au 18e siècle, il se trouvait des gens pour comprendre qu’on ne fait pas une saloperie pareille.


On fait également disparaître de la toponymie montréalaise le nom d’Alexis Carrel, prix Nobel de médecine en 1912, qui devint ensuite un chaud partisan de l’eugénisme nazi.


Il existe encore une rue Alexis-Carrel à Boisbriand.


Quand j’en fis la remarque dans une chronique, je fus très étonné de recevoir une lettre de la mairesse m’expliquant... qu’aucun de ses concitoyens ne s’était plaint !


Si personne ne sait, si personne ne se plaint, donc c’est bien ?


Complexe


Il y a d’excellents arguments pour s’opposer à ces changements de noms, même ceux de personnages sulfureux.


Effacer, c’est commencer à oublier des horreurs qu’il ne faudrait justement pas oublier.


Juger le passé avec les critères d’aujourd’hui est aussi discutable que si, en 2217, on nous traitait de salauds pour nous être comportés comme il est courant de se comporter en 2017.


Au temps de Washington et de Jefferson, il était normal de posséder des esclaves si vous étiez riche. Le reste de leur vie fut une fabuleuse odyssée.


Et comment déterminer qui reste et qui part ? Wolfe n’est pas Hitler.


On conviendra rapidement de ne pas nommer un lieu du nom du Führer, mais il se trouvera aussi des bozos qui reprocheront à un lieu de porter le nom d’une personne trop blanche, trop mâle, trop riche ou qui, ô horreur, lâcha jadis une remarque qui serait déplacée aujourd’hui.


Renommer, c’est aussi se donner bonne conscience à peu de frais. C’est renforcer le caractère amnésique de notre époque obsédée par l’immédiat.


Ne faut-il pas plutôt assumer, comprendre et contextualiser, quitte à ajouter une plaque explicative ou un monument aux victimes du bourreau qui a sa statue ou sa rue ?


Mais le camp du changement a aussi de bons arguments.


Honorer, c’est faire de quelqu’un un modèle. Or, les modèles sont là pour inspirer et être imités. Hum...


Est-ce du « révisionnisme » ? Absolument, mais le progrès implique par définition une révision du passé. Chaque génération d’historiens produit son école « révisionniste ».


Qui s’est plaint du déboulonnage des statues de Lénine et de Staline dans les ex-républiques soviétiques ?


Que faire quand une statue devient un lieu de pèlerinage et de rassemblement pour les extrémistes d’aujourd’hui ?


Du calme


Idéalement, il faudrait garder le sens des nuances : on efface les symboles nazis, mais on garde les camps d’extermination, justement pour ne pas oublier.


L’essentiel est de ne pas agir dans la précipitation et de mettre cela entre les mains d’historiens professionnels qui travailleront calmement et à distance du tumulte.




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