Grand Nord - La frontière oubliée du Québec

Plan NORD du PLQ


Mathieu Jacques - On parle beaucoup ces temps-ci du Grand Nord canadien, mais le Grand Nord québécois semble quelque peu oublié. Pourtant, il s'agit d'une région problématique du Québec où les frontières sont très mal définies.
Si l'on regarde actuellement une carte du Québec, on peut rapidement remarquer qu'aucune des îles de la côte ouest, du haut de la pointe de l'Ungava jusqu'au fond de la baie James, n'appartient au Québec: elles font toutes partie intégrante du territoire du Nunavut. C'est un fait étonnant considérant que ces îles sont une demande du Québec.
En effet, le 27 avril 1909, l'Assemblée nationale avait adopté une résolution demandant à l'unanimité l'intégration de ces îles au territoire du Québec. Ces demandes furent rejetées en 1912 quand l'Ungava fut cédé au Québec. D'ailleurs, le premier ministre de l'époque, Lomer Gouin, est très explicite quant à son insatisfaction par rapport à la frontière septentrionale du Québec.
«Cette délimitation du territoire annexé, qui se trouve dans la loi fédérale, n'est pas la même qui est consignée dans la résolution de l'Assemblée législative du 27 avril 1909, soulignait-il. Cette résolution demandait que les îles et les groupes d'îles qui font géographiquement partie de la région de l'Ungava nous fussent donnés. Ces îles et groupes d'îles étaient les îles Ottawa, Sleepers, Baker's Dozen Belchers, North Belchers, King George, Mansfield, Charles, toutes les îles de la baie d'Ungava et les îles Button, conformément à la description contenue dans la proclamation du 2 octobre 1895.
«Lorsque le projet de loi fédéral nous a été communiqué, nous avons attiré l'attention du gouvernement du Canada sur ce point et nous avons demandé qu'on nous accorde ces îles, soit en les désignant nommément, soit en faisant passer plus à l'ouest la ligne frontière occidentale de ce territoire. Ces îles forment géographiquement partie de l'Ungava et nous croyions, comme nous le croyons encore, qu'il est absolument nécessaire, si l'on veut assurer une bonne administration de la terre ferme, que les îles avoisinantes soient mises sous la juridiction de la province.»
Indifférence générale
Le fait est que lorsque le Nunavut fut constitué en 1999, personne à l'Assemblée nationale n'a même émis une demande à Ottawa à ce sujet. Pas un seul député n'a réclamé les îles manquantes. Il s'agit là d'un oubli terrible de notre histoire et des demandes du Québec. L'administration Bouchard aurait dû agir. Ottawa a pu transférer les îles du territoire du Nord-Ouest au Nunavut dans l'indifférence générale.
Nous aurions dû au moins soulever le débat en Chambre à l'époque et discuter de l'attribution du territoire en question. Ces îles couvrent un territoire important qui s'étire sur des milliers de kilomètres et qui aurait permis au Québec de bénéficier d'un immense territoire maritime. Du point de vue de la superficie, c'est supérieur au Labrador.
Désormais, à cause du silence de nos politiciens, le Québec est contraint de ne bénéficier que d'une frontière maritime extrêmement limitée sur son versant ouest et nord. Cet oubli est d'autant plus surprenant que la commission d'étude sur l'intégrité territoriale du Québec, à la fin des années 60, recommanda l'intégration des îles de la côte au territoire du Québec. Malheureusement, on ne donna pas suite à ces recommandations.
Il est intéressant de s'arrêter aux conséquences hypothétiques de la frontière actuelle sur un Québec souverain. L'État du Québec serait enclavé par le Nunavut et serait donc un acteur effacé dans le développement du passage du nord-ouest.
De plus, il hériterait d'une frontière similaire à l'actuelle frontière gréco-turque, c'est-à-dire une côte amputée par la présence d'îles d'un autre État. Dans le cas de la Grèce et de la Turquie, il y a presque eu affrontement militaire autour de cette question, car ce genre de frontière apporte inévitablement des disputes par rapport au partage des ressources naturelles présentes dans les eaux.
Il est navrant que cette problématique soit ignorée, car elle est lourde de conséquences pour le développement futur du Québec.
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Mathieu Jacques - Étudiant à la maîtrise, Faculté de droit, Université McGill


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