Géopolitique 101: Pauline, l'important c'est Larose

Chronique de Jean-Claude Pomerleau

Texte publié dans Le Devoir du vendredi 18 janvier 2008
Madame Pauline Marois s'est enfin prononcée sur la proposition de M. Gérald Larose. Elle y adhère et avec raison. Cette proposition a le grand mérite de ramener enfin la stratégie politique dans le champ du réel : le politique s'incarne dans l'état. Comme le débat qu'elle suscite sera déterminant pour la suite des choses, il convient de l'aborder avec un minimum de rigueur.
J'émets ici l'opinion d'un souverainiste qui suit la politique depuis 40 ans. Il y a encore quelque temps, comme bien d'autres, j'aurais émis des doutes sérieux sur la proposition de M. Gérald Larose. C'était avant que je fréquente les travaux en géopolitique de M. J. R. M. Sauvé. Et que je me familiarise avec des notions élémentaires en géopolitique. Cette rencontre à changer ma manière d'aborder la politique : Du Rationnel au RELATIONNEL.
La politique n'est pas RATIONNEL : on prend le pouvoir, on fait un Référendum, on le gagne et on a un Pays. Cette démarche ne mène pas nécessairement au pays. Elle pourrait même nous y éloigner si on est incapable d'apprécier correctement le rapport de force qui nous est défavorable au moment de passer à l'acte. Cela peut même mener à la catastrophe historique. Les Patriotes ont payé cher pour ne pas avoir su apprécier les rapports de forces en présence au moment de la Rébellion.
Le peuple l'a compris d'instinct et a « congédié » le Référendum pour le moment; certains intellectuels ont de la difficulté à en prendre acte.
La politique est RELATIONNEL : elle est affaire d'intérêt, de rapport de force et d'effectivité. Notre intérêt, c'est de se doter d'un état optimal; pour y parvenir il faut bâtir un rapport de force qui nous est clairement favorable, tout au long du parcours; sinon, notre politique ne sera pas effective. Et pour ce faire, utiliser les moyens de l'état du Québec (géopolitique : Seul l'état agit avec envergure).
C'est exactement ce que nous propose M. Gérald Larose : bâtir les rapports de forces, un à un, pour un cumul qui donne une consistance suffisante à l'état du Québec pour aborder la rupture finale avec un rapport de force qui nous est définitivement favorable. Car il s'agit bien de cela, un rapport de force entre deux états : l'État canadien qui nous a annexé et l'État du Québec qui cherche à s'en affranchir pour devenir un état optimal (Souverain).
La proposition de doter le Québec de sa propre Constitution va tout à fait dans ce sens. Certains ont réduit cette proposition à un de ses aspects : le Code de citoyenneté. En fait il s'agit d'un acte d'état (Inaugural) d'envergure qui précisera les termes politiques et juridiques de notre état nation.
Malgré les campagnes hystériques et hargneuses de la médiacratie fédéraliste cette proposition reçoit toujours un appui de plus de 60% dans la population. La consultation populaire qui mènera à son adoption sera l'occasion d'un formidable exercice de pédagogie qui permettra au peuple de dessiner les contours d'un pays à venir. Non il ne s'agit pas d'une Constitution de province, il s'agit d'une Constitution d'État ; et qui s'opposera à celle d'un autre état.
Le rapport de force : il est à prévoir que cette Constitution dont le
peuple du Québec se sera doté démocratiquement, entrera en conflit de
légitimité avec la Constitution de 1982, qui nous fut imposée
arbitrairement et que l’Assemblée nationale a rejetée unanimement. Si on
garde un appui au dessus de 60% tout au long du parcours ; un niveau
d’appuis déterminant selon M. Hadrien Parizeau -- le petit fils de Monsieur
(1)--, nous pourrons envisager de demander au peuple de trancher
définitivement la question, par Référendum (si cette voie est praticable)
ou par un autre mode d’accession tout aussi légitime, élection décisionnelle.
Mais reste à savoir si le Parti Québécois est suffisamment imprégné d’une
culture d’état pour défendre cette stratégie d’état, qui propose plusieurs
actes d’état, jusqu’au bout avec la détermination qu’elle commande. Comme
« l’Équipe du tonnerre » qui a mis en place l’état moderne du Québec (à
coup d’actes d’état majeurs.). Ou, comme le craignent certains, entre
autre Me Pierre Cloutier (Voir commentaires en bas de page), les petits carriéristes provincialistes
apeurés seront en nombre suffisant au Parti Québécois pour faire avorter le
projet.
Le PQ est à un tournant, ou il incarne sa politique dans l’état (Qui, seul
agit avec envergure), ou il perd de sa pertinence.
C’est là que l’on va voir si, pour Pauline, l’important c’est Larose.
Jean Claude Pomerleau
***

(1) Journal de Montréal, 11 Janvier 2008 « Au dernier Référendum on étais 50-50, le prochain il faudra être 60-40 pour être sûr de le gagner » Hadrien Parizeau

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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    7 mai 2008

    Seul le peuple est souverain (C'est ce que la Loi 99 établit au Québec). Et s'il cède cette souveraineté, il peut aussi la reprendre. C'est l'argument que la nation Cherokee utilise présentement pour récupérer sa souveraineté de l'état américain:http://www.opednews.com/articles/opedne_david_co_080410_what_is_sovereignty_3f.htm
    Là encore comme ailleurs le rapport de force fera foi de tout. S'il est favorable le statut visé sera effectif (géopolitique).
    jcpomerleau

  • Archives de Vigile Répondre

    7 mai 2008

    Monsieur Pomerleau,
    En commentaire à mon article; "L'erreur fatale de Mario Dumont" vous m'avez signalé vos deux articles Géopolitique 101: L'important c'est Larose et Entre le nous et le mou.
    Je les ai lus avec beaucoup d'intérêt. Allez voir mon commentaire et celui de Georges-Etienne Cartier au texte: Claude Morin est-il de bonne foi?
    Vous remarquerez que Claude Morin ne nous répond pas. Car pour lui le "légal" est au-dessus du Politique.
    Est-ce que j'ai eu raison de me référer à l'Irlande qui a adopté la constitution d'une république libre par référendum en fin de processus?
    Robert Barberis-Gervais, Vieux-Longueuil, 7 mai 2008